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Dans l'avion du Pape Benoît

La préface de Georg Gänswein au livre d'Angela Ambrogetti (10/8/2014)

     

En juin 2013 sortait en Italie, sous le titre "Sull' aereo di Papa Benedetto" un recueil des conférences de presse "volantes" de Benoît XVI, rassemblées et présentées par Angela Ambrogetti.
Il en a été question à plusieurs reprises dans ces pages, on relira en particulier ici l'introduction de l'auteur: benoit-et-moi.fr/2013-II/articles/dans-lavion-de-benoit-xvi.

Voici dans ma traduction (le livre n'a pas été traduit en français) la préface de Mgr Gänswein. Elle a le mérite (dans le langage "soft" de rigueur pour ménager les journalistes dont la plupart ne lui ont pourtant pas fait de cadeaux!!) de présenter la façon dont Benoît XVI concevait l'exercice de l'interviewe: occasionnelle, avec réflexion et profondeur, dans la conscience absolue de sa grande responsabilité.

     

Préface de Georg Gänswein

Ces entretiens donnent une clé de lecture de ce que le Saint-Père a dit dans les différents voyages et dans les différents pays. Et pas seulement cela, il y a aussi une couleur très personnelle, faisant comprendre un aspect quelque peu caché du pape. Apparaît non seulement l'intellectuel, mais aussi l'homme, et cela bien plus, évidemment, que dans les discours ou homélies.

Tout le monde a son propre style; la manière de faire une interviewe ne peut pas et ne doit pas être copiée. Nous savons tous que le cardinal Ratzinger a accordé de nombreuses interviewes, et de la même façon, suivant son style habituel, il a continué à le faire comme pape. Sa manière d'aborder les journalistes, de répondre aux questions, est très personnelle, directe, et claire à la fois dans l'expression et pour se faire comprendre.

Le style du pape Benoît XVI consiste à se préparer avec soin pour chaque occasion, et cela vaut certainement aussi pour les rencontres avec les journalistes.
En général, les questions sont envoyées au Saint-Père un ou deux jours avant. Suit un préparation courte, mais intense (1). Au cours de la conférence en avion, il n'a jamais de feuille en main pour répondre. Tout est enregistré dans sa tête et dans son cœur. Le pape se fie au caractère raisonnable et au bon sens du Père Lombardi et des personnes qui ont préparé les questions. Il est clair qu'elles doivent tenir compte de la totalité de ce que les journalistes ont apporté. Les questions sont au nombre de cinq ou six, les journalistes entre 50 et 60, et les questions devraient être une synthèse du tout. Habituellement, ce sont évidemment des questions qui ont un rapport avec le voyage, le pays, la théologie, la situation religieuse et ecclésiastique.
Il convient de souligner, toutefois, que le Saint-Père n'a jamais supprimé une question, il n'y en a jamais eu une qui lui était «incommode». Il accepte les questions, réfléchit, et répond.

A une occasion, certains journalistes avaient écrit que le pape était seul et isolé. Lors de la conférence dans l'avion, il y avait même eu une question à ce sujet, et le pape avait répondu (2).
Après la conférence, il a commenté: «On voyait que les journalistes étaient curieux, ils attendaient peut-être une autre réponse. Mais j'ai répondu simplement, comme c'est. Je ne sais pas s'ils ont été le plus surpris par la clarté, ou par la sincérité de la réponse».

Après une rencontre avec la presse, parfois, on lit des choses où l'on ne retrouve pas de manière authentique les mots du Pape, il existe des versions plutôt subjectives. Bien sûr, chacun a son propre style et sa propre ligne personnelle ou rédactionnelle, mais il est vrai aussi que le lecteur veut et a besoin de savoir quelque chose de ce que le pape a vraiment dit et fait, et pas selon le bon plaisir du journaliste.
Prendre dûment en compte ce que les gens ressentent, voient et lisent, c'est-à-dire ce qui crée l'opinion publique dans un pays que visite le Saint-Père est une partie intégrante de la préparation du Pape. Certes, tout ne réside pas là, cela ne détermine pas la ligne directrice du voyage, mais cela fait comprendre l'atmosphère, les attentes, les désirs, et même les critiques, quelles sont les expectatives autour de la visite.
Le Pape aime se laisser porter par les questions, parce que c'est un homme courageux, qui n'a pas peur de la confrontation. Il parle librement et sans crainte. Si quelqu'un pose une question, le Saint-Père répond sincèrement. Qu'il aime la parole, qu'il ait aussi la répartie prompte, je pense que c'est évident pour tout le monde. Inutile de le souligner. Cette capacité croissait déjà dans les années où, comme préfet la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il a dû présenter à la presse des documents difficiles. Dans la plupart des cas, il s'agissait de thèmes délicats et pas vraiment agréables, en somme d'une attitude défensive. Comme pape, ce qui a changé, c'est le genre de questions, et évidemment, la responsabilité. On est passé d'une nature «défensive» à une nature «proactive». On peut dire que la charge modifie également la nature de l'interviewe.

La relation avec la presse a toujours été franche et directe (3), et il n'y a jamais eu d'attitude de fermeture. Benoît XVI respecte les médias, mais ce n'est pas un «populiste», il ne cherche pas à dire ce qu'ils veulent entendre dire, ou voir. Il est pleinement conscient de sa responsabilité en tant que pasteur de l'Eglise universelle. Mais cela ne crée ni angoisse ni dépendance, au contraire, il est resté libre et indépendant face à toutes les attentes, d'où qu'elles proviennent.
La richesse de la pensée du pape Benoît XVI, la richesse de son enseignement, est une mer très profonde dont on voit parfois seulement une partie, la surface.
Quel que soit l'argument traité, il l'a fait de manière lucide, claire et compréhensible. Quand il parle, on comprend tout de suite sa pensée. Et cela, c'est un des plus grands dons du Saint-Père, qui sait expliquer, exposer des contenus difficiles de manière simple, mais pas simpliste. Cela vaut pour les discours, pour les homélies et aussi dans le contact direct. Il suffit de penser à l'ex-professeur qui fait la catéchèse pour les enfants sur la Place Saint-Pierre (le 19 octobre 2005). Encore une fois nous voyons qu'il n'y a aucune peur, mais sa simplicité sincère, qui convainc.

+ Georg Gänswein
Secrétaire personnel du pape Benoît XVI
Préfet de la Maison pontificale

     

Notes de traduction

(1) Quand on pense qu'après la conférence dans l'avion vers le Cameroun, le 17 mars 2009, certains journalistes, y compris catholiques, avaient osé écrire que "les propos du Pape sur le préservatif étaient maladroits". Ils les jugeaient maladroite, parce que ce n'était pas ce qu'ils voulaient entendre...

(2) C'était encore lors de la même et tristemnt célèbre conférence de presse du 17 mars 2009:
- Depuis longtemps, et en particulier après votre dernière lettre aux Évêques du monde, les journaux parlent de solitude du Pape. Qu’en pensez-vous? Vous sentez-vous seul ? Et avec quels sentiments, après les récents événements, volez-vous maintenant vers l'Afrique ?
« Pour dire la vérité je dois un peu rire sur ce mythe de ma solitude. En aucune façon, je ne me sens seul. Chaque jour je reçois les collaborateurs les plus proches, du secrétaire d'État jusqu'à La Propagation de la foi, je vois régulièrement tous les chefs de discastère, je reçois des évêques en visite ad limina, dernièrement j'ai vu les évêques du Nigeria et d'Algérie, nous avons eu deux assemblées plénières ces jours-ci, la congrégation du culte et celle du clergé, en plus de nombreux entretiens amicaux, un réseau d'amitiés : mes amis d'Allemagne sont venus bavarder avec moi. Aucune solitude, je suis vraiment entouré d'amis, en étroite collaboration avec des évêques et des collaborateurs et avec les laïques, et j'en suis heureux.


(3) Au moins de la part du Pape.

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