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Les jésuites sont "Charlie"

Réaction d'un éditorialiste de la Bussola, Luigi Santambrogio (14/1/2015)

>>> Cf.
Eux, ils sont Charlie

     

Alertée par une amie, il me semble avoir été la première en France à signaler la "Une" (que j'ai trouvée scandaleuse) de la revue jésuite Etudes, dimanche dernier, je l'avais même twitté.
Je ne suis pas une habituée des réseaux sociaux, n'y intervenant pratiquement jamais, et mon tweet n'a été "retwitté" qu'une fois (merci à "mcm"...). Mais l'essentiel est que l'information ait finalement circulé.

L'article annonçant «Nous avons fait le choix de mettre en ligne quelques caricatures de Charlie Hebdo qui se rapportent au catholicisme...» a, comme je le prévoyais, disparu du site, mais il est encore disponible pour le moment dans le cache de Google et on peut y découvrir 97 réactions de lecteurs (dont beaucoup de positives, hélas, malgré ce qu'affirme Luigi Santambrogio).

L'"insolence" (!!) de la revue jésuite n'a du reste pas échappé aux médias, comme en témoigne cet article du Point:

Audace et courage. Parmi les nombreux hommages vus, lus et entendus ces jours-ci à la liberté d'expression, en voici un très fort. Il émane des pères jésuites d'Études. Les animateurs de cette revue intellectuelle, fondée en 1856 et dont l'audience et l'influence dépassent largement les cercles catholiques, ont publié sur leur site internet les caricatures de Charlie Hebdo... sur le pape et les catholiques. Un choix osé que le rédacteur en chef François Euvé justifie ainsi au Point.fr :
« Je n'étais pas lecteur de Charlie Hebdo. De ce que j'en percevais, j'étais plutôt critique sur leur façon de parler de religion, mais je pense qu'il était important de montrer notre capacité à accepter cette forme de dérision pour nous. (...) Il ne s'agit pas de sacraliser Charlie. On peut discuter les choix et les cibles de ce journal tout en reconnaissant la pertinence que ces dessinateurs ont pu avoir en s'attaquant AUX intégrismeS (notez le pluriel). Il y a une forme de dérision qui peut être féconde».

Lorsqu'on est encensé à ce point par les médias laïc(iste)s, on doit s'interroger sur la qualité de son annonce de l'Evangile:
Mais une revue qui présente dans ses "carnets culturels" un éloge du Marquis de Sade, qualifié (flatteusement) d'intégriste de la laïcité, peut-elle encore se prétendre catholique? (cf. www.revue-etudes.com)

     

LES JÉSUITES PLUS "CHARLIE" QUE TOUT LE MONDE: VOICI LES CARICATURES DU PAPE
www.lanuovabq.it
Luigi Santambrogio
13/01/2015
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Qui est le plus "Charlie"? Le "tube" en est désormais à sa dernière farce, à la bataille pour le copyright, à la marque et brevetée dûment déposée. Charlie c'est moi, "Assez de faux Charlie", intime Il Giornale.
L'"Hebdo" fait fureur, ses caricatures sont partout: sur Facebook, sur les blogs, dans les instant book: le Corriere en annonce un pour demain. Les dessins plus féroces et les plus blasphématoires ont déjà été publiés (la presse italienne et mondiale a dégainé son coeur de lion une fois le massacre advenu), au moins celles qui malmènent le prophète Mahomet et ses mollahs sur la terre. Personne, cependant, parmi les grands médias laïcs et éclairés, n'a rappelé que les caricaturistes de Charlie assénaient de grands coups de crayon aussi sur la tête des Papes et de la triade à la tête de l'Eglise catholique: Père, Fils et Saint-Esprit. Ils ont encore moins offert des exemples illustrés de cette satire no limit et no religion des nouvelles Mariannes du crayon de couleur made in France.

Pas tous, cependant. Quelqu'un a pensé à combler le vide d'information en publiant, non censurées (???), les caricatures blasphématoires anti-pape et anti-Christ. Il l'a fait dans la revue "Études", prestigieux et sérieux mensuel de la Compagnie de Jésus, fondée à Paris en 1856. Étrange, mais vrai. De Saint Ignace de Loyola à saint Charlie de Paris: la nouvelle a le goût de la plaisanterie, presque une blague dans le style et avec l'esprit de satire irrévérencieux et désacralisant de l'"Hebdo". Ils pourraient même l'avoir inventé. Malheureusement (mais cela dépend de votre point de vue) ce n'est pas le cas. Les caricatures apparaissent vraiment sur la revue des jésuites français. Avec des motivation vraiment «ridicules», mais pas de la manière qui fait rire les gens. Au contraire.

"Études", revue jumelle de "la Civiltà Cattolica" italienne, explique : «Nous avons décidé de mettre en ligne quelques caricatures de Charlie Hebdo qui se rapportent au catholicisme». Et tous ces dessins, en effet, se référent au pape et au Vatican. Protagonistes, le Christ, Ratzinger et François. «C'est un signe de force - lit-on sur le site Web de la revue dirigée par François Euvé - d'être capable de rire de certains aspects de l'institution à laquelle nous appartenons, car c'est une façon de dire que ce que nous apprécions est au-delà des formes toujours transitoires et imparfaites». L'humour dans la foi est «un bon antidote contre le fanatisme» et, ajoutent-ils dans l'éditorial signé par la rédaction et intitulé 'Nous sommes Charlie', la victime du terrorisme était aussi «la liberté d'expression». En outre, concluent les jésuites «les réactions unanimes, de droite et de gauche, croyants ou non, invitent à ne pas céder à la peur et à défendre une société plurielle».
Parfait, rien de nouveau, surtout par rapport à la marée de rhétorique et de laïcité prêt-à-porter déversée sur l'opinion publique par les journaux et la télévision. Et c'est le problème parce que par la voix de la Compagnie ignatienne, on pouvait raisonnablement s'attendre à quelque chose de plus. Une idée différente et originale sur l'identité chrétienne mise à l'épreuve par le massacre de Paris.

Qui sait, peut-être le directeur s'est-il senti obligé de prendre au sérieux l'appel de François (lui aussi jésuite) aux évêques de la Curie romaine: ne soyez pas «des personnes grincheuses et revêches, qui considèrent que pour être sérieuses il faut arborer un visage de mélancolie, de sévérité et traiter les autres avec rigidité, dureté et arrogance» (1). Alors, payez-vous une belle tranche de rire, vénérables frères, mais, ajoutait François, n'oubliez pas de vous corriger, parce que, des choses à corriger, vous en avez beaucoup. L'invitation à sourire, en effet, précédait une bastonnade douloureuse des vices des excellence de la curie. En somme: castigat ridendo mores (ndt: châtier les mœurs en riant).. Ici, les jésuites ont pris à la lettre seulement la première partie de la leçon de Bergoglio et ils ont même ajouté les figures: celle de Charlie avec Benoît XVI qui après sa démission et libéré des contraintes du Vatican peut enfin flirter avec un garde suisse. Ou celle avec Jésus demandant aux cardinaux de le déclouer de la croix parce qu'il veut voter pour le nouveau Pontife, tandis que descendent du ciel les mots: «Encore une élection truquée»; et celle de François dénudé au Brésil, représenté comme un danseur de samba avec la bulle qui récite: «Prêt à tout pour attirer de nouveaux clients». Qu'en dites-vous: vous trouvez ça drôle? (2)

Les rédacteurs d'"Études" certainement oui, les lecteurs un peu moins. Sur le site de la revue, il y a une avalanche de commentaires: lecteurs laïcs, mais aussi religieux et prêtres qui en majorité (??) se disent scandalisés par les caricatures et la répétition du "Je suis Charlie" qui trône (trônait) sur le numéro en ligne. Certaines personnes sont d'accord, mais elles sont peu nombreuses (??). Comme Robert qui écrit: «Une caricature n'a jamais de mal à personne, c'est juste un trait de crayon sur une feuille. .. Et Dieu n'est pas heureux si nous critiquons un dessin». Louis lui répond avec indignation il y a d'autres façons, dit-il, d'exprimer la solidarité et la compassion. Puis le direct: «Les commentaires positifs à votre choix viennent d'athées ou d'ennemis de l'Église: cela ne vous dit rien?». Enfin, rappelant de Benoît XVI: "Chers amis, votre cynisme n'est pas cette tolérance et cette ouverture culturelle que les gens attendent de nous, catholiques. La tolérance dont nous avons besoin inclut la crainte de Dieu et le respect de ce qui est sacré pour les autres».

Belle leçon de théologie pour une revue qui se veut maître de doctrine. «Consterné de voir ces caricatures obscènes dans votre magazine» déclare un abbé, qui conclut sèchement:« Honte à vous, pauvre Compagnie de Jésus».

[L'auteur cite ici plusieurs réactions indignées de lecteurs de Etudes]

Blagues de prêtres, et même de jésuites qui semblent vouloir confirmer ce qu'on dit d'eux à propos de la maîtrise proverbiale dans le jeu "du cercle et du tonneau" (3): dribbler et se défausser, être avec l'un, mais aussi avec l'autre , dire et en même temps nier.
En effet, "Études" s'est bien gardé de mettre en ligne les vignettes les plus obscènes. Comme celle avec les trois personnes de la Trinité qui se sodomisent mutuellement. Trop, même pour une foi pourvue d'un taux très élevé d'esprit, mais pas naïve au point de risquer de subir les foudres de la Société. Peine perdue: l'affaire a déjà été signalée à qui de droit.

C'est le père Jean François Thomas, un jésuite, qui l'a fait, envoyant à la Compagnie une lettre sévère de protestation. Le Père Thomas répète ce que la majorité des lecteurs de Etudes écrivait déjà: passe encore la liberté de blasphème, mais le faire «dans une revue de la Société est scandaleux. Je trouve que la pire est celle concernant Benoît XVI car elle est quasi diffamatoire. Quant à l'atteinte au drame de la Crucifixion, elle est pitoyable. Je ne savais pas que certains jésuites pouvaient trouver sujet à en rire. Personnellement j'en pleure chaque jour, à cause de mon péché et à cause de toutes les souffrances vécues dans leur chair par tant de chrétiens persécutés» (cf. yvesdaoudal.hautetfort.com)
Quelqu'un a encore envie de rire?

NDT

(1) Le Pape ajoutait:
"Ne perdons donc pas cet esprit de joie, plein d’humour, et même d’autodérision, qui nous rend aimables, même dans les situations difficiles. Comme une bonne dose d’humour sain nous fait du bien".
Finalement, les rédacteurs de la revue jésuite pourront bien dire qu'ils appliquent à la lettre le message du Pape dont, une fois de plus, les propos se prêtent à toutes les manipulations.

(2) L'auteur, avec tout le respect qui lui est dû, n'est pas vraiment de bonne foi, même s'il se ratrappe dans la suite de l'article. Il n'y a aucune comparaison entre le caractère insultant de la caricature mettant en scène Benoît XVI, carrément diffamatoire, et celle sur François "en danseuse de samba", qui est peut-être d'un goût douteux (le bon goût n'est pas la marque de fabrique de Charlie!!) mais rentre effectivement dans le cadre de la satire, et n'a rien ni de diffamatoire, ni de blasphématoire. Sans parler de la quatrième vignette, représentant elle aussi François, qu'on peut qualifier de "gentille", prêtant au Pape les propos d'une starlette de la télé-réalité!
Et surtout, il oublie de mentionner qu'avec la publication de la première vignette, non seulement "Etudes" ne fait pas d'AUTO-dérision, mais en profite pour régler ses comptes personnels.

(3) del cerchio e della botte; explication en note de bas de page ici: benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/socci-les-papes-et-les-temps-apocalyptiques.html

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