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Ce parti-pris des médias en faveur de François

Le défi que François doit affronter en 2015. Excellente analyse d'Andrea Gagliarducci (12/1/2015)

DE «HOSANNA» À «CRUCIFIE-LE»: POURQUOI CE PARTI-PRIS DES MÉDIAS LAÏCS EN FAVEUR DE FRANÇOIS?
Andrea Gagliarducci
www.mondayvatican.com/vatican/from-hosannah-to-crucify-him-why-the-secular-media-bias-in-favor-of-pope-francis
(ma traduction)
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Parmi les défis de François pour la nouvelle année, il y a le changement de la perception que les médias ont de lui.
Actuellement cette perception est sans aucun doute positive, comme le prouvent les nombreux sondages effectués par plusieurs médias qui le classent parmi les personnes les plus aimées et les plus influentes au monde. Mais c'est aussi une perception qui porte avec elle des images quelque peu stéréotypées de l'Eglise et du pape, comme si l'Eglise était une ONG, ou une entreprise avec le pape comme PDG ou comme expert en marketing embauché pour revitaliser l'image d'une Eglise en disgrâce.

Le plus récent sondage nommant François «Personnalité de l'année» a été commandé par l'agence de presse italienne "Ansa". Les lecteurs d'Ansa ont classé le pape à la première place dans un classement spécial qui mettait en deuxième place Samantha Cristoforetti, la première femme astronaute italien.
À la mi-Décembre, le magazine économique américain "Forbes" a classé François 4e dans sa liste annuelle des personnes les plus puissantes de la planète. En haut du classement, le président russe Vladimir Poutine, alors que la deuxième place était occupée par le président américain Barack Obama et la troisième place par le président chinois Xi Jinpig.

Mais "Forbes" va encore plus loin. Dans un article intitulé «François: PDG et Innovateur épique», le magazine claironnait que François avait reçu deux prix in absentia lors de l'événement célébrant les «Tribeca Disruptive Innovation Awards» : le prix Adam Smith, et le prix du Livre de l'année pour l'innovation honorant l'Exhortation Apostolique "Evangelii Gaudium"

Dans l'article, «Forbes» soutenait que «le récent Synode extraordinaire sur les familles non traditionnelles et l'Église a renforcé notre point de vue actuel que quand il s'agit d'innovation ce type (guy!!) est assez épique. Pensez à ce que le pape a fait pour transformer une marque vieille de 2000 ans - une très grosse affaire». L'article concluait avec une recommandation au PDG: «Soyez comme le pape, arrêtez de pontifier».

Toutefois, ces mots devraient faire réfléchir. Le Synode extraordinaire de 2014 sur la famille était certainement quelque chose de plus qu'un synode sur «les familles non traditionnelles», et il a examiné une série de questions qui ne traitent pas exclusivement de certaines questions secondaires, comme les catholiques divorcés 'remariés' et la pastorale des couples homosexuels. Mais finalement, cette focalisation étroite est ce que la presse laïque veut voir chez François. De cette façon, la presse témoigne d'une détermination à manipuler qui va au-delà de la propre volonté du pape.

Certains commentateurs ont écrit sur le «préjugé positif» du monde séculier envers François. Cependant, d'un point de vue catholique, cela peut être considéré plutôt comme un «préjugé négatif», car il sape en quelque sorte les racines de la pensée de l'Église. Il le fait d'une manière subtile, en personnalisant l'Eglise dans l'image de son leader et en qualifiant chaque critique, ou même chaque opinion différente, de «voix contre François».

Que les médias séculiers se concentrent actuellement sur l'Eglise et, par conséquent, sur le pape est démontré en toute mauvaise foi par «Rolling Stone», un autre magazine ayant un impact énorme sur le monde du divertissement. Très exceptionnellement, «Rolling Stone» a consacré une de ses couvertures de 2014 au pape Franços. L'article qui expliquait les raisons derrière ce choix de couverture contenait aussi un avertissement que «National Review» a paraphrasé en ces termes : «Cet accueil chaleureux parmi les élites ne durera pas si vous ne prouvez pas que vous êtes en faveur d'un changement progressiste».

À en juger par ses sermons, François n'est peut-être pas très enclin à suivre ce conseil. Sa prédication en faveur d'une «Eglise pauvre pour les pauvres» vise dans la direction opposée, vers une Église qui dit-il ne doit pas devenir une «ONG miséricordieuse» (il a insisté sur ce point ce à plusieurs reprises), et dont les prêtres ne doivent pas agir comme «un clergé fonctionnaire» (une phrase qui se produit fréquemment dans son discours), mais au contraire que ce doit être une Eglise purifiée de la mondanité, en particulier de la «mondanité spirituelle». François lui-même a expliqué que se débarrasser de la mondanité n'implique pas l'abolition des structures de l'Eglise. Quand il est allé en visite à Assise en Octobre 2013, il a été dit qu'il était sur le point d'annoncer l'abolition des titres ecclésiastiques comme une sorte de dépouillement volontaire rappelant saint François. Le Pape a fait allusion à cette possibilité dans un de ses discours , mais a indiqué que ce qu'il avait à l'esprit était que l'Eglise doit se dépouiller de sa mondanité spirituelle. (ndt: ce passage me laisse très dubitative...)

C'est la conversion des cœurs que François a décrit comme étant plus importante que la réforme des structures de l'Eglise.
Toutefois, il accorde également une grande attention aux structures de l'Eglise. Dans les presque deux ans de son pontificat, il a nommé deux commissions pontificales pour la surveillance de l'IOR et des bureaux administratifs financiers du Vatican, et il a initié une discussion sur la réforme de la curie qui jusqu'à maintenant a vu la création du Secrétariat de l'Economie, du Conseil de l'Economie et la Commission pontificale pour la protection des mineurs.

Même si ces mouvements sont considérés par certains comme encore incomplets au niveau institutionnel (tous ces nouveaux organismes manquent encore de statuts), ils démontrent néanmoins l'intention sincère du Pape de reconstituer les structures de la Curie. Il pense peut-être que, même si l'ancienne structure doit être remplacée, une structure est malgré tout nécessaire.

Ces mouvements, toutefois, sont considérés par les commentateurs des médias laïques comme présageant un changement radical alors que ces mêmes journalistes cachent à peine leur espoir que l'Eglise démantèle son organisation, ou au moins adopte des critères séculiers pour la réformer.
Ce point de vue explique aussi l'immense battage médiatique sur le résultat positif obtenu par le Saint-Siège lorsque les États-Unis et Cuba ont récemment annoncé le rétablissement des relations diplomatiques. Les médias ont encadré cette réussite exclusivement en termes de diplomatie laïque. De la même manière les médias diffusent uniquement les déclarations de François qui répondent à leurs critères laïques, tout en ignorant ses sermons sur le diable (un fait désormais noté, également par le commentateur américain George Weigel ).

Pour les médias séculiers en adoration, Francis a été un pape révolutionnaire surtout en raison de son choix de vivre dans la Résidence Sainte-Marthe et non dans le Palais apostolique, et parce qu'une Ford Focus a remplacé la voiture blindée habituelle, deux parmi les raisons invoquées par "Time Magazine" pour l'avoir choisi comme leur «Personnalité de l'année 2013».

Commentant ces nouvelles,le Père Federico Lombardi, directeur du Bureau de Presse du Saint-Siège, a observé: «C'est un signe positif que l'une des récompenses les plus importantes au sein de la presse internationale soit attribuée à celui qui annonce efficacement au monde les valeurs spirituelles, morales et religieuses en faveur de la paix et d'une plus grande justice».
Le porte-parole du Vatican a ensuite ajouté que «François ne recherche pas la gloire et le succès, parce qu'il proclame l'amour de Dieu et l'Evangile pour tout le monde. Si cela attire les femmes et les hommes et leur donne de l'espoir, le Pape est heureux».

Mais en mai 2008, le même Père Lombardi avait commenté l'exclusion du Pape Benoît XVI de la liste de Time Magazine des 100 personnes les plus influentes au monde par ces mots : «Je trouve ça positif qu'ils ne confondent pas le type d'autorité et de service du pape, avec d'autres caractéristiques 'mondaines'»

Benoît XVI avait été aussi sur la liste. En 2005, en tant que cardinal Joseph Ratzinger, il était mentionné comme gardien de l'orthodoxie catholique, et en 2006, Benoît XVI avait été décrit par l'écrivain américain Peggy Noonan comme l'homme qui a été confronté au défi d'être le successeur de Jean-Paul II par l'écriture de sa première surprenante encyclique sur le thème de l'amour ( Deus Caritas Est ). «Il n'a pas le charisme du jeune Jean-Paul II, mais ses audiences générales sont toujours bondées» écrivait Noonan.

C'était le même Pape Benoît XVI qui était férocement attaqué par le monde séculier, tant et si bien qu'en 2008, il n'avait même pas pu prononcer un discours à l'Université "La Sapienza" de Rome. Il avait dû annuler la visite, prévue pour le 17 Janvier, parce qu'un des groupes d'enseignants et d'étudiants avaient protesté contre le «manque de considération pour la laïcité» exprimée par l'invitation faite à l'évêque de Rome pour parler à une université laïque.
Le même Benoît XVI était attaqué par la presse allemande pour être trop traditionaliste, particulièrement à la suite de son voyage dans sa patrie, en 2011, au cours duquel, paradoxalement, il avait parlé de la nécessité pour l'Eglise de ne pas être liée à ses structures, ainsi que du caractère providentiel de ces tendances sécularistes qui avaient aidé l'Eglise à devenir moins mondaine.
Ce même Pape a été métaphoriquement cloué au pilori pour son Discours de Ratisbonne en 2005 - un discours qui a néanmoins contribué à une floraison de dialogue avec l'élément islamique modéré; il a également été attaqué à la suite de ses commentaires (complètement déformés) sur l'utilisation des préservatifs, faits en 2009 lors d'une conférence de presse tenue en vol vers l'Afrique; et il a été placé sous une pression considérable par les médias en 2012 lors de l'affaire dite des Vatileaks qui ciblait ses plus proches collaborateurs.

Pourquoi toutes ces attaques? Parce que quand la vérité de l'Evangile est proclamée avec force, le même Evangile, signe de contradiction, génère le scandale et suscite une réaction violente de la part du monde.
C'est la raison pour laquelle le défi le plus important de François et de ses collaborateurs est de changer la perception des médias laïques sur lui.
De «Hosanna» à «Crucifie-le», il n'y a qu'un pas. L'histoire récente des papes nous le rappelle.

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