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L'Europe dans la crise des cultures (V)

Cinquième partie de la conférence prononcée par le cardinal Ratzinger au Monastère de Subiaco, le 1er avril 2005: la signification permanente de la foi chrétienne (19/7/2014)

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L'Europe dans la crise des cultures (V)
(Discours et conférences de Vatican II à 2005", Documentation catholique, traduction de Fr. Michel Taillé).

LA SIGNIFICATION PERMANENTE DE LA FOI CHRÉTIENNE
Le catholicisme au défi des Lumières
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Y a-t-il là simplement refus des Lumières et de la modernité ? Absolument pas. Le christianisme, depuis le début, s'est considéré comme la religion du logos, comme la religion selon la raison. Ce n'est pas dans les autres religions qu'il a reconnu des devanciers, mais dans cette philosophie des Lumières qui a dégagé de la route les traditions, pour se tourner vers la recherche de la vérité et vers le bien, vers le Dieu unique qui est au-dessus de tous les dieux. Comme religion des persécutés, comme religion universelle, au-delà de la diversité des États et des peuples, il a refusé à l'Etat le droit de considérer la religion comme faisant partie de l'ordre étatique, postulant ainsi la liberté de la foi.

Il a toujours défini l'homme, tous les hommes sans distinction, créature de Dieu et image de Dieu, proclamant sa dignité comme un principe de base, y compris dans les limites inévitables de l'organisation sociale. Dans ce sens, la philosophie des Lumières est d'origine chrétienne, et ce n'est pas par hasard qu'elle est justement née dans le domaine de la foi chrétienne et non ailleurs : là où le christianisme, en contradiction avec sa nature, était hélas ! devenu tradition et religion d'État. Bien que la philosophie, en tant que recherche de rationalité - y compris celle de notre foi - ait toujours été l'apanage du christianisme, la voix de la religion avait été exagérément domestiquée.

Elle l'était, et c'est le mérite des Lumières d'avoir proposé à nouveau ces valeurs du christianisme et d'avoir redonné toute sa voix à la raison.
Le Concile Vatican II, dans la Constitution pastorale sur l'Église dans le monde de ce temps, a remis en évidence cette correspondance profonde entre le christianisme et les Lumières, essayant d'arriver à une véritable conciliation entre l'Église et la modernité, qui est le grand patrimoine que doivent sauvegarder chacune des deux parties.

Cela étant acquis, il est nécessaire que ces deux parties réfléchissent sur elles-mêmes et soient prêtes à se corriger.
Le christianisme doit toujours se souvenir qu'il est la religion du logos. Il est foi dans le Creator spiritus, dans l'Esprit créateur, de qui provient tout le réel. Telle devrait être aujourd'hui sa force philosophique, quand le problème est de dire si le monde provient de l'irrationnel, et donc que la religion n'est pas autre chose qu'un « sous-produit », peut-être même dommageable, de son développement, ou bien si le monde provient de la raison, et donc que celle-ci est son critère et son but.

La foi chrétienne propose cette seconde thèse, ayant ainsi, du point de vue purement philosophique, à jouer de très bonnes cartes, en dépit du fait que la première thèse soit aujourd'hui considérée par beaucoup comme la seule « rationnelle » et moderne. Mais une raison découlant de l'irrationnel, et qui donc, à la fin des fins, est elle-même irrationnelle, ne constitue pas une solution à nos problèmes. Il n'y a que la raison créatrice, dans le Dieu crucifié manifestée comme amour, qui puisse véritablement nous montrer la voie.

A suivre
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