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Où va François? par JM Guénois

«L'année 2015 dans l'Eglise catholique va être profondément agitée. 2015 sera une longue heure de vérité» annonce le vaticaniste du Figaro (3/1/2015).

>>> L'article complet en deux parties sur le site du Figaro:
¤ Première partie
¤ Deuxième partie

Le 18 juin 2013, au terme des 100 premiers jours du Pontificat de François, Jean-Marie Guénois décrivait le nouveau Pape comme «révolutionnaire sur la forme, conservateur sur le fond»..
Dix huit mois plus tard, le vaticaniste du Figaro est contraint d'admettre que le «choc François (...) touche non plus la forme mais le fond» et qu'«il entend, en fait, aller beaucoup plus loin que ce que le noyau centriste des cardinaux - qui a fait son élection - pouvait imaginer».

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Jean-Marie Guénois propose une longue analyse du pontificat de François, dans le Figaro du 2 janvier 2015.
Il y reprend ce qu'il a déjà développé dans son livre "Jusqu'où ira François" (cf. benoit-et-moi.fr/2014-II-1) sauf qu'il affine son analyse (j'allais écrire "son diagnostic") à la lumière des faits récents: le livre est sorti en France en septembre 2014, il a probablement été écrit pendant l'été, et donc avant le Synode, et bien avant les fameux voeux à la Curie, dans lesquels il voit désormais (ce qui est à vrai dire une évidence, mais que beaucoup de gens refusent d'admettre) une véritable déclaration du guerre du Pape à une partie des cardinaux et de la Curie.

«Là, François est violent - écrit-il. La guerre intestine contre une certaine arrogance curiale est devenue une guerre totale depuis le 22 décembre. Après les soubresauts du synode d'octobre, le pape aurait pu choisir de calmer le jeu et de concilier toutes les forces de l'Eglise y compris celles qui s'opposent à lui, il a opté pour un affrontement désormais spectaculaire».

Bien qu'il ait évolué, le jugement de Jean-Marie Guénois reste cependant positif - et il est permis ne pas le suivre sur ce terrain: il pense que François a pour objectif de «réactiver l'élan missionnaire catholique». C'est un «missionnaire de choc», écrit-il, et la seule chose qui l'intéresse vraiment, c'est de «convertir au Christ sans complexe» (une volonté de conversion qui pourtant ne saute pas aux yeux de beaucoup parmi ceux qui suivent attentivement ses mots et ses gestes, et qui peine à se concrétiser dans les faits).

Toutefois, Jean-Marie Guénois prend acte du malaise réel, qui concerne à la fois les milieux ecclésiaux, mais aussi cette frange présumée bourgeoise du catholicisme occidental - qu'on pourrait qualifier de "génération Benoît XVI/Jean Paul II" - avec ses familles nombreuses, qui est certainement la base du lectorat du Figaro (et qui constitue probablement le gros des troupes du mouvement "La Manif Pour Tous"); cette frange, donc, conservatrice, qui se sentait protégée par les deux papes précédents, et que François n'aime pas, et surtout ne comprend pas.

Extraits

Le choc
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Le choc François n'est donc pas lié à un malentendu. Il vient plutôt de son style décapant (..)
Mais il est un second choc que l'opinion commence seulement à ressentir. Il touche non plus la forme mais le fond. Si François respecte les grandes lignes des objectifs annoncés il entend, en fait, aller beaucoup plus loin que ce que le noyau centriste des cardinaux - qui a fait son élection - pouvait imaginer. Ce pape en menant une réforme d'ampleur, les déborde largement. Les ondes de choc du caractère radical de cette révolution perçues à Rome il y a six mois atteignent à présent les rangs catholiques. Après un long état de grâce ces informations créent une profonde confusion. Voilà ce qui est en train de se jouer.

Il ne s'adresse pas aux catholiques
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Son pontificat - on commence à le comprendre et c'est l'un des problèmes actuels - ne s'adresse pas aux catholiques… C'est paradoxal mais c'est aussi prophétique.

Révolution culturelle
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Au fond, les cardinaux dont beaucoup ne savaient pour qui ils votaient vraiment, espéraient une réforme en douceur de la curie que Benoît XVI n'avait pas pu mener. Ils affrontent désormais une révolution. Mais il ne faut se tromper sur la portée de ce qui se passe actuellement au Vatican: ce ne sont pas tant les réformes que décidera ou non le synode sur la famille, ni celles de la curie romaine qui comptent aux yeux du pape. Sa révolution est culturelle. Il veut changer en profondeur les mentalités catholiques. Il veut, là aussi, convertir à la radicalité évangélique et christique.

L'élection manquée de 2005
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On comprend aujourd'hui pourquoi, en 2005, le cardinal Martini, lors du Conclave qui a élu Benoît XVI n'a pas soutenu son confrère jésuite Bergoglio pourtant outsider du cardinal Ratzinger. Ils partageaient le même programme réformiste, une sorte de concile Vatican III progressiste en acte, mais l'archevêque de Buenos Aires n'avait pas bonne réputation dans la Compagnie de Jésus. Il était connu pour son caractère ombrageux et autoritaire qui lui avait valu une longue mise à l'écart quand il était en charge de gouvernement d'une province jésuite. Ce pape est un patron. Il a du caractère.
De plus sa popularité mondiale est telle qu'il n'a peur de personne.

Une rumeur fabriquée (qui contribue à la légende)
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Les rumeurs d'assassinat sont toujours possible pour un homme public comme le pape. Et comme tout pape François n'est pas à l'abri d'un déséquilibré. Mais comme toutes rumeurs, elles sont persistantes et jamais vérifiées. Or, il apparait que cette rumeur faisant du pape une cible de la mafia a été lancé en 2013 par un magistrat italien, spécialiste de la mafia, alors qu'il faisait la promotion de son dernier livre! C'est lui qui a lancé ce bruit qui fut un excellent vecteur marketing pour ses ventes mais qui repose sur son imagination car la mafia ou les mafias n'ont aucun intérêt à abattre ce pape.
Avancer comme l'a suggéré ce juge que la réforme de la banque du Vatican pouvait mettre en cause les intérêts de la mafia est une absurdité sans nom car c'est Benoît XVI qui a fait le gros de ce travail! C'est que l'on appelle un pur montage dont les Italiens sont friands. C'est séduisant mais faux. Et absurde quand on connaît les détails et les problèmes encore en suspens de cette réforme bancaire complexe et quasiment achevée dans le sens d'une transparence draconienne.

Herméneutique du Concile
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Son programme pour l'Eglise.. est maintenant [connu] de tous. L'enjeu est le sens de l'application du Concile Vatican II. Il apparait dans les faits que François s'oppose, presque point par point à la priorité anthropologique et morale du pontificat de Jean-Paul II et à la réaffirmation doctrinale, à la réforme liturgique, au centralisme romain et à la réaffirmation de la papauté de Benoît XVI. C'est comme si deux papes, après le Concile Vatican II avaient travaillé dans un sens pour retrouver la lettre du Concile Vatican II et qu'un troisième pape efface cela pour retrouver le fameux «esprit du Concile» tant combattu par ses deux prédécesseurs…

L'héritage de Benoît XVI et JP II
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La portée du pontificat de Benoît XVI et de Jean-Paul II est dans la fécondité incroyable qu'ils ont semée dans les cœurs de tant de catholiques qui sont aujourd'hui fermement engagés. Mais ils vont devoir affronter un climat ecclésial qui retrouve l'âpreté des combats des années 70 que l'on croyait éteints.

Alternance
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Si l'on faisait une analyse strictement politique on pourrait parler d'une véritable alternance car c'est l'opposition aux pontificats de Jean-Paul II et de Benoît XVI - il suffit de regarder les conseilles et l'entourage de ce pape - qui est maintenant au pouvoir! C'est tellement gros que beaucoup ont du mal à y croire mais c'est ainsi.

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