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Le Seigneur et son vicaire.

Une intéressante réflexion sur la nouvelle dissidence par ''La Strega'' de Papalepapale, autour de l'interview du cardinal Burke à France 2 et de la réponse de son confrère et compatriote le cardinal Wuerl

¤ Le Cardinal Burke sur France 2
¤ Le cardinal Burke sur France 2 (suite)
¤ Le cardinal Wuerl à la rescousse

Vous n'avez pas compris le message subliminal envoyé [par le cardinal Wuerl]? La référence à l'affaire Billot n'est pas fortuite: on dit, en pratique, au cardinal Burke de faire la même chose que ce cardinal des années 30: c'est-à-dire de renoncer au cardinalat.

Le Seigneur et son vicaire. Obéissance au Pape en relation au Christ

François a juré - comme ses prédécesseurs - de préserver et de transmettre le «dépôt de la foi, sans ajout ni suppression ou modification même d'un iota».
www.papalepapale.com/strega
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La chaîne de télévision française France 2 a diffusé, le 8 Février, un reportage consacré à François, en particulier aux grandes réformes que, selon les journalistes transalpins, il aimerait faire, non seulement dans la curie romaine, mais aussi dans l'enseignement même de l'Église catholique. «Grandes réformes» qui, toujours selon les Français, vont au ralenti en raison de la «fronde» dans le Collège cardinalice.

La tête de cette soi-disant «fronde» est désignée dans le cardinal américain Raymond Leo Burke, ancien préfet de la Signature apostolique et actuellement patron de l'Ordre de Malte, qui, il y a quelque temps, a accordé une brève interview à l'auteur du reportage. Je ne sais pas si le cardinal américain s'attendait ou pas à ce que la journaliste française utilise ses déclarations pour la propagande habituelle des «cardinaux ultra-catholiques conservateurs» contre le «pape bon et réformateur» mais il a rappelé que la fidélité à l'Evangile n'est pas une option pour un catholique, clerc ou laïc.

«Si le pape persiste dans cette direction, que ferez-vous?», demande la journaliste française.
«Je résisterai, je ne peux rien faire d'autre. Il n'y a pas de doute que c'est un moment difficile, c'est clair. C'est clair», répond le cardinal Burke.

Cette réponse a suscité différentes réactions dans le monde catholique; la plus importante, probablement, est celle du cardinal Donald Wuerl, archevêque de Washington, DC, donc compatriote de Burke, mais d'«orientation» doctrinale diamétralement opposée.

Dans un article publié dans son blog personnel - traduit en italien par Vatican Insider (surnommée la «Pravda du Vatican») - le Cardinal Wuerl a écrit, entre autres choses, qu'«il y a toujours eu un courant de dissidence dans l'Eglise». Le cardinal rappelle en particulier le cas d'un cardinal-prêtre français, le jésuite Billot, qui «était très peu discret dans son opposition à Pie XI, lequel avait condamné le mouvement politique et religieux Action Française» et donc fut «convaincu de renoncer à sa dignité de cardinal», redevenant simplement le père Billot.

Pour le cardinal ultra-progessiste (ndt: je ne sais pas s'il l'est vraiment, ou s'il s'agit d'humour de la part de La Strega) américain, c'est une situation similaire à celle de 1968 - l'année où Paul VI a rappelé solennellement qu'il est contraire au droit divin de séparer, dans l'acte conjugal, la fin de procréation de celle d'union - quand la dissidence de certains prêtres envers l'enseignement d'Humanae vitae les a amenés à quitter le ministère sacerdotal».

«Une des choses que j'ai appris au fil des années [...], c'est que, en regardant de plus près, il y a un fil conducteur qui traverse tous ces dissidents», conclut le cardinal Wuerl. «Ils sont en désaccord avec le pape, parce qu'il n'est pas d'accord avec eux et ne suit pas leurs positions. La dissidence est peut-être quelque chose que nous aurons toujours, regrettable en tant que tel, mais nous aurons aussi toujours Pierre et son successeur comme le roc et la pierre de touche de notre foi et de notre unité».

L'article de l'archevêque de Washington a été beaucoup discuté sur les réseaux sociaux.
Voici quelques commentaires parmi les plus intéressants.

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Les «dissidents»
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« (...) on remarque une chose: Wuerl parle de «dissidents», et ne se rend pas compte qu'il utilise un terme qui appartient aux régimes politiques, le cas échéant autoritaires: il s'en est fallu de peu qu'il a utilise, comme aux jours du PCUS, le terme «chiens enragés» pour désigner les communiste non-alignés qui s'opposaient à la marche des chars de Moscou vers les pays satellites. Comme si on ne parlait pas d'un serviteur - le pape - et qu'on faisait allusion à un caudillo latino-américain.
C'est horrible, le point de non-retour où nous sommes arrivés, la confusion des termes, milieux, rôles, identités. Wuerl ne se rend pas compte que ce «fil» qui lierait tous les dissidents de tous les âges est une superstition.
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Jusqu'à présent, les dissidents avaient contesté le pape pour contester la doctrine de l'Eglise, en particulier celle morale. Aujourd'hui, au contraire, ces nouveaux «dissidents» contestent le pape pour défendre cette même doctrine. Parce que l'un de ces anciens «dissidents», bien que modéré, a été élu au Siège».

Le message subliminal
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«Vous n'avez pas compris le message subliminal envoyé? La référence à l'affaire Billot n'est pas fortuite: on dit, en pratique, au cardinal Burke de faire la même chose que ce cardinal des années 30: c'est-à-dire de renoncer au cardinalat. Cependant, le rappel du cardinal Billot est impropre: alors que dans cette affaire la dissidence était essentiellement politique, aujourd'hui, la dissidence est doctrinale».

Vrais et faux obéissants au pape
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«Le Cardinal Wuerl - contre son confrère Burke - se trompe pour les raisons suivantes:
. on ne peut pas appelé «rebelles» ceux qui critiquent des positions qui ne sont ni officielles ni définitives;
. l'obéissance pleine et convaincue est dûe au pape régnant quand il s'exprime de manière solennelle, tandis que les autres discours pontificaux devront être suivis attentivement, avec dévotion et prudence, mais en les distinguant clairement de ceux solennels et officiels;
. on ne peut pas comparer ceux qui se rebellent contre le Depositum Fidei avec ceux qui, au contraire, «résistent» à ces rébellions;
. on ne peut pas non plus appeler «dissident» celui qui se souvient que le critère de jugement catholique n'est pas la modernité mais la Tradition.
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Sainte Catherine de Sienne, Docteur de l'Eglise, était-elle rebelle ou dissidente parce qu'elle avait osé critiquer celui qu'elle appelait «le doux Christ sur la terre»? Il y a des critiques filiales, humbles et justes qui n'ont rien à voir avec la désobéissance ou le schisme.
N'est-ce pas là une façon de conditionner la liberté du Magistère du Saint-Père - qui est le Garant de la Tradition de l'Église et l'héritier de tous les papes précédents - à qui on doit absolument rester fidèles dans le Christ»

(...)

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Il y aurait beaucoup à ajouter, mais permettez aussi à la Strega de donner son avis.

Ces mêmes évêques et cardinaux qui sont aujourd'hui les fidèlissimes du pape régnant, ont été pendant 30 ans les adversaires les plus acharnés de Saint Jean-Paul II d'abord, et de Benoît XVI ensuite. Mais ils n'ont jamais été menacés par leurs confrères d'une éventuelle révocation - en cas de prétendue «peu discrète opposition» au pape - de la barrette rouge. Il est clair que ce qu'ils prétendent pour eux-mêmes est inacceptable pour les autres.

Le Cardinal Wuerl a comparé, très grossièrement, les justes «résistances» aux bouleversements du Depositum Fidei avec l'opposition farouche à Humanae Vitae, l'encyclique du pape Paul VI qui pourtant réitérait l'enseignement pérenne de l'Eglise sur le mariage et la famille.

Les évêques qui se sont opposés le plus violemment à la dernière encyclique de Paul VI sont ceux du Benelux, «conduits» par le primat de Belgique, le cardinal Leo Joseph Suenens (1), un ami de longue date du pape lui-même. Ils ont été reçus par le pontife alors régnant en visite ad limina Apostolorum en 1969, un an après la promulgation d'Humanae Vitae .
Le Bienheureux Paul VI et le cardinal Suenens eurent une longue conversation. A la fin, le cardinal prit congé du pape, en lui disant qu'avec la promulgation d'Humanae Vitae', il avait trahi non pas lui, mais ce grand désir de réformer l'Église qui avait inspiré Vatican II. Paul VI, avec une désarmante simplicité, a répondu: «Et, prenez garde à ne pas me trahir moi, mais le Christ et son Evangile».

Obéissance au Saint-Père, oui, donc, mais en relation avec Jésus-Christ.
Puisque le Pape « intéresse relativement , c’est-à-dire intéresse seulement en relation au Christ, de Qui il reçoit l’autorité de paître ses brebis en son Nom ; seulement en relation au Christ dont il doit protéger, interpréter et annoncer la Parole au monde, sans rien ajouter ni retrancher ; seulement en relation au Christ, dont le premier Pape, saint Pierre a dit qu’aucun autre Nom sous le ciel ne nous a été donné par lequel nous puissions être sauvés ; seulement en relation au Christ que lors du jubilé de l’an 2000, Jean Paul II a de nouveau mis au centre de la vie et de la mission comme Celui qui hier, aujourd’hui et toujours est l’unique Sauveur» (Mgr Antonio Livi, La nuova Bussola, 18/1/2014)

Et cela, le pape François le sait parfaitement, mieux que nous.

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Note de la Strega
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(1) Le cardinal belge n'était pas un «monsieur personne». Quand il reçut la barrette rouge en Juin 1962, il fut reçu en audience privée par saint Jean XXIII, qui lui suggéra de donner au prochain concile oecuménique une empreinte non pas doctrinale, mais pastorale. Par conséquent, il est l'inventeur du «Concile pastoral». Et pas seulement. Suenens fut aussi le «Grand Électeur» de Giovanni Battista Montini à la Chaire de Pierre au conclave de Juin 1963. Ce n'est pas un hasard si Paul VI lui accorda un «privilège» sans précédent: le 23 Juin 1963, quelques jours après son élection, il l'avait voulu à ses côtés, à la fenêtre du Palais apostolique, pour l'Angelus. (Voir «Le Concile Vatican II. Une histoire jamais écrite», Roberto de Mattei, Lindau, 2009).

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