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Une interview de Mgr Gänswein

Dans Christ & Welt, supplément hedomadaire du journal allemand Die Zeit, il s'exprime sur les maladies de la Curie, sa perception de François, la relation de celui-ci avec les médias, la discrétion de Benoît XVI. Traduction complète - surtout pour ne pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit (23/1/2015)

Que ce soit bien clair: le secrétaire du Pape émérite ne peut pas dire autre chose (s'il décide de parler...).

L'article original en allemand est ici: http://www.christundwelt.de/detail/artikel/wider-die-theologischen-brandstifter/
Il a été traduit en anglais ici: https://incaelo.wordpress.com/2015/01/22/from-the-front-row-new-interview-with-archbishop-ganswein/

C'est cette dernière version que je traduis en français ci-dessous.

Il y a effectivement eu des cas dans lesquels le porte-parole du Vatican a dû clarifier les choses après les publications spécifiques. Des corrections sont nécessaires lorsque certaines déclarations conduisent à des malentendus qui peuvent être recueillies dans certains sites.
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Parler d'un antipape est tout simplement stupide, et aussi irresponsable. Cela va dans le sens d'un incendie criminel théologique.

Le Pape utilise très habilement les médias

C & W: A Noël François causé une certaine fureur avec son discours sur les quinze maladies de la Curie romaine. Vous étiez assis juste à côté du pape. À quel moment avez-vous cessé de compter?

Georg Gänswein: En tant que préfet de la Maison pontificale, j'étais assis, comme toujours dans ces occasions, à la droite du pape. Et comme toujours, j'avais une copie de l'exposé dans ma serviette, mais je n'avais pas eu le temps de le lire au préalable. Lorsque la liste des maladies a commencé, je me suis dit: «Maintenant, ça va être intéressant», et c'est devenu de plus en plus intéressant. J'ai compté jusqu'à la neuvième maladie ...

Qu'est-ce qui se passait dans votre tête?

Normalement, le pape utilise la rencontre de Noël avec la Curie pour revenir sur l'année écoulée et regarder vers celle à venir. Cette fois, c'était différent. François a préféré tendre un miroir de conscience aux cardinaux et évêques, parmi lesquels quelques-uns étaient à la retraite ...

Avez-vous vous ressenti que cela s'adressait à vous?

Bien sûr, je me suis demandé [à moi-même], «Qui est concerné? De quelle maladie es-tu atteint? Qu'est-ce qui doit être corrigé? ». A un moment j'ai pensé à mes nombreuses caisses de déménagement.

Voulez-vous parler de l'anecdote du déménagement d'un jésuite, avec d'innombrables biens? François a dit que le déménagement était un signe de la «maladie de la thésaurisation».

Exactement. Depuis que j'ai quitté le Palais apostolique après la retraite du pape Benoît en Février 2013, beaucoup de mes affaires sont encore dans des caisses dans un entrepôt. Mais je ne peux pas voir dans cela un signe de maladie.

Quelle était l'intention de François avec cet acte de flagellation? Cela pourrait être démotivant.

C'est une question que beaucoup de mes collègues se sont aussi posée. François est en fonction depuis près de deux ans maintenant, et il connaît assez bien la Curie. Il est évident qu'il a jugé nécessaire de parler clairement et de provoquer un examen de conscience.

Quelles ont été les réactions?

Ce fut un régal pour les médias, bien sûr. Durant le discours, je voyais déjà les gros titres: le Pape fustige les prélats de la Curie; le Pape lit la loi à ses collaborateurs! Malheureusement, à l'extérieur, cela a donné l'impression qu'il y avait un désaccord entre le Pape et la Curie. Cette impression est trompeuse (???), et ne coïncide pas avec la réalité. Mais le discours a couvert tout cela.

L'exposé a-t-il été critiqué en interne?

Les réactions allaient de la surprise au choc et à l'incompréhension.

Peut-être qu'avec François, la Curie a besoin de s'adapter à des exercices spirituels permanents?

Elle s'y est adaptée depuis longtemps. François ne fait pas mystère de sa formation religieuse. Il est un jésuite, façonné d'un bout à l'autre par la spiritualité du fondateur de son ordre, Saint Ignace de Loyola.

Quelles sont vos pensées sur François, deux ans après son élection?

François est un homme qui a clairement fait savoir dès le début qu'il aborde différemment les choses, qu'il voit différemment. C'est vrai pour son choix de vie, la voiture qu'il utilise, l'ensemble du processus des audiences en général et spécialement le protocole. Au début, on pouvait penser qu'il s'habituait aux choses et voulait un degré significatif de flexibilité. Maintenant, c'est devenu la norme. Le Saint-Père est un homme d'une extraordinaire créativité et un zeste d'Amérique latine.

Beaucoup se demandent encore où nous allons?

Si vous écoutez attentivement les paroles du Pape, vous y entendrez un message clair. Néanmoins, la question se pose en permanence: où François veut-il mener l'Église, quel est son but?

Il y a un an, vous avez dit: «Nous attendons toujours des lignes (mesures) de fond». Aujourd'hui, peut-on les voir?

Oui, beaucoup plus clairement qu'il y a un an. Voyez la Lettre apostolique "Evangelii Gaudium". Avec elle, il a présenté une boussole pour son pontificat. En outre, il a publié des documents importants et prononcé de grands discours durant l'année, comme à Strasbourg au Parlement européen et devant le Conseil de l'Europe. Les contours sont devenus clairement visibles et des priorités claires ont été indiquées.

Comme?

La priorité la plus importante est la mission, l'évangélisation. Cet aspect est comme un fil rouge. Aucun nombrilisme, pas d'auto-référence, mais partager l'Evangile avec le monde. C'est la devise.

Comprenez-vous Francis George, archevêque de Chicago à la retraite, qui a critiqué le fait que les paroles du Pape sont souvent ambivalentes?

Il y a effectivement eu des cas dans lesquels le porte-parole du Vatican a dû clarifier les choses après les publications spécifiques. Des corrections sont nécessaires lorsque certaines déclarations conduisent à des malentendus qui peuvent être recueillies dans certains sites.

François a-t-il un meilleur contrôle des médias que son prédécesseur Benoît?

François traite avec les médias de manière offensive. Il les utilise intensivement et directement.

Et aussi de façon plus habile?

Oui, il les utilise très habilement.

Qui sont réellement ses plus proches conseillers?

Cette question circule constamment et systématiquement. Je ne sais pas.

Avec les Synodes sur la pastorale pour les familles, celui passé et celui de l'automne prochain, François a créé un point de fixation. En particulier, la question de permettre l'accès des fidèles divorcés remariés aux sacrements provoque beaucoup de désaccords. Certains ont aussi l'impression que François se préoccupe davantage de la pastorale de la doctrine ...

Je ne partage pas cette impression. Cela crée une opposition artificielle qui n'existe pas. Le Pape est le premier garant et gardien de la doctrine de l'Eglise et en même le premier berger, le premier pasteur. Doctrine et pastorale ne sont pas en opposition, elles sont comme des jumelles.

Le Pape acctuel et le Pape en retraite ont-ils des points de vue opposés dans le débat sur les catholiques divorcés remariés?

Je ne connais aucune déclaration DOCTRINALE de François qui soit contraire aux déclarations de son prédécesseur. Ce serait absurde aussi. C'est une chose de souligner les efforts pastoraux plus clairement parce que la situation l'exige. C'en est une autre totalement différente de faire un changement dans le magistère. Je ne peux agir de façon pastoralement sensible, cohérente et consciencieuse que quand je le fais sur la base de la totalité de l'enseignement catholique. La substance des sacrements n'est pas laissée à la discrétion des pasteurs, mais a été donnée à l'Église par le Seigneur. C'est aussi et surtout vrai pour le sacrement du mariage.

Y a-t-il eu une visite de plusieurs cardinaux à Benoît durant le Synode, lui demandant d'intervenir pour sauver le dogme?

Une telle visite au pape Benoît n'a pas eu lieu. Une intervention supposée du pape émérite est une pure invention.

Comment Benoît répond-il aux tentatives de cercles traditionalistes de le reconnaître comme un antipape?

Ce n'était pas cercles traditionalistes qui l'ont tenté, mais des représentants de la profession théologique et certains journalistes. Parler d'un antipape est tout simplement stupide, et aussi irresponsable. Cela va dans le sens d'un incendie criminel théologique.

Récemment il y a eu une certaine excitation autour d'une contribution dans le quatrième volume récemment publié des Œuvres complètes de Joseph Ratzinger. L'auteur a changé certaines conclusions au sujet des divorcés remariés dans un sens plus strict. Benoît veut-il s'impliquer avec cela dans le débat du Synode?

Pas du tout. La révision dudit article de 1972 a été achevée et envoyée à l'éditeur longtemps avant le Synode. Il faut se rappeler que chaque auteur a le droit de faire des changements dans ses écrits. Toute personne informée sait que le pape Benoît n'a plus jamais partagé les conclusions de ladite contribution depuis 1981, c'est-à-dire plus de 30 ans! En tant que préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, il l'a exprimé clairement dans divers commentaires.

Le moment de la publication de la nouvelle édition coïncidant avec le Synode était alors tout sauf opportune ...

Le quatrième volume des Oeuvres complètes, dans lequel l'article est imprimé, devait être publié en 2013. La publication a été retardée pour diverses raisons et c'est arrivé seulement en 2014. Qu'un Synode sur le thème de la famille ait lieu à ce moment, était absolument imprévisible lors du planning de publication des différents volumes.

À sa retraite, Benoît XVI a dit qu'il vivrait «caché au monde». Il continue à faire des apparitions, cependant. Pourquoi?

Quand il est présent à des événements importants de l'Église, c'est parce qu'il est personnellement invité par François, par exemple quand il a pris part au consistoire de Février dernier, à la canonisation de Jean Paul II et Jean XXIII en Avril et aussi à la béatification de Paul VI en Octobre. Il a également écrit un message pour l'inauguration du Grand Amphi de l'Université pontificale Urbanienne à Rome, auquel son nom a été donné. Benoît avait été invité, mais il n'a pas accepté cette invitation.

Dans le message que vous avez lu en son nom à l'époque, il a cependant fait des déclarations théologiques claires. «L'élimination de la vérité est mortelle pour la foi» a-t-il écrit.

Le message était une contribution impressionnante au thème «Vérité et Mission». On pouvait entendre une mouche voler, c'était si calme lors de la lecture dans l'amphi bondé. Côté contenu, c'était un classique en théologie. François, qui avait reçu le texte de Benoît au préalable, était très impressionné et l'en avait remercié.

Benoît parle-t-il parfois de sa retraite? Est-il soulagé?

Il est en paix avec lui-même et convaincu que la décision était juste et nécessaire. Ce fut une décision de conscience qui a été bien priée et soufferte, et où l'homme se tient seul devant Dieu.

Vous avez lutté lors de la retraite historique de Benoît en Février 2013. Quel regard portez-vous aujourd'hui sur cette étape?

C'est vrai que la décision a été difficile pour moi. Ce n'était pas facile à accepter personnellement. J'ai lutté pour faire face. La lutte est maintenant terminée depuis longtemps.

Vous avez juré d'être fidèle à Benoît XVI jusqu'à la mort. Cela signifie-t également que vous resterez à ses côtés, et également au Vatican?

Le jour de son élection comme pape, je lui ai promis de l'aider in vita et in morte . Bien sûr, à ce moment-là, je n'avais pas envisagé une retraite. Mais la promesse est toujours vraie et demeure valide.

Les évêques doivent être des pasteurs. Comme archevêque dans la Curie romaine, vous sentez-vous parfois comme un berger sans troupeau?

Oui, parfois. Mais je reçois de plus en plus d'invitations pour des confirmations, des messes anniversaires et autres célébrations. Initialement j'étais un peu sur la défensive et n'en acceptai que quelques-unes. Mais récemment, cela a changé. Le contact direct avec les fidèles est très important. C'est pourquoi j'accepte des charges pastorales chaque fois qe c'est possible et compatible avec mes autres obligations. C'est à la fois bon et nécessaire. Et c'est aussi le meilleur remède contre l'une des maladies de la Curie mentionnées par François: le danger de devenir un bureaucrate.

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