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Synode: deux voix discordantes

Celles d'Alessandro Gnocchi, et de Francesco Colafemmina. Pour se faire une opinion... ou ouvrir les yeux (8/10/2014)

Francesco Colafemmina

À la veille de l'ouverture officielle du synode sur la famille, le samedi 4 octobre, la CEI avait appelé à une veillée de prières
Radio Vatican raconte:

Plusieurs dizaines de milliers de personnes ont assisté à ce "prologue" du synode, l'ancrant dans une ambiance à la fois très priante et festive, mêlant toutes les générations.
Trois couples ont donné leur témoignage sur leur expérience de l'amour et de la famille.
[Parmi eux] Antonella et Nicola, père de deux enfants de 14 et 11 ans, ont vécu l'expérience de la séparation entre 2007 et 2013. Ils ont évoqué leur parcours de réconciliation et le recommencement de leur vie de couple et de famille, avec l'aide du programme "Retrouvaille", une association qui aide les couples en difficulté. Leur témoignage a beaucoup marqué l'assistance, émue par ce parcours atypique.

C'est cette veillée décrite avec tellement de complaisance par Radio Vatican qui a inspiré à Francesco Colafemmina, de retour sur son blog après un long silence dû à ses démêlés avec le bras droit du P. Volpi (cf. Incroyable censure ecclésiale), cette réflexion désabusée, et même très pessimiste.
Il a le mérite (et le courage) de dire des choses fortes, que (presque) personne d'autre que lui n'ose dire.

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L'EGLISE «MILAGROS» ET L'AJAX DE SOPHOCLE
5 octobre 2014
F. Colafemmina
http://www.fidesetforma.com
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«Milagros» était le titre d'un célèbre telenovela argentine en 1993.
Eh bien, hier (samedi 4 octobre, cf. le discours du Pape: Les trois voeux du Pape pour le Synode), lors de l'événement de pré-ouverture du Synode on a vu sur la scène le premier épisode de l'église-Milagros dirigé par le scénariste-réalisateur Jorge Mario Bergoglio. L'épisode d'hier a vu comme protagonistes Nicola et Antonella qui ont raconté sur la place publique l'histoire de sa trahison à lui, de la séparation et du retour sous le toit conjugal. Un épisode avec une fin heureuse après tout. Mais la chose importante, c'est cette façon de se vautrer dans ce qui est trouble, la complaisance pour la transgression et le péché. Non, pas le pauvre couple qui dans un élan extrême d'exhibitionnisme, a étalé sa vie privée sur la place, mais l'appareil bureaucratico-institutionnel de cette église "calabraghe" (litt. "qui baisse son pantalon").

Donc, hier, lors du premier épisode de la telenovela argentine, le narrateur a exhorté les téléspectateurs à ne pas juger les protagonistes. Il les a invités plutôt à «prêter l'oreille aux battements de cette époque et à percevoir l'"odeur" des hommes d'aujourd'hui» parce que seulement ainsi nous pouvons «rechercher ce que le Seigneur demande aujourd'hui à son Eglise».
Dans cette intrigue, Dieu, le Seigneur, le Christ sont de simples "deus ex machina", une justification surnaturelle de choses profanes, un besoin du scenario.
Ainsi, la puanteur de la société contemporaine, fondée sur des principes et des valeurs antithétiques à celles chrétiennes - propres par ailleurs à toutes les sociétés traditionnelles - devient dans la bouche de Bergoglio "odeur". Une odeur à "percevoir" et à partir de laquelle se laisser guider pour trouver des recettes adaptées comme le ferait la souris Remy dans la cuisine du dessin animé Ratatouille. Ou mieux pour adapter l'églises-Milagros aux attentes du public. Les téléspectateurs aiment la trahison, la tension, les transgressions. Ils aiment les intrigues complexes, les histoires à tirer des larmes, ils aiment le conflit, le péché, et même la rédemption, mais la rédemption procède selon les souhaits du scénariste dont le but essentiel est de prolonger l'attention du public.

Milagros a vécu pendant plus de 200 épisodes, l'Eglise catholique depuis 2000 ans. Mais pour la majorité de ces 2000 ans, l'ordre social sur lequel insistait la prédication de l'Évangile était l'ordre traditionnel, fondé sur la famille monogame. Et c'était surtout l'ordre de sociétés essentiellement rurales où la stabilité, la fixité sociale était le must. Il n'y avait pas besoin de telenovelas.
Au cours du siècle dernier, l'industrialisation d'abord, et la mondialisation ensuite (de la consommation en plus que de la production et des échanges) ont engendré un ordre social différent et antithètique, basée sur la flexibilité, l'instabilité des liens, sur le "j'use et je jette" plutôt que sur le "pour toujours".
Tant que l'Eglise a pu résister à l'avance de cette révolution sociale (alimenté par des modèles culturels précis, en particulier ceux hostiles au catholicisme et à toute forme de société traditionnelle, ou de valeurs et de principes éthiques "absolus"»), l'Église a manoeuvré entre une doctrine rigide et une praxis un peu plus nébuleuse.
Mais devant la défaite manifeste du modèle social précédent fondé sur la loi de la nature contre ce nouveau modèle de consommation qu'Alexandre Douguine définit comme "post-société", autrement dit un lieu où il n'y a plus de societas (agrégation dans un corps unique de nombreux individus) mais qui applique la loi de l'"idiotes" (le citoyen, l'individu détaché de toute forme d'agrégation), voilà que l'église aussi doit capituler. Baisser son pantalon.

Parce que la périphrase qui vise à impliquer notre Seigneur dans le "compromis décent" entre l'Eglise et les pouvoirs de ce monde (cf. Malachi Martin), en plus d'être hypocrite et d'un goût vraiment exécrable, est une attestation suprême de faiblesse, d'incohérence. Au moins, elle l'est pour les gens comme moi qui pensent que l'homme doit être fidèle à lui-même pour toujours. Quand un homme trahit son histoire, ses valeurs, son ethos, il ne peut pas recevoir les éloges du monde, mais seulement son blâme. Cette trahison est une lâcheté. Et je reste de l'avis de Sophocle dans "Ajax": «à l'homme noble, il sied seulement de vivre avec honneur ou de mourir avec honneur». Pensées et valeurs d'un autre temps, comme on sait.

L'Eglise est composé d'hommes nobles, c'est vrai, mais aussi de nombreux hommes de pouvoir. Vous les imaginez, vous, ces évêques, cardinaux et prêtres aux prises avec l'hostilité quotidienne du monde, comme c'était le cas sous Benoît XVI? Vous les imaginez tandis qu'ils sont accusés, mis en procès, leurs diocèses expropriés, les comptes bancaires gelés, les banques ne prêtant plus d'argent pour construire de nouvelles horribles églises ou pour donner naissance à d'inutiles initiatives pseudo-pastorales? Non. Cette église avec un "é" minuscule, cet appareil institutionnel et bureaucratique cherche à se préserver. À tout prix. Même au prix d'adapter l'Évangile à la puanteur de la société contemporaine. D'autre part, ces hommes sont motivés par le "complexe de Judas", ils trahissent non pas avec l'idée de trahir, mais parce qu'ils sont convaincus que leur route, leur "compromis décent" est la solution la plus logique, la meilleure.

Malheureusement, je ne pense pas que cette telenovela finira bientôt. Au contraire, elle va durer longtemps parce que ses producteurs sont hors de l'Eglise. Ils s'en réjouissent et s'y complaisent. Comme s'en réjouissent les masses qui, lobotomisées à dessein par les puissances de ce monde, lisent dans les mots de l'église- Milagros et son scénariste-réalisateur une satisfaction béate de leurs désirs, une confirmation de leur propre liberté, liberté de se tromper sans sanction, liberté même des erreurs.
Ainsi, dans la telenovela qui vient de commencer, la voix du peuple devient la "voix de Dieu" («nous devons demander le don de l'écoute de Dieu, jusqu'à entendre avec Lui le cri du peuple; l'écoute du peuple jusqu'à y respirer la volonté à laquelle Dieu nous appelle»).
Tout est si beau et délicat dans cette église panem et circense. Bien sûr, ils n'ont pas compté avec l'Hôte.
Mais Notre-Seigneur sait attendre, sait mettre à l'épreuve, il laisse même son Israël construire des veaux d'or et danser autour ...

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Alessandro Gnocchi

Dans sa rubrique hebdomadaire du site Riscossa Cristiana, répondait, comme d'habitude, à une question de lecteur:

Au cas où le Synode - à Dieu ne plaise! - feraient siennes les hérésies prononcés par Kasper et Baldisseri, par surcroît les présentant comme contraignantes pour les catholiques, que devrons-nous faire, nous, simples fidèles?

Voici sa réponse:

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Une réponse honnête doit commencer par une observation tout aussi honnête: même si le Synode ne faisait pas siennes pas les théories de la société catholique primée Kasper & C, le lendemain de sa conclusion, nous serions malgré tout dans une Église qui, pour la majorité de ses membres, les partage, et même les pratique déjà.

La situation est donc beaucoup plus grave que ce que la plupart des gens imaginent parce que nous ne nous trouvons pas à la veille de la probable introduction dans le Corps mystique du Christ de nouvelles théories corrosives, mais de leur possible approbation proclamée depuis le sommet.

Et même ici, nous devons être honnêtement réalistes: sur le fait que le sommet soit l'actionnaire majoritaire de la société Kasper & C, il ne peut y avoir aucun doute. Cela est dit par ce terrifiant «Bonsoir» avec lequel il s'est présenté au monde au moment de l'élection. Et cela est répété par le premier «Angélus» où, après le terrifiant «Bonjour», il 'est empressé de dire: «Ces jours-ci, j'ai pu lire un livre d'un cardinal - le cardinal Kasper, un théologien in gamba, un bon théologien - sur la miséricorde. Et il m'a fait beaucoup de bien, ce livre, mais ne croyez pas que je fais de la publicité pour les livres de mes cardinaux! Pas du tout! Mais il m'a fait tellement de bien, tellement de bien».
Et maintenant, à l'ouverture du Synode, il s'en prend aux «mauvais bergers» qui «chargent les épaules des gens de fardeaux insupportables qu'eux-mêmes ne pourraient pas déplacer avec un doigt». Et la veille, il avait fustigé «les chefs du peuple», pour qui «tout se résume à l'accomplissement de préceptes créés par leur fièvre intellectuelle et théologique» (homélie à Ste Marthe le 3 octobre). Et même s'il y avait encore quelqu'un qui réussirait honnêtement à entrevoir une miette de «continuité» dans ce qui se passe, voilà qu'il explique que «le monde a changé et l'église ne peut pas s'enfermer dans les interprétations présumées du dogme» (ndt: il semble que ce soit dans une interview qu'il vient d'accorder au quotidien argentin La Nacion).

Comme vous le voyez, tout est déjà dit. Mais le cas que vous prévoyez est infiniment plus grave, car donner le chrême du document à la dévastation d'aspects de la doctrine loin d'être secondaires est bien autre choses qu'avoir d'aimables conversations avec Scalfari.

Sur ce thème de la communion aux divorcés remariés, ce n'est pas seulement la morale de la famille qui se joue, mais il y a un risque de profaner trois sacrements à la fois: le mariage, la confession et l'Eucharistie.
...
Vous me demandez: «mais qui devrons-nous suivre dans notre résistance?». Ici aussi, l'énormité d'une telle éventualité doit nous tenir en alerte, mais pas nous atterrer. Le Seigneur ne nous laissera pas seuls et, le moment venu, il suscitera le bon guide. Il le fera avec ses temps, qui sont toujours plus sages que les nôtres, même si à nous, ils paraissent longs et douloureux. Mais il le fera au juste moment. Nous devons seulement nous soucier d'être prêts, confiants dans le fait que les plans du démon ont toujours quelque faille. Mais pour être être prêts, il faut éviter de s'abreuver à la source empoisonnée de la nouvelle doctrine, de la nouvelle morale, de la nouvelle liturgie qui dans les cinquante dernières années ont labouré le terrain pour les graines semées par les ennemis du Christ.
Ne soyez pas abattu, nous allons le faire, nous, ou quelqu'un pour nous.

Alessandro Gnocchi

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