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Le Synode et le Sensus fidei

Questions de Monique sur un document de la Commission théologique internationale traitant du 'sensus fidei' dans la vie de l'Eglise (8/10/2014)

>> Ci-contre: http://www.editionsducerf.fr/html/fiche/..
>>> Voir à ce sujet: Le "sensus fidei" (discours de Benoît XVI en 2012)

     

(Monique)

En proposant aux fidèles et à d'autres, en 2013, un questionnaire pré-synodal, la Secrétairerie du Synode sur la famille a-t-elle voulu faire appel au Sensus fidei mentionné par la Constitution Lumen Gentium du Concile (§ 12)? Probablement mais ce n'est pas sûr...
Essayons de comprendre dans quelle mesure les réponses à ce questionnaire sont de nature à éclairer les Pères du Synode, grâce à un document de la Commission théologique internationale et publié aux éditions du CERF (2014): «Le SENSUS FIDEI dans la vie de l'Eglise»

Je relève quelques assertions de ce document collectif:

A.
¤ Les fidèles ont un instinct pour la vérité de l'Evangile, qui leur permet de reconnaître quelles sont la doctrine et la pratique chrétiennes authentiques et d'y adhérer. Cet instinct surnaturel, qui a un lien intrinsèque avec le don de la foi reçu dans la communion de l'Eglise, est appelé le sensus fidei, et il permet aux chrétiens d'accomplir leur vocation prophétique.
¤ Le magistère est à l'écoute du sensus fidelium.
¤ Le magistère juge également avec autorité si les opinions qui sont présentes dans le peuple de Dieu, et qui peuvent apparaître comme le sensus fidelium, correspondent réellement à la vérité de la Tradition reçue des Apôtres.
¤ Ainsi, le jugement concernant l'authenticité du sensus fidelium appartient en dernière analyse non aux fidèles eux-mêmes ni à la théologie, mais au magistère.

B. Puis le document énumère LES DISPOSITIONS REQUISES POUR UNE PARTICIPATION AUTHENTIQUE AU SENSUS FIDEI.

¤ La première et la plus fondamentale de toutes les dispositions est la participation active à la vie de l'Eglise. Une appartenance formelle à l'Eglise ne suffit pas. La participation à la vie de l'Eglise signifie une prière constante, une participation active à la liturgie, spécialement à l'Eucharistie, une réception régulière du sacrement de la réconcilation, un discernement et un exercice des dons et des charismes reçus du Saint-Esprit, et un engagement actif dans la mission de l'Eglise et dans sa diakonia. Elle suppose l'acceptation de l'enseignement de l'Eglise en matière de foi et de morale, la volonté de suivre les commandements de Dieu, et le courage d'exercer la correction fraternelle comme de s'y soumettre.
¤ L'écoute de la parole de Dieu.
¤ Accepter le rôle propre de la raison dans sa relation avec la foi. Foi et raison vont de pair.
¤ L'adhésion au magistère.
¤ La sainteté - l'humilité, la liberté et la joie.
¤ Une manifestation authentique du sensus fidei contribue à édifier l'Eglise comme un seul corps, et elle n'entretient au sein de celle-ci ni division ni particularisme.

C. Le document distingue le SENSUS FIDEI de L'OPINION PUBLIQUE.

¤ L'Eglise apprécie les hautes valeurs humaines et morales adoptées par la démocratie, mais elle-même n'est pas structurée selon les principes d'une société politique séculière. L'Eglise, qui est le mystère de la communion des hommes avec Dieu, tient sa constitution du Christ.
¤ Il est clair que l'on ne saurait identifier purement et simplement le sensus fidei à l'opinion publique ou majoritaire. Ce ne sont en aucune manière les mêmes choses.
¤ Dans l'histoire du peuple de Dieu, ce fut souvent non pas la majorité, mais bien plutôt une minorité qui a vraiment vécu la foi et qui lui a rendu témoignage.
¤ Des problèmes surgissent lorsque la majorité des fidèles demeurent indifférents aux décisions doctrinales ou morales qu'a prises le magistère, ou lorsqu'ils les refusent absolument. Ce manque de réception peut être le signe d'une faiblesse dans la foi ou d'un manque de foi de la part du peuple de Dieu, dû à l'adoption insuffisamment critique de la culture contemporaine. Mais dans certains cas, cela peut être le signe que certaines décisions ont été prises par les autorités sans que celles-ci aient pris en compte comme elles l'auraient dû l'expérience et le sensus fidei des fidèles, ou sans que le magistère ait suffisamment consulté les fidèles.

Eclairés par cette lecture, peut-on se permettre quelques considérations?
>> Le questionnaire pré-synodal est-il un sondage?
Non, car il ne respecte pas les critères de fiabilité des sondages que l'on fait dans la vie profane (système des quotas etc...).
Il n'y a aucune évaluation quantitative précise des réponses (pas de pourcentages).
Le questionnaire officiel assez savant et plutôt destiné aux évêques s'est démultiplié en questionnaires simplifiés proposés par les évêques, par des publications catholiques ou des groupes de fidèles, si bien que tout le monde n'a pas répondu exactement aux mêmes questions posées de la même façon.
N'importe qui pouvait répondre: du catholique pratiquant au baptisé ayant perdu la foi et réglant ses comptes avec l'Eglise et même à l'adepte d'une autre religion. Les gens disposant d'internet ont été favorisés.
La même personne pouvait répondre plusieurs fois au même questionnaire ou à plusieurs questionnaires pour gonfler les chiffres.
On remarque une surreprésentation probable des opinions de la frange progressiste de l'Eglise, très motivée pour présenter ses revendications habituelles et très anciennes.

>> Les réponses à ce questionnaire reflètent-elles l'état du sensus fidei de l'Eglise catholique?
Si l'on prend au sérieux ce document de la Commission théologique internationale et les déclarations de Benoît XVI devant cette commission, on peut répondre que NON.
En toute rigueur, on n'aurait dû interroger que les catholiques pratiquants afin de mettre au jour le véritable sensus fidei ... et non l' opinion majoritaire d'un groupe informe.

>> Qu'a donc voulu le Pape François?
On ne le saura jamais vraiment mais on peut supposer qu'il a voulu obtenir une photographie approximative de l'opinion de TOUS les gens (baptisés ou pas) qui portent quelque intérêt à l'Eglise... pour l'aimer ou même pour la haïr. Il a ouvert les bras aux périphéries afin de voir comment l'Eglise peut s'adresser à elles et ce qu'elles ont à dire.
Les Pères du synode sont forcément conscients de la valeur relative de ces réponses et ne se laisseront pas intimider par les pressions qu'elles supposent.

(Monique T).

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