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Vers un monde transhumaniste

Famille: l'Eglise va-t-elle abandonner son rôle de rempart? Le plaidoyer de Giuliano Ferrara contre l'ouverture préconisée par le lobby progressiste, à la veille du Synode (5/10/2014)

Giuliano Ferrara explique comment et pourquoi le journal qu'il dirige, Il Foglio, est tellement impliqué dans le suivi du Synode sur la famille, au point d'avoir publié en exclusivité des documents cruciaux, dont le fameux document Kasper en février dernier et de continuer régulièrement à offrir ses colonnes au débat théologique.
Beaucoup de gens, aux "périphéries" du monde catholique, et même plus loin, pourront se reconnaître dans ses propos, qui croisent sans doute à son insu, l'actualité en France, avec le débat sur la GPA et la grande manifestation d'aujourd'hui.
Il répond à ceux, nombreux (posez la question autour de vous) qui vous disent "Que vous importe que l'on donne ou non la communion aux divorcés remariés?"

     
Communion aux divorcés remariés: Que vous importe?

PEUT-ÊTRE TOUS, MAIS PAS NOUS
Pourquoi Il Foglio s'intéresse-t-il follement au synode? Parce que nous prenons très au sérieux la pastorale de François et les thèses de Kasper contre ceux qui (comme nous) ne veulent pas du divorce dans les sacristies, dans un monde transhumaniste
Giuliano Ferrara
www.ilfoglio.it
30 Septembre 2014
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(...)
Kasper est un octogénaire au visage ouvert, avec une doctrine de la miséricorde dont le Pape régnant s'est amouraché, et une doctrine de l'ecclésialité qui a fâché Ratzinger, Pape émérite; et plein de grandes idées communément appelées progressistes, d'autres préfèrent dire «réalistes» parce qu'elles prennent acte de comment va le monde et tentent d'accoster la barque de Pierre, sans collisions périlleuses, à la nef des fous, au Bateau ivre (Arthur Rimbaud) [en français dans le texte] que nous, le monde, sommes devenus depuis une paire de siècles au moins.
Kasper dit qu'il a été imprudent, peut-être, quand il a affirmé que les cardinaux conservateurs qui publient un livre en contestation ouverte de sa thèse, un livre pour la défense de la doctrine consolidée sur la famille et le mariage - que ces cardinaux, donc, en ont après le pape plutôt qu'après lui. Mais pour le reste, il confirme et aggrave, dans le sens qu'il rend plus pesantes et rigoureuses et graves, toutes ses critiques à ceux (de nombreux cardinaux, de nombreux catholiques de tous ordres et degrés, quelques intrus laïques et même des non-croyants) qui veulent continuer à lutter contre le divorce dans la sacristie, à refuser l'hostie aux divorcés remariés qui maintiennent, en pratique et en conscience, la validité du premier et du deuxième mariage (en termes profanes, cela s'appelle vie de divorcé, rien de scandaleux, en termes profanes, mais l'Eglise peut-être, est quelque chose d'autre et proège sa différence avec la pensée unique).
Kasper dit que ces confrères, lesquels veulent «rester dans la vérité du Christ» (ndt: titre donné au livre qui recueille leurs contributions) sont des fondamentalistes théologiques, que leur théologie n'est pas catholique, qu'ils ont peur que tout s'écroule parce que quelque chose change, qu'ils s'en tiennent à un évangile compris de façon littérale, et que ce faisant, ils sont peu évangéliques et insoucieux de ce que le Concile Vatican II a enseigné sur la relation entre le magistère, la pastorale ecclésiastique et le monde moderne. En voilà un qui parle clair. Un autre qui parle clair. Comme, et davantage que ses adversaires-confrères dans l'épiscopat et le sacré collège.

Mais vous, que vous importe la façon dont les gens font l'amour, procréent et se marient, [que vous importe] ce que sera ensuite l'essence de la famille? Ils sont nombreux à le dire, sans comprendre. Beaucoup de laïcs. Beaucoup de catholiques progressistes, ou seulement réalistes, qui affirment que le mariage préexiste à l'église du Christ, c'est une institution canonisée après sa fondation, et qui est donc juridiquement et prophétiquement modifiable, suivant les signes des temps, et les sacrements suivront, comme l'intendance. Si nous nous accrochons à notre conscience dite libérale, peu importe comment les autres se comportent, tant qu'ils respectent les impératifs catégoriques de Kant et ne causent pas trop d'ennuis. En dehors de l'avortement, qui est un assassinat dans la cathédrale de la maternité corporelle, rie ne devrait préoccuper les occidentaux libéraux qui acceptent le patchwork familial comme il est. Le fait est que Kant considérait le mariage comme «commercium sexuale» un échange de droits de l'un sur le corps de l'autre, point.
Nous, laïcs dévots obscurantistes, post-kantiens, nous pensons qu'il y a quelque chose de plus au-delà de la ligne de démarcation qui sépare le droit et la société vivante, la conscience et la pratique des êtres humains rationnels.
Les catholiques en appellent à la foi, et à la doctrine, qui en est un élément essentiel, puisqu'elle en dit la raison, prophétie ou pas.
Nous rappelons la raison nue, assisté par l'espérance et par la littérature, qui dit quelque chose du monde; la raison qui critique la centralité du sexe, la sexualisation panique des relations humaines, la disparition du mariage au nom de l'amour romantique ou sentimental, la disparition de l'éducation des enfants, de la promesse et de l'avenir, le génie génétique qui se répand, l'eugénisme, le mépris de l'autre déguisé sous le masque de la liberté individuelle, et la théorie du genre, qui élimine la nature, y compris dans son sens non matérialiste, et la supplante avec les résultats des thèse des philosophes féministes de Berkeley, Californie, sur l'identité sexuelle, indifférenciée à l'origine, puis formée par la culture.
Kasper aurait raison s'il s'agissait de faire rencontrer l'Église avec un monde normal, humain, plutôt que potentiellement transhumaniste, un monde tempéré, où la liberté se réchauffe au feu de la mesure et de la proportion. Mais ce n'est pas le cas.
Les très vieux Pères [de l'Eglise] avaient tout compris sur la concupiscence, sur comment les gens font l'amour, parce que les gens ont toujours fait l'amour de la même manière (il suffit de regarder les dessins de Giulio Romano ou lire l'Arioste et Le Tasse), mais c'est seulement aujourd'hui qu'ils veulent que leur manière à eux, le pansexualisme et l'homo-morphisme qui nie la différence (ndt: Ferrara fait ici un néologisme pour traduire la similitide de formes, car homomorphisme est un terme mathématique dont je vois mal comment il pourrait être utilisé métaphoriquement ici), devienne la loi de l'Église et de l'État.
Nous ne marchons pas.
Si son éminence le veut ainsi, avec l'aide du pape, qu'il en soit ainsi, ainsi soit-il. Mais pas nous. Pas moi.

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