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La vision chrétienne de la sexualité est en crise

L'extraordinaire discours de Benoît XVI aux évêques américains en mars 2012. A relire d'urgence (21/10/2014)

Deux mois plus tôt, le Saint-Père, recevant un premier groupe d'évêques américains en visite "ad limina" (cf. Discours aux évêque américains) , s'inquiétait des attaques aux libertés religieuses, dans le contexte d'une mesure de l'administration Obama visant à contraindre les instituts catholiques à fournir à leur personnel une assurance santé incluant le remboursement de la contraception et de l'avortement.
Cette fois, recevant un second groupe, il mettait au centre de son discours la défense du mariage et de la famille.
Il ne craint pas de parler des "unions libres", de mettre en garde contre les cohabitations prématrimoniales, et de faire l'éloge de la chasteté.

Le texte original était en anglais.
Ma traduction d'alors.

     

Chers Frères Évêques ,

Je vous salue tous avec une affection fraternelle à l'occasion de votre visite ad limina Apostolorum. Comme vous le savez, cette année, je voudrais réfléchir avec vous sur certains aspects de l'évangélisation de la culture américaine, à la lumière des défis intellectuels et éthiques de l'instant présent.

Lors de nos rencontres précédentes, j'ai reconnu notre préoccupation au sujet des menaces à la liberté de conscience, de religion et de culte qui doivent être abordées de toute urgence, afin que tous les hommes et les femmes de foi, et les institutions qu'ils inspirent, puissent agir en conformité avec leurs convictions morales les plus profondes. Dans cet exposé, je voudrais aborder un autre problème grave que vous avez soulevé avec moi pendant ma visite pastorale en Amérique, à savoir, la crise contemporaine du mariage et la famille, et, plus généralement, de la vision chrétienne de la sexualité humaine. Il est en fait de plus en plus évident que l'appréciation affaiblie de l'indissolubilité du lien conjugal, et le rejet largement répandu d'une éthique sexuelle mature et responsable, fondée sur la pratique de la chasteté, ont conduit à une grave situation sociale, provoquant d'immenses coûts humains et économiques.

Pourtant, comme le Bienheureux Jean-Paul II l'a observé, l'avenir de l'humanité passe par la famille (cf. Familiaris consortio , 85).

En effet, «le bien que l'Église et la société tout entière attendent du mariage et de la famille fondée sur le mariage est si grand qu'il appelle un engagement pastoral total dans ce domaine particulier. Le mariage et la famille sont des institutions qui doivent être promues et défendues de toute équivoque possible de leur vraie nature, puisque tout ce qui leur est prédujudiciable, est préjudiciable à la société elle-même »( Sacramentum Caritatis, § 29).

À cet égard, une mention particulière doit être faite des puissants courants politiques et culturels qui cherchent à modifier la définition juridique du mariage. L'effort consciencieux de l'Eglise à résister à cette pression appelle à une défense raisionnée du mariage comme une institution naturelle composée d'une communauté spécifique de personnes, ancrée de façon essentielle dans la complémentarité des sexes et orientée à la procréation. Les différences sexuelles ne peut pas être rejetées comme insignifiantes pour la définition du mariage. Défendre l'institution du mariage comme une réalité sociale est, en définitive, une question de justice, car elle implique la sauvegarde du bien de toute la communauté humaine et les droits des parents comme ceux de leurs enfants.

Dans nos conversations, certains d'entre vous ont signalé avec préoccupation les difficultés croissantes rencontrées dans la communication de l'enseignement de l'Église sur le mariage et la famille dans son intégrité, et la diminution du nombre de jeunes qui s'approchent du sacrement de mariage. Certes, nous devons reconnaître des lacunes dans la catéchèse des dernières décennies, qui, à certains moments, a échoué à communiquer la richesse du patrimoine de l'enseignement catholique sur le mariage comme une institution naturelle élevée par le Christ à la dignité d'un sacrement, la vocation des époux chrétiens dans la société et dans le Eglise, et la pratique de la chasteté conjugale. Cet enseignement, déclaré avec une clarté croissante par le Magistère post-conciliaire et présenté de façon exhaustive à la fois dans le Catéchisme de l'Église catholique et le Compendium de la Doctrine sociale de l'Eglise , doit être restauré à sa place dans la prédication et la catéchèse.

Sur le plan pratique, les programmes de préparation au mariage doivent être soigneusement examinés afin de s'assurer qu'ils soient davantage concentrés sur leur composante catéchétique et leur présentation des responsabilités sociales et ecclésiales entraînées par le mariage chrétien.

Dans ce contexte, nous ne pouvons pas négliger le problème pastoral sérieux présenté par la pratique généralisée de l'union libre, souvent par des couples qui semblent ignorer que c'est un péché grave, pour ne pas dire dangereux pour la stabilité de la société. J'encourage vos efforts visant à développer des normes pastorales et liturgiques claires pour la célébration digne du mariage, qui expriment un témoignage sans ambiguïté des exigences objectives de la morale chrétienne, tout en faisant preuve de sensibilité et de préoccupation pour les jeunes couples.

Ici aussi, je voudrais exprimer mon appréciation pour les programmes pastoraux que vous promouvez dans vos diocèses, et en particulier, la présentation claire et autorisée de l'enseignement de l'Église dans votre Lettre de 2009 «Mariage: Amour et de Vie dans le Plan Divin».
J'apprécie aussi tout ce que vos paroisses, écoles et organismes de bienfaisance font tous les jours pour soutenir les familles et atteindre ceux qui sont dans des situations conjugales difficiles, en particulier les divorcés et séparés, les parents célibataires, les mères adolescentes et les femmes qui envisagent un avortement, ainsi que les enfants souffrant des effets tragiques de l'éclatement des familles.

Dans ce grand effort pastoral, il y a un besoin urgent pour la communauté chrétienne tout entière de savoir à nouveau apprécier la vertu de chasteté. La fonction intégratrice et libératrice de cette vertu (cf. Catéchisme de l'Église catholique , 2338-2343 ) devrait être soulignée par une formation du cœur, qui présente la conception chrétienne de la sexualité comme une source de véritable liberté, de bonheur et d'accomplissement de notre vocation humaine fondamentale et innée à l'amour. Il ne s'agit pas seulement de présenter des arguments, mais de faire appel à une vision complète cohérente et édifiante de la sexualité humaine. La richesse de cette vision est plus saine et plus attrayante que les idéologies permissives exaltées dans certains milieux; celles-ci finissent par former une forme puissante et destructrice contre-catéchèse pour les jeunes.

Les jeunes ont besoin de rencontrer l'enseignement de l'Église dans son intégrité, aussi exigeant et à contre-courant qu'il soit; plus important encore, ils ont besoin de le voir incarné par des couples mariés fidèles qui portent un témoignage convaincant de sa vérité. Ils ont également besoin d'être soutenus dans leur lutte pour faire des choix judicieux à un moment difficile et déroutant dans leur vie. La chasteté, comme le Catéchisme nous le rappelle, implique un processus continu «d'apprentissage dans la maîtrise de soi qui est un entraînement à la liberté humaine» (§ 2339 ). Dans une société qui tend de plus en plus à mal comprendre et même à ridiculiser cette dimension essentielle de la doctrine chrétienne, les jeunes ont besoin d'être rassurés sur le fait que «si nous laissons le Christ entrer dans nos vies, nous ne perdons rien, absolument rien, de ce qui rend la vie libre, belle et grande (Homélie, Messe inaugurale du pontificat , 24 Avril 2005).

Permettez-moi de conclure en rappelant que tous nos efforts dans ce domaine tendent en dernier ressort au bien des enfants, qui ont un droit fondamental de grandir avec une saine compréhension de la sexualité et sa place correcte dans les relations humaines. Les enfants sont le plus grand trésor et l'avenir de toute société: prendre vraiment soin d'eux signifie reconnaître notre responsabilité d'enseigner, de défendre et de vivre les vertus morales qui sont la clé de l'épanouissement humain. C'est mon espoir que l'Eglise aux Etats-Unis, bien que freinée par les événements de la dernière décennie, persévérera dans sa mission historique d'éducation des jeunes, contribuant ainsi à la consolidation de cette vie de famille saine qui est le plus sûr garant de la solidarité intergénérationnelle et de la santé de la société dans son ensemble.

Je vous recommande, vous et vos frères évêques, avec le troupeau confié à vos soins pastoraux, à l'intercession aimante de la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph.
A vous tous, je donne volontiers ma Bénédiction apostolique en gage de sagesse, de force et de paix dans le Seigneur.

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