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Le Rabbin de Pie XII

Quand le grand Rabbin de Rome, Eugenio Zolli, s'est rendu au Christ: d'étonnants détails autour de sa douloureuse conversion. Article de Giuseppe Brienza (*) sur la Bussola, traduit par Anna.

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www.formiche.net/author/giuseppe-brienza/

Zolli, le grand rabbin qui se rendit au Christ

Giuseppe Brienza
http://www.lanuovabq.it
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Dans la "Ville sainte", occupée pendant la Deuxième Guerre Mondiale par les allemands, à la liste dressée par l'historien Renzo De Felice (1929-1996), des juifs sauvés par la charité de Pie XII, il faut ajouter Israel Zolli (1881-1956): pas moins de 4447 personnes qui trouvèrent asile et protection entre 1943 et '45 dans les instituts religieux de Rome et en des maisons privées du réseau clandestin catholique dirigé directement par le Vatican (voir Renzo De Felice, Storia degli Ebrei sotto il Fascismo, 4ème édition. Editions G. Einaudi, Torino 1988).

Il y a tout juste 70 ans, le 13 février 1945, la guerre n'étant pas encore terminée, l'ancien grand rabbin de Rome (1940-1944) demanda avec son épouse d'être admis dans l'Eglise catholique après une conversion qui avait une origine lointaine, mais qui se produisit grâce à la fulgurante vision de Jésus Christ, dans la Synagogue, pendant qu'il célébrait la fête de l'expiation-Yom Kippur en septembre 1944. Depuis ce moment, Zolli changea son propre nom d'Israel en celui d'Eugenio, en honneur du Pape Pacelli. Pour quelle raison? En raison de l'hommage reconnaissant à Pie XII qui l'avait d'abord accueilli à bras ouverts et ensuite aidé aussi matériellement, comme tant d'autres juifs alors persécutés par les nazis.

Ce fut don Roberto Ronca (1901-1977), à l'époque recteur du Séminaire romain du Latran (1933-1948), qui aida Zolli sur ordre du Pape Pacelli, lui permettant de faire face d'abord aux pressions du milieu juif visant à le faire revenir sur sa décision de se convertir, et ensuite, après qu'elle fût confirmée, de résister à l'appauvrissement, le sien et de sa famille, à cause de l'expropriation des biens et revenus provoquée par le retrait de la charge de grand rabbin de Rome. Comme je j'ai démontré à l'aide de documents inédits dans mon livre Identità cattolica e anticomunismo nell'Italia del Dopoguerra. La figura e l'opera di Mons. Roberto Ronca (D'Ettoris Editore, Crotone 2008, pp.244), le soutien et l'attitude de charité de don Ronca envers Zolli sont prouvés et irréfutables.

C'est peut-être pour cela aussi, comme l'a noté Vittorio Messori, que pendant les derniers 70 ans "le silence est tombé" sur Eugenio Zolli (Corriere della Sera, 4 novembre 2010).
Depuis le 13 février 1945 Zolli fut littéralement "ostracisé" par les responsables de la communauté juive de Rome, qui le mirent en demeure d'abandonner l'habitation qu'il avait dans le ghetto de Rome. Il demanda, mais ne reçut aucune compréhension ni solidarité par ses anciens coreligionnaires malgré les difficultés de subsistance qu'il lui fallut affronter avec sa propre famille.

Lorsque Israel et sa femme Emma Majonica (qui ajouta à son nom celui de Marie, en l'honneur de la Mère de Dieu) furent baptisés le 13 février 1945 par Mgr Luigi Traglia, vice-gérant de Rome, ce fut grâce à la sollicitude de don Ronca que l'ancien rabbin put littéralement survivre.
Depuis ce moment, une véritable damnatio memoriae se déchaina à son encontre, si efficace que le récit de sa conversion, écrit à l'origine en italien en 1954, ne put être publié à l'époque qu'aux Etats-Unis et ne l'a été en Italie que 50 ans plus tard [voir Eugenio Zolli, Prima dell'Alba. Autobiografia autorizzata, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (MI), 2004] (**). La famille Zolli, (les deux époux âgés et leur fille Myriam) fut laissée en 1944 sans rien puisque Israel fut privé, avec effet immédiat, de tous ses revenus précédents, non seulement ceux dérivant du service religieux, mais aussi "professionnel" dans sa qualité de directeur du Collège Rabbinique de Rome.

Une demande devenait donc nécessaire, que Mgr. Ronca adressa à Alcide De Gasperi en février 1945, dans le but d' "[…] appuyer, si possible, ou favoriser le souhait de l'ancien rabbin Zolli de devenir Professeur d'Hébraïque moderne dans notre Royale Université" (voir Archive Ronca "H". Cette lettre, inédite jusqu'en 2008, est adressée à Son Excellence l'Hon. Alcide De Gasperi, Ministre des Affaires Etrangères" et a l'en-tête "Rome, 14 février 1945").

La demande d'affectation de Zolli à l'Université d'Etat italienne n'était pas sans raison de la part du futur évêque de Pompei (Ronca fut nommé par Pie XII Prélat de la Ville mariale en 1948). Cette nomination, motivée premièrement par des évidentes raison de solidarité humaine et chrétienne, aurait plutôt honoré l'académie nationale au vu du curriculum d'enseignement de l'ancien rabbin (qui avait, entre autre, enseigné l'hébreu et les langues sémitiques anciennes à l'Université de Padoue entre 1918 et 1938), et aussi à la quantité et qualité de ses publications, parmi lesquelles Israele: Studi storico-religiosi (Istituto delle Edizioni Accademiche, Udine 1935) et Il Nazareno (Istituto delle Edizioni Accademiche, Udine, 1938). Ce n'est donc pas un hasard, si en même temps, on lui confia également, entre 1946 et 1955, les chaires de Langue et Littérature hébraïque post-biblique et de Langue et littérature araméenne post-biblique à l'Institut Pontifical biblique de Rome.

Quelque jour après son baptême, Israel, devenu "Eugenio", trouva un hébergement temporaire près l'Université Grégorienne, grâce au recteur de l'époque, le jésuite Paolo Dezza (1901-1999).[ndt: cf la fiche Wikipedia de Dezza].
Par l'intermédiaire probablement du futur cardinal (ndt: Dezza fut créé cardinal par JP II en 1991), il fut demandé à don Ronca de s'activer auprès de De Gasperi en faveur de Zolli. Suite aux bon offices de l'homme d'Etat trentin, l'université La Sapienza confia en 1946 à l'ancien rabbin de Rome les chaires d'Epigraphie et antiquités sémitiques et celle d'Hébreux et langues sémitiques au sein de la faculté de Lettres. D'après le témoignage du père Dezza, en 1944, quelques juifs américains voyagèrent spécialement à Rome pour offrir à Zolli "[…] toute somme d'argent qu'il désirerait" pour revenir sur ses pas [Paolo Dezza s.j., Eugenio Zolli: da Gran Rabbino a testimone di Cristo (1881-1956), dans La Civiltà Cattolica, cahier 3136, année 132, Rome, 21 février 1981, (pp. 340-349) p. 344].

Par la suite, il fut approché par des responsables du protestantisme qui lui promirent de l'argent si, avec ses études bibliques, il démontrait l'inconsistance dans la Sainte Ecriture de la Primauté pétrinienne [voir Judith Cabaud, Il rabbino che si arrese a Cristo. La storia di Eugenio Zolli, rabbino capo a Roma durante la seconda guerra mondiale, Prefazione di Vittorio Messori, Edizioni San Paolo, Cinisello Balsamo (MI) 2002., p. 97].
L'ancien rabbin déclina toutes ces offres "généreuses" mais, le soir de son Baptême, Zolli n'avait même pas de quoi dîner, si bien que le célébrant Mgr. Traglia lui donna, pour les besoins immédiats de lui et de sa famille, cinquante lires à titre d'aumône.

A ces protagonistes oubliés l'on doit que Zolli, de grand rabbin, est encore aujourd'hui un témoin du Christ.

NDT

(**) En 2002, les éditions FX de Guibert publiaient un livre intitulé Avant l'aube : Autobiographie spirituelle (traduction Judith Cabaud)
Il semble actuellement indisponible chez l'éditeur, mais il est encore disponible d'occasion (à grand prix, malheureusement!)
Voici ce que dit la 4ème de couverture (cf. www.amazon.fr/Avant-laube-Autobiographie-Eugenio-Zolli)

« Au cours de l'histoire, aucun héros n'a commandé une telle armée, aucune force militaire n'a été plus combattante ainsi que combattue, aucune n'a été plus héroïque que celle menée par Pie XII au nom de la charité chrétienne »

Ce livre a été publié dans les dernières années de sa vie par celui qui fut, durant la Seconde guerre mondiale, le Grand rabbin de Rome. Plutôt qu'une biographie complète, il s'agit d'une méditation sur les grandes étapes spirituelles d'un destin hors du commun. Première rencontre avec la Bible dans une famille profondément croyante; initiation à la culture rabbinique; le jeune Israël Zoller fait, dès son plus jeune âge, une expérience personnelle très forte de Dieu-Amour. Érudit et esprit libre, il ne cessera de s'intéresser aux textes des Évangiles qu'il étudie très tôt à la lumière de la plus haute science hébraïque. Très lucide devant la montée du nazisme et ses conséquences, il sera plongé au cœur du drame de la persécution déclenchée par les Allemands dans la Rome occupée de 1943.

Il est ainsi un grand témoin autorisé de l'action de Pie XII, tant dans l'ordre humanitaire que dans l'ordre spirituel. Contrairement aux critiques, il ne dissocie pas ces deux dimensions de la conduite du Pape, de même qu'il n'oppose pas, bien au contraire, l'exemple donné par Pie XII aux conduites héroïques de tel religieux ou laïc sur le terrain.

Avec une profonde intelligence spirituelle de l'histoire, il ordonne tout autour de la figure du Christ crucifié qui le fascine depuis son enfance. De même, il donne une leçon sur l'unité-communion de l'Église dans le Christ à travers le Pape, qu'on pourra méditer aujourd'hui avec profit...

Enfin, il raconte avec une simplicité bouleversante sa conversion, non pas infidélité mais accomplissement de cet amour égal du judaïsme et du christianisme pleinement atteint dans la personne de Jésus.

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