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La théologie de la pauvreté du Pape

Un article de Maurizio Blondet, sur son site très original (et plutôt polémique) Effedieffe Mise à jour le 12 mai [(*)].

Le Pape est un très habile communicant, ce n'est un secret pour personne.
Passant au scanner certains de ses gestes et de ses propos, Maurizio Blondet fait un constat désabusé (mais très argumenté), bien résumé dans le titre de l'article ci-dessous.
Je comprends parfaitement qu’on puisse ne pas voir les choses comme lui - pour de multiples raisons, dont les deux plus évidentes sont l’ aveuglement, volontaire ou pas, et la fidélité inconditionnelle à la papauté. Mais il ne dit rien qui ne soit vérifiable.
J’ai rajouté les liens.

Très fort, Sainteté. Vous n'en ratez pas une.

www.effedieffe.com
30 avril 2015
(ma traduction)
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J'étais occupé à autre chose, quand un ami me téléphone: «L'encyclique sur le réchauffement climatique sortira à la fin du mois. Greenpeace a déjà officiellement remercié le pape François (www.greenpeace.org/italy/it/ufficiostampa/rapporti/Lettera-di-Greenpeace-a-Sua-Santita-Francesco). Greenpeace, tu saisis? Les "croissance-zéro"».
J'en suis encore à essayer de le calmer, quand voilà que les journaux-radio annoncent la dernière: «Le pape: c'est un pur scandale que les femmes soient moins bien payées que les hommes» (www.zenit.org/fr/articles/le-pape-francois-defend-le-droit-a-un-salaire-egal-pour-un-travail-egal ). Il l'a dit en exhortant les chrétiens à une meilleure «protection sociale de la dignité du mariage». Comment défendre la dignité du mariage chrétien, effectivement offensée? «Par exemple, en soutenant le droit à un salaire égal pour un travail égal, car c'est un fait que les femmes gagnent moins que les hommes». Voilà: l'égalité salariale, et le mariage chrétien retrouve sa dignité.

Bien que je ne sache pas si je dois rire ou pleurer, le cynique vieux journaliste expérimenté qui est en moi ne peut réprimer un mouvement d'admiration: très fort, le Pape! quel flair infaillible, quel sens de la nouvelle! Du «qui suis-je pour juger» aux catholiques qui «font des enfants comme des lapins», il ne rate jamais une occasion pour arracher l'approbation de l'idéologie dominante et de ses inspirateurs. A peine obtenus les applaudissements de Greenpeace, voilà la déclaration qui va le faire remercier par la Boldrini (Laura Boldrini, membre du parti Gauche, écologie et liberté - SEL - et présidente de la Chambre des députés depuis 2013, ancienne porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés)... Les féministes, Emma Bonino, que dis-je? les femen seront en faveur de la déclaration.

Et l'autre jour, vous vous rappelez? les lamentations sur les clandestins noyés, que nous devons aimer parce qu'«ils cherchaient le bonheur»: le droit au bonheur, si je ne me trompe pas, est inscrit dans la Constitution des États-Unis, même s'il ne l'est pas dans l'Evangile, qui, ayant été élaboré avant ladite Constitution a besoin d'une mise à jour pour s'aligner avec le texte sacré de Washington.
Très fort, vraiment très fort, aucun doute à ce sujet.
Il n'y a pas de dogme du politiquement correct régnant que le pape François ne reconfirme, reconfirmant dans leurs certitudes les philistins qui lisent la Repubblica (ou qui l'éditent), [pas de jour] qu'il ne lisse dans le sens du poil les bonnes consciences des puissants pharisiens. La preuve en est que le concept «Assez avec les femmes moins payées que les hommes» avait déjà été proclamé par le président Obama en 2014, aux élections de mi-terme, quand il en appelait au vote de l'électorat féminin. Mais en comparaison, Obama est un dilettante.

Parce que, après tout, comme ne pas être d'accord? Qui aura le courage monstrueux de se déclarer en faveur de la pollution, de se professer indifférent au climat et aux migrants, de gâcher la fête du buonisme en rappelant que le droit au bonheur n'existe pas? Qui sera insensible au point de s'opposer à la parité des salaires? Pas même le bureau d'études de la Confindustria (équivalent italien du MEDEF) ne niera ce droit. Tout cela démontre que ce que dit le Pape - rusé -, est le lieu commun actuellement en vigueur. C'est le politiquement correct: autrement dit le langage lénifant, faussement buoniste et anesthésiant de ceux qui ont le pouvoir d'imposer la pensée unique («Les maîtres du langage», comme les appelle l'orthodoxe Israël Shamir).
Le pape ne défie jamais les maîtres du langage, à savoir ceux qui grâce à la novlangue tiennent les masses sous contrôle, liant leurs opinions (Orwell a dit tout sur cette technique), et censurant et harcelant ceux qui ne se conforment pas; ou plutôt, ce sont les masses elles-mêmes qui, bien dressées, se lancent dans des opérations de psycho-police sur demande d'en haut. On ne doit pas dire «noirs» (mais on peut les tuer), on ne doit pas dire «inverti», mais gay, il n'y a pas de perversions, mais des styles de vie, pas de sexes mais des genres, nous ne sommes pas contre l'islam, mais seulement contre les terroristes (que nous payons et équipons), nous sommes dans l'Europe civile et démocratique, donc nous n'admettons pas les «fautes collectives», mais nous étranglons les grecs avec la dette , comme l'ont fait les assyro-babyloniens ( ?).

Qui peut nier que nous vivons dans le pluralisme et la liberté? Tout est parfait, tout est mieux que chrétien réalisé (?): le divorce rapide (www.lemonde.fr/europe/article/2015/04/25/plus-rapide-le-nouveau-divorce-a-l-italienne-constitue-une-defaite-pour-l-eglise) est salué comme tel par Mauro Magatti , que le vaticaniste de l'Espresso signale comme «signature récurrente» de l'Avvenire, mais encore plus du grand quotidien laïc de la Via Solferino - Il Corriere -, professeur titulaire de sociologie à l'Université catholique de Milan, également professeur à la Faculté de Théologie d'Italie du Nord. Mais il est avant tout intellectuel de référence de premier plan de la conférence des évêques d'Italie, représentée par son Secrétaire général Nunzio Galantino. Et que dit le catholique Magatti du divorce rapide? «L'être humain a une extraordinaire capacité d'adaptation. Il s'adaptera aussi à un modèle social dans lequel du mariage pour la vie on est passé au mariage à terme ... Plus de liberté de choix individuel, moins de contraintes sociales»

La dignité du mariage est donc sauve. Si quelque chose la menace, c'est le fait que les femmes gagnent moins que leur mari. Voilà le problème. Vous avez des doutes? Vous pensez que la cause de la parité des salaires ne fait pas partie du mandat pétrinien? Que le Christ n'a pas demandé à Pierre de lutter contre le réchauffement climatique? C'est votre faute. Comme l'a dit le Pape pendant la messe à Sainte Marthe, «Ouvrons-nous aux surprises de l'Esprit Saint», exhortant les fidèles à «ne pas faire de la vie chrétienne un musée des souvenirs»: une petite pique en passant aux «traditionalistes», qu'il accuse, attaque avec des allusions de ce genre, et écrase sans explication ni qu'ils puissent se défendre, parce que dans l'Eglise d'aujourd'hui tout est permis, sauf cela: être «fondamentalistes». C'est simplement interdit, et ceux qui s'y essaient, comme les Franciscains de l'Immaculée - sont persécutés, détruits, inspectés par des commissaires pontificaux à la recherche d'argent: où est l'argent? Le Père Mannelli cache un trésor ... «Dans notre séminaire, il n'y a absolument rien de traditionnel», se vantait un recteur. Certes oui, et ça se voit.

Mais je ne suis pas scandalisé.
La tentative papale de «repositionner sur le marché» l'Entreprise est tellement évidente que tout publicitaire ou manipulateur d'opinion, ne peut qu'en rester admiratif. Aujourd'hui que la demande de pardon du péché est tombé à zéro (l'homme d'aujourd'hui ne pèche plus) l'Eglise se repositionne comme ONG pour répondre aux nouveaux besoins psychologiques des masses. Elle a de nombreux concurrents, c'est vrai, mais la hardiesse de l'entreprise mérite le respect: la seconde venue du Christ tardant trop, et le public étant fatigué d'attendre, la hiérarchie progressiste est en train de transformer l'Eglise en agence transnationale du bien-être; n'étant plus requise comme dispensatrice du salut, elle se recycle en dispensatrice de santé, sérénité et caresses. Comme l'a dit le cardinal Maradiaga: «L'action sociale de l'Église n'est seulement philanthropie, mais caresse d'amour, la caresse de Dieu pour les pauvres». Elle n'est pas seulement philanthropie, en fait, elle n'est pas seulement Maçonnerie. Nous en sommes heureux. En outre, elle donne également la caresse de Dieu pour les pauvres: c'est cela, disons, son avantage compétitif sur l'INPS (la Sésurité Sociale), la CGIL (CGT italienne) et sur Greenpeace.

A ce propos, je vois qu'Antonio Socci est littéralement sorti de ses gonds à cause d'une autre phrase du pape, dans un message vidéo à la Caritas (www.antoniosocci.com/si-adora-dio-caro-papa-bergoglio-non-gli-uomini). François a souhaité: «Comme j'aimerais que quand un pauvre entre dans une église, les gens se mettent à genoux comme on le fait avec le Seigneur». «Sincèrement - explose Socci - je souhaiterais qu'ils s'agenouillent devant Jésus-Christ notre Sauveur, en particulier le Christ eucharistique, vu que Bergoglio ne s'agenouille pas à la consécration comme il devrait le faire, ni à l'adoration Eucharistique».
Quant à l'adoration des pauvres, Socci a vu comment le pape a traité le mari et la fille d'Asia Bibi, la persécutée, famille très pauvre, venue tout spécialement à Rome pour le rencontrer «juste un salut fugace, debout derrière les barrières» , et aucune audience privée (www.youtube.com). Et oui, le pape François a reçu en audience privée Scalfari, Maradona, le transsexuel espagnol avec sa petite amie ...

Il en déduit que «l'adoration pour les pauvres» est seulement idéologie et démagogie. Mais au contraire, c'est précisément cette parité absolue des «pauvres» avec Dieu qui est la théologie de Bergoglio. C'est une théologie implicite - il serait difficile de la dogmatiser dans une encyclique - mais il y tient. Déjà une autre fois, il a conseillé aux évêques de punir «sévèrement» les prêtres qui persistent à donner la communion dans la bouche plutôt que dans les mains, avec cette raison surprenante: «On ne peut pas, pour honorer le Corps du Christ, offenser le Corps social du Christ» [(*)].

Donc, on affirme que donner la communion dans la bouche offenserait les fidèles qui la prennent; fidèles qui sont le Corps Social du Christ, c'est-à-dire le Christ lui-même - à traiter d'égal à égal - voire plus que le Christ lui-même. Parce que si on doit offenser quelqu'un, il est préférable d'offenser le Christ eucharistique, que le Corps Social. De même, dans cette vision les «pauvres» sont le Corps du Christ; sans condition et sans reliquat, pas métaphoriquement mais vraiment. Le Pape veut que nous nous agenouillions devant eux, pour les adorer, pas devant le Tabernacle.

Comme j'espère qu'on le comprend encore, cette parité sans reliquat ne se déduit absolument pas des paroles du Christ. «Les pauvres, vous en aurez toujours avec vous, mais moi, vous ne m'aurez pas toujours» a-t-il rassuré quand une femme a versé sur ses cheveux le parfum d'un vase d'albâtre. Soyez tranquilles, vous ne manquerez pas de pauvres, mais l'honneur suprême Lui revient, à Lui, qui est Dieu. Même les pauvres et les affamés peuvent attendre, le coût des honneurs à Dieu n'est pas un gaspillage. Comme nous le savons, ce fut Judas qui s'indigna: «Pourquoi ce gaspillage? Il aurait pu être vendu à grand prix pour donner aux pauvres ». Et ce fut la réponse de Jésus, qui décida Judas à se rendre chez les Grands Prêtres: «Combien me donnerez-vous, pour que je vous le livre?». Eh oui, finissons-en avec Celui qui ne cherche pas à éliminer la pauvreté, qui aime les pauvres plus que moi, Judas le zélote! Et entretemps, faisons même un petit bénéfice.

Depuis ce moment, l'accusation faite à la Vérité de faire obstacle à la charité fut une constante de toutes les idéologies révolutionnaires qui voulaient servir le peuple. Du marxisme aux décembristes et à la théologie de la libération, le choix fut: la charité, au détriment de la vérité.

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[NDT: Ici un bref passage sur Jean XXIII et le Concile, spécialement Nostra Aetate, où Maurizio Blondet explique ce qui l'a en quelque sorte rendu "blasé", mais qui n'a pas un rapport direct avec le sujet qui nous intéresse ici]

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Alors vous voudriez que je me scandalise à cause d'un pape qui exige la parité salariale et écrit une encyclique louée par Greenpeace? Sereinement, avec amusement, j'attends la surprise de l'Esprit Saint, qu'il ne manquera pas de nous faire. En attendant, j'admire: très fort, le Pape François. Il n'en rate pas une. Toujours dans l'actualité.

Mise à jour le 12 mai

Yves Daoudal a la gentillesse de me rappeler qu'il en avait parlé ici: yvesdaoudal.hautetfort.com/archive/2014/05/23/francois-et-la-communion.. .
Il se référait à un article de Marco Tosatti remontant à mai 2014 (www.lastampa.it/2014/05/23/blogs/san-pietro-e-dintorni/enciclica-verde-esce-fra-otto-mesi..)

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