Page d'accueil | Pourquoi ce site

Jubilé

Quelques réflexions d'Antonio Mastino, sur la décision du pape de déclarer une année sainte de la Miséricorde. On n'est pas obligé d'être d'accord avec lui sur tout, mais le ton ironique change de l'unanimisme de la presse francophone. Traduction de Anna.

Le pape déclare un jubilé extraordinaire? Bof!

www.papalepapale.com
Vendredi 13 mars 2015
Antonio Mastino
------

Juste deux mots, en passant, puisque j'ai promis de ne plus rien écrire sur le vaticanisme, et en tout cas de m'abstenir d'exprimer des jugements sur le pape. Je pense d'ailleurs qu'il n’est pas très utile, et qu'il est parfois même préjudiciable de parler de manière critique contre un pontificat (ah bon ??). Du reste, j'ai la certitude que d’une façon générale, nous sommes parvenus à une situation telle que désormais personne ne peut plus rien faire: seul Dieu en personne ou la Sainte Vierge peuvent intervenir pour débrouiller la situation où l'Église, depuis pas mal de temps, s'est mise.

Il y a quelque temps, un cardinal bien connu et hypocondriaque, peut-être en proie à l'état anxieux permanent que provoque cette psychose, avait décrété en privé que l' IOR était dans un très mauvais état, et que sa faillite était une question de mois. Exagérait-il? Peut-être. Ce n'est toutefois pas la première fois que des situations financières pareilles se produisent, et le Saint Siège y a souvent fait face avec un Jubilé Extraordinaire. Né comme le plus sacré et pénitentiel des actes collectifs extraordinaires de l'Église, par le principe d'hétérogenèse des fins, il est devenu le plus ordinaire des phénomènes profanes, auquel on a parfois recours pour encaisser de l’argent ( ??). Et pendant qu'on y est, tirer aussi du profit des indulgences, à supposer que quelqu'un sache encore ce qu'elles sont.

Le fait est que le dernier jubilé pénitentiel ne rapporta pas beaucoup, et qu'ils avaient tout misé sur la surexposition médiatique. À ceux qui comme moi, à Rome, l'ont vécu en direct, il avait paru une sorte de grande fête foraine où tout sens des limites avait été perdu, et où la purification générale avait été la dernière des préoccupations des participants, tout au long de cette année 2000. Si bien que le cardinal Ratzinger, parcourant le programme psychédélique du Jubilé, avait levé les yeux au ciel, affirmant résigné: "Toutes des 25 ans, ça va…", mais pas plus.

Je lisais donc aujourd'hui (1) qu'au pape, pendant ces deux ans depuis son élection, il déplait d'être pape, car il n'aime pas voyager, il n'aime pas la cour, et ne peut pas aller se balader ou dans une pizzeria sans être reconnu; par bonheur, dit-il, il a le pressentiment que son pontificat ne durera pas longtemps. Cela m’a fait sourire, en pensant aux raisons pour lesquelles il avait accepté de se porter candidat en 2005; et pour lesquelles il rentra irrité en Argentine, toujours cardinal, car pendant des mois et des mois avant le conclave il avait déjà été en contact avec ses futurs grands électeurs. Par la suite, il fut finalement élu: ce ne fut certes pas le médecin qui lui conseilla d'accepter, d'autant plus que des candidats d'envergure plus grande que la sienne il y en avait eu en abondance, et volontiers ils auraient pris sa place. De quoi se plaint-il, donc?

Et en effet il a fait savoir qu'il n'a aucune intention de démissionner, contrairement à ce qu'ils disent, même à haut niveau, au Saint Siège: il partira à 80 ans. C'est ce que d'ailleurs déclarait, durant l'avant-conclave, le grand électeur et ami de Bergoglio, Hummes, : "Quatre ans de Bergoglio suffisent". Ils suffisent à quoi, ça on ne l'a pas compris.
Sardonique, je remarquais juste une incongruité: Bergoglio, avant d'être pape, est-ce qu’il y allait, manger la pizza? Les témoins de ses années très introverties et passées inaperçues de Buenos Aires affirment que le Monseigneur était tout autre que sociable, qu'il était même distant. Plus qu'autre chose, c’était par une grande timidité et un sentiment d'insuffisance: Bergoglio a toujours été seul, dramatiquement solitaire, depuis qu'il était jeune. Lorsqu'il était invité à partager un repas, ou une pizza, il arrivait, disait bonjour et filait. De quel manque de pizza parle-t-il, donc? Comme tous les solitaires et les timides.

Je voulais plutôt vous parler de toute autre chose.
Les techniciens d'une émission religieuse à l'échelle nationale m'informent qu'ils préparent un service en directe: la Pénitentielle du pape. Pas grand-chose, apparemment. Mais, parait-il, que de la Pénitentielle sortira, disent-ils, une petite bombe: l'annonce spectaculaire d'un Jubilé extraordinaire. Pour quoi faire? (2)

Ils n'ont pas su me le dire, mais s'agissant du Bergoglio que nous connaissons, tout le monde peut en deviner le prétexte. Si bien que j’ai laissé échapper que "si l'autre Jubilé ressemblait à un cirque équestre, celui-ci pourrait très bien ressembler au carnaval de Rio". Le prétexte des prétextes pourrait être le 50ème anniversaire de la conclusion du Concile. La raison véritable est le "cirque" pour détourner l’attention du synode, qui va se tenir fin 2015 justement, où le pape est parvenu à se mettre à dos même les évêques allemands ( ??) sur lesquels il s'était appuyé dans un premier temps; ayant largué Kasper et Marx, après avoir compris qu'ils voulaient aller bien au-delà des intentions de Bergoglio ( ??). Le climat festif d'un Jubilé distrairait tout le monde du fiasco de facto du Synode sur la famille, qui serait, bien entendu, un succès pour les évêques orthodoxes.

A part les prétextes, quelle autre raison pourrait-il y avoir pour un Jubilé Extraordinaire, sinon le dangereux imminent cinq-centième anniversaire du schisme provoqué par l'hérésiarque Luther…un autre allemand… avec démonstrations publiques d'irénisme envers le protestantisme, tout au moins les quatre pelés totalement sécularisés qui en restent encore en Europe?

Eh bien, peut-être que la question de l'IOR, dont je parlais au début, y est pour quelque chose: l'argent.
On attend de voir ce qui se passe, s’il se passe quelque chose.

* * *

NDT:
-----
(1) Allusion à la dernière interview papale, à une chaîne de télévision mexicaine ; cf. Sandro Magister, et en français, par exemple La Croix et La Vie

(2) L‘article a été écrit juste avant la liturgie pénitentielle au cours de laquelle le pape a annoncé la convocation d’une année Sainte de la miséricorde, qui commencera le 8 octobre 2015.

  Benoit et moi, tous droits réservés