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Benoît XVI "pape vert"?

Voici un article déjà ancien, par le Père Pierre-Marie Castaignos, membre de la communauté des Serviteurs de Jésus et Marie, qui fait bien le point sur la question (5/1/2015)

>>> J'ai consacré récemment une série d'articles au thème "Benoît XVI et l'écologie": ICI.

>>> Cf. Ecologie: l'Eglise cède aux pressions du monde

     

J'avais cité cet article en 2008, il est encore en ligne sur le site de la communauté des Serviteurs de Jésus et Marie, mais daté d'avril 2011, ce qui me laisse supposer qu'il a été remanié depuis sa parution initiale.

J'écrivais alors:

L'idée du "pape vert" m'indispose particulièrement.
Qu'en extrayant des (très) "petites phrases" du moindre de ses discours, on instrumentalise le Saint-Père au profit d'une cause encore largement discutée - et discutable - , celle du réchauffement climatique, alors que l'on fait une impasse totale sur ses interventions quotidiennes en faveur de la vie et de la famille, est un procédé que je trouve moralement douteux, humainement inélégant, scientifiquement contestable et religieusement consternant.
Et affirmer que le consensus existe, au besoin en faisant passer ceux qui s'en écartent pour des ignorants, n'est ni plus ni moins que du terrorisme intellectuel.

Faisant une recherche sur le sujet, je suis par hasard tombée sur un article, dont le titre aurait tout pour me faire fuire: "L’écologie : une priorité pour Benoît XVI."
Pire encore, il commence par ces mots: "Habemus papam ecologistum !"
Mais très vite, il enchaîne:
"Réduire l’écologie à la quantité de CO2 émise ou au traitement des déchets, c’est voir les conséquences et non les causes".
C'est ce qui m'a incitée à poursuivre...

Après une lecture plus détaillée, je trouve que c'est une très bonne analyse de la vision "écologiste" de Benoît XVI.

Voici de larges extraits du texte du Père Pierre-Marie (version complète ici: www.serviteurs.org.. )

L’ÉCOLOGIE, UNE PRIORITÉ POUR BENOIT XVI

Les observateurs attentifs de Benoît XVI auront remarqué que le pape, en de nombreuses interventions, fait de l’écologie une des priorités de son pontificat.
Mais quelle écologie ?
Quelle analyse fait-il de la crise de l’environnement ?
Que signifie la conversion écologique à laquelle il appelle ?
Le père Pierre-Marie Castaignos, sjm, nous introduit dans la réflexion originale du pape en analysant les enjeux philosophiques, théologiques et spirituels de la défense de la nature.

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« Habemus papam ecologistum ! »
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C’est ainsi que le cardinal protodiacre aurait pu annoncer l’élection de Benoît XVI.
Sans succomber à la mode écologique, à plusieurs reprises le pape rappelle avec insistance le message de l’Eglise sur la protection de la nature.
Il donne des pistes de réflexion à partir de la parole de Dieu sur un thème peu évoqué dans les prédications dominicales et qui pourtant implique une vraie vision de l’homme. Réduire l’écologie à la quantité de CO2 émise ou au traitement des déchets, c’est voir les conséquences et non les causes.
Quand le pape aborde cette question, en bon théologien, il le fait sous un angle spirituel, moral et théologique. Au-delà des credo, sa pensée et sa vision sur l’environnement commencent à percer et aident à une réflexion de fond qui fait cruellement défaut au débat écologique.
...

Bien loin de l’opposition des Lumières qui voient dans la nature une entrave dont il faut s’affranchir, l’Eglise affirme que l’environnement est le compagnon de route de l’homme, plus encore il en est le responsable devant Dieu et devant ses frères car il peut devenir le chemin pour rencontrer Dieu. Dans le cœur de Dieu, le destin de l’homme et celui de la nature sont unis par un lien indissoluble C’est en revenant vers Dieu de tout son cœur que l’homme retrouvera une relation paisible avec son milieu. C’est ce que Jean-Paul II appelait « la conversion écologique » en disant que « l’homme n’est plus le ministre du Créateur. En despote autonome, il est en train de comprendre qu’il doit s’arrêter devant le gouffre ».
L’écologie est donc d’abord un problème moral et spirituel qui implique le retour de la créature à son Créateur dans la confiance et l’abandon. C’est pour cela que Benoît XVI, le 9 septembre (2007), dans son homélie à la cathédrale de Vienne dit avec vigueur : « A une époque où, à cause de nos interventions humaines, la Création semble exposée à de multiples dangers, il faut retrouver le sens du dimanche qui commémore la création du monde par Dieu ».

La pensée de Benoît XVI est unifiée et unifiante. Son écologie va de la défense de l’enfant à naître jusqu’au soutien de la famille, en passant par la pratique dominicale, le soutien des initiatives de défense de la nature et l’invitation à convertir le système économique mondial : « Le scandale de la faim le réclame, mais aussi les urgences environnementales et énergétiques ».

Un reproche que l’on peut faire aux Verts : une incohérence dans leur pensée. Ils protègent les oeufs des oiseaux en voie d’extinction mais sont souvent favorables à l’avortement. Ils luttent contre les nitrates et laissent le corps des femmes se polluer par les pilules abortives ou contraceptives. Ils réclament un moratoire sur les OGM et ne dénoncent pas les manipulations génétiques sur les embryons humains, l’usage abusif de la fécondation in vitro et le diagnostique préimplantatoire qui trie les êtres humains comme on trie des graines. Ils demandent le respect de la nature et de ses lois et certains sont favorables au mariage contre nature des homosexuels. Ils ne sont pas crédibles. Ils s’arrêtent à l’aspect extérieur sans toucher le cœur et l’intérieur de l’esprit humain. Ils ne voient pas, ou ne veulent pas voir, que le problème est d’abord au niveau d’un manque d’éthique personnelle dont les conséquences sur l’environnement sont parfois irrémédiables.

Crise écologique ou crise morale ?
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Lorsqu’il était préfet de la congrégation de la doctrine de la foi, le cardinal Ratzinger aimait à parler de pollution intérieure comme explication de la pollution extérieure. Comme le dit le prophète Jérémie, c’est le cœur de l’homme qui est compliqué et malade. Avec saint Paul nous constatons que « nous ne faisons pas le bien que nous voulons et que nous faisons le mal que nous ne voulons pas ». Mais aujourd’hui la crise est plus profonde.

A chacun sa vérité…
Ce relativisme issu de la philosophie des Lumières installe l’homme dans une image narcissique qui peut le conduire à l’auto-destruction. C’est ce que Benoît XVI appelle la dictature du relativisme dont la crise écologique n’est qu’un épiphénomène. Pour le pape, l’écologie invite à une conversion intérieure. Comme aux pharisiens, Jésus peut nous adresser ce reproche « C’est l’extérieur du plat que vous purifiez mais votre intérieur est plein de rapacité et de méchanceté. Insensés ! Est-ce que celui qui a fait l’extérieur n’a pas aussi fait l’intérieur ? ».

La pollution intérieure qui rejaillit sur l’environnement est faite d’amour de l’argent, d’appétit de jouissance et de bien-être et d’orgueil de l’esprit qui n’accueille pas avec humilité et confiance les limites de la nature comme une pédagogie pour devenir plus humain. Comment réduire les gaz à effet de serre sans réformer le système économique qui voue un culte à l’argent au mépris de l’homme et de l’environnement ? Comment demander une meilleure utilisation de l’eau sans prôner une maîtrise de soi ? Comment réclamer le respect des fragiles équilibres naturels sans entrer dans une démarche d’humilité envers le prochain ?

Pour le pape, la sauvegarde de l’environnement passe par une transformation intérieure et une sortie du relativisme. Tant que l’homme ne s’accueillera pas comme créature face au Créateur, notre milieu naturel sera en danger. Tant qu’il ne redécouvrira pas à l’intérieur de lui-même cette loi objective qui lui fait faire le bien et éviter le mal, la nature court un vrai péril.

Vers une écologie de communion
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La crise de l’environnement est une grande chance pour l’humanité ! Elle lui fait prendre conscience que l’individualisme issu des Lumières touche à sa fin et que la société de consommation laisse l’homme et la nature exsangues. Les défis pour la survie de la planète nous font toucher du doigt que l’humanité est une famille plus qu’une juxtaposition d’individus autonomes.

Le pape ne prône pas une austérité comme réponse à la pollution et un retour à la bougie et au cheval de trait pour rétablir l’harmonie avec la Terre. Il y aura certainement des habitudes de consommation à changer, mais la protection de la nature ne passe pas par une réduction de notre niveau de vie, auquel la planète entière aspire. C’est d’un autre côté qu’il faut se tourner pour trouver un début de solution. Alors que Jean-Paul II plaçait le troisième millénaire sous la spiritualité de communion, Benoît XVI met son pontificat dans la lumière de l’amour de Dieu. C’est dans cette perspective qu’il faut trouver des réponses. C’est en mettant l’accent sur une écologie de communion que la créativité et l’audace vont jaillir du cœur humain pour se réconcilier avec la nature. Mais communion avec qui ? Avec quoi ?

Tout d’abord une communion entre les hommes avec une promotion de la paix dans le monde. Benoît XVI le soulignait dans son message pour la paix en début d’année : « Un lien indissoluble apparaît toujours plus clairement entre la paix avec la création et la paix entre les hommes. L’une et l’autre présupposent la paix avec Dieu. »

N’importe quelle guerre au niveau régional ou local ne détruit pas seulement des vies humaines mais dégrade la terre, ravage les récoltes et la végétation, empoisonne les sols et les eaux. Alors que les armes chimiques ou bactériologiques sont interdites, en réalité la recherche continue dans les laboratoires pour fabriquer des armes capables de détruire de façon irréversible le fragile équilibre de la nature.

Si la guerre détruit l’environnement, la destruction de la nature peut, elle aussi, déclencher la guerre. C’est ce qu’a déclaré Benoît XVI lors de son voyage en Autriche : « Cette année, l’attention porte surtout sur l’eau, un bien extrêmement précieux qui deviendra malheureusement un motif de dures tensions et de conflits terribles, s’il n’est pas partagé de manière équitable et pacifique. »

Mais aussi communion avec les scientifiques et ceux qui œuvrent pour la protection du milieu naturel. En novembre 2006 Le pape Benoît XVI a apporté le soutien de l’Eglise catholique à la recherche sur des sources d’énergie respectueuses de l’environnement, lors d’une audience accordée aux membres de l’Académie Pontificale des Sciences. Il a souligné les « menaces » qui pèsent sur l’environnement et « le besoin urgent de découvrir des sources d’énergie alternatives accessibles à tous. Les scientifiques auront le soutien de l’Eglise dans leurs efforts pour y parvenir ». A cette occasion le pape a souligné qu’aucun conflit de principe n’oppose le christianisme et la science. L’Académie Pontificale des Sciences compte 80 membres dont une trentaine de prix Nobel.

La communion dans les familles est aussi une des composantes de la défense de l’environnement. La famille a vocation à révéler et transmettre l’amour. C’est là que l’enfant apprend à aimer la nature. C’est là que peut se faire l’éducation à la responsabilité écologique. La défense de la famille fondée sur le mariage indissoluble d’un homme et d’une femme fait partie de la contribution de l’Eglise pour défendre le fragile équilibre de notre écosystème naturel et familial.

Mais surtout la communion avec Dieu. Parce qu’il se découvre créature aimée du Seigneur, l’homme peut garder vivant le sens de sa fraternité avec toutes choses créées belles et bonnes par Dieu. Plus encore, l’engagement du croyant en faveur de l’écologie découle directement de sa foi en un Dieu créateur et rédempteur de l’homme et de tout ce qui existe au ciel et sur la terre. Pour nombre de nos contemporains, la beauté de la nature peut devenir un chemin spirituel afin de découvrir Celui qui est à l’origine de tout. Qui s’éloigne de Dieu s’éloigne aussi de la nature mais qui se rapproche de la nature avec un coeur d’enfant et dans l’émerveillement se rapproche aussi de Dieu parfois sans le savoir.

C’est la mission de l’Eglise et de chaque baptisé de rappeler que l’écologie est basée sur la communion. Sans la communion entre les hommes et des hommes avec Dieu, les plans les plus splendides pour sauver la planète sont un métal qui résonne et une cymbale retentissante. La crise écologique appelle à une nouvelle solidarité entre les peuples. C’est une grande chance pour notre temps : saisissons-la !

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