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Le jésuite sur le trône pontifical (I)

Isabelle a traduit le premier volet d'une enquête d'un théologien autrichien, Wolfram Schrems, publiée sur le site <www.katholisches.info> (22/3/2015)

Article ici: www.katholisches.info/2015/03/21/der-jesuit-auf-dem-papstthron-von-zwei-katastrophen-in-einer-person-1-teil/

Le jésuite sur le trône pontifical
Deux catastrophes en une seule personne
(première partie)

21 mars 2015
Wolfram Schrems
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Il peut arriver que s'impose à un catholique le devoir urgent de prendre la parole en toute franchise. Dans certains cas, cette parole doit aussi s'énoncer en contredisant l'autorité de l'Eglise. Il y va, pour une part, de la vérité, et, pour une autre part, du bien et du salut de tous ceux qui écoutent et sont partie prenante.
La critique ainsi adressée aux représentants de l'Eglise, et, le cas échéant, aussi à celui qui exerce le ministère de Pierre, n'est ni une fin en soi ni un motif de joie. Bien au contraire.
Certaines circonstances de ma vie, qui m'ont, durant quelques années, lié de diverses manières à la Compagnie de Jésus, m'obligent à m'exprimer, comme je le fais ici, sur le Pape François et l'ordre des jésuites – non pas au titre d'"expert" au sens technique, mais comme une personne ayant une expérience et une connaissance des choses.
Dans un temps de "confusion diabolique", pour reprendre les paroles de Soeur Lucie de Fatima, mes propos ont la double intention de rendre honneur à la vérité et de mettre en garde les hommes, de bonne et mauvaise volonté, contre les chemins de l'erreur. Etant donné les dernières déclarations scandaleuses du pape François, qui ont conduit la papauté au bord d'une apostasie ouverte, les laïcs ont le devoir de prendre la parole. Ce que le pape a dit ces derniers jours, dans l'église Ognissanti (cf. benoit-et-moi.fr/2015-I-1/actualites/anniversaire, pour comble église titulaire du cardinal Walter Kasper, ouvertement hérétique, à propos de la liturgie, est en contradiction avec la foi reçue de la tradition et les valeurs de l'expérience – et, de manière explicite, avec le "Motu proprio Summorum Pontificum" de Benoît XVI.

Une voix de protestation s'impose d'urgence.

Dans ce but nous préparons une série d'articles où seront analysées de plus près et évaluées théologiquement les décadences de la papauté et de l'ordre des jésuites, aujourd'hui réalisées en une seule personne. Non, les catholiques ne sont pas des "papalistes" (expression – pas tout à fait exempte de polémique – que j'ai apprise d'un jésuite, qui m'expliquait, au temps du pape Jean-Paul II, que les jésuites ne sont pas des "papalistes"). Le pape lui aussi, et surtout lui, doit, en matière doctrinale, se distinguer par la clarté; sinon, il ne pourra que difficilement prétendre à l'obéissance.

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Voici le plan des développements à venir :

La première partie est consacrée aux principes sous-jacents à la spiritualité ignatienne et au comportement du pape Fançois qui s'en écarte. A cet égard se pose la question plus générale de savoir si l'actuel ordre des jésuites, par-delà une continuité purement formelle, est encore en quelque manière significative "ignatien". C'est-à-dire, catholique.

La deuxième partie est une brève description de l'état où se trouve l'ordre des jésuites, avec un excursus qui éclairera en particulier le rôle négatif joué par d'influents auteurs jésuites (Teilhard de Chardin, Karl Rahner). Un autre excursus portera sur la question de savoir si et dans quelle mesure des tendances problématiques sont inscrites dans la spiritualité ignatienne elle-même.

La troisième partie est une vue d'ensemble du déclin dans l'Eglise et une interprétation, à la lumière de la crise moderniste, de Fatima et de Vatican II.

Voici la première partie.

1. La spiritualité ignatienne et le pape François.

Ramener à l'enseignement de saint Ignace lui-même les déclarations et comportements inacceptables du pape François serait un grave malentendu. Jorge Maria Bergoglio, abstraction faite de son appartenance à l'ordre des jésuites, n'est pas "el Jesuita" prototypique, comme on peut le lire dans une publication courtisane ( NdT : l'auteur se réfère à un ouvrage espagnol, traduit en allemand et en italien , de S. Rubin et F. Ambrogetti), qui entend évidemment désigner par là la réalisation exemplaire de l'idéal jésuite.

Notre argumentaire comporte quatre considérations, trois formelles et une sur le fond:

a) Humilité et obéissance

Les jésuites enseignent qu'un jésuite doit accomplir une mission selon la logique propre à celle-ci. C'est-à-dire qu'il fait ce que requiert la mission. Il s'agit là de l'humilité qui consiste à s'insérer soi-même dans un ensemble plus vaste. Il s'agit là également de "faire comme tout le monde" ( NdT : l'expression allemande est savoureuse : "ne pas se faire cuire de saucisses supplémentaires".) Finalement, il s'agit de l'efficacité de la mission. Quand un jésuite se voit confier une mission particulière, il agit sans fantaisie selon les exigences de cette mission. Cela prend une allure différente pour un pasteur d'âmes dans un un quartier pauvre, pour un professeur d'université ou pour un diplomate.

Lorsqu'un jésuite devient pape, il reprend le langage formel propre à cette charge, y compris les souliers rouges (qui symbolisent bel et bien qu'il est prêt au martyre) et des ornements liturgiques dignes. Il habite là où habite un pape. Il a en vue le bien du troupeau qui lui est confié et le conduit sur les pâturages spirituels de la doctrine et des sacrements. Il doit faire passer au second plan ses préférences personnelles pour ce qui est de la gestion de son temps, de son agenda et de ses contacts sociaux, lorsque celles-ci font obstacle à sa mission propre. Quand la mission exige de se laisser offrir quelque chose, un concert par exemple, alors on n'offense pas le donateur en se dérobant au dernier moment.

Cette maxime est en étroite relation avec la suivante :

b) Pauvreté.

Un jésuite cherche à garder modestes les dépenses matérielles. Ce dont on a besoin, on en a besoin mais on ne doit pas faire de dépenses inutiles.

La réservation et l'occupation partielle de l'hôtel du Vatican entraînant l'abandon des appartements pontificaux contredisent cette maxime de manière flagrante. L'acquisition d'une voiture d'occasion, justifiée par une "simplicité" mise en scène de manière théâtrale, en laissant au garage la voiture de service habituelle, la contredit tout autant. On doit utiliser ce qui est à portée de main. Un nouveau trône pontifical "plus simple", de nouveaux ornements liturgiques "simples" – toute cette farce coûte du temps de travail et de l'argent

Il reste assurément qu'un pape dispose d'une certaine marge de manoeuvre. Quand un religieux devient évêque, il n'est plus lié par son voeu de pauvreté. Il doit souvent gérer des biens importants. Il doit aussi, pour maintenir sa santé et assurer ses capacités d'action, financer dans une certaine mesure les conditions de vie qui y contribuent. Cela, nul ne le conteste.

Mais ce n'est justement pas de cela qu'il s'agit.

Ce dont il s'agit, c'est que le pape François fait des dépenses disproportionnées, alors que, dans le même temps, il est célébré – ou se laisse célébrer – comme incroyablement "modeste", comme le protagoniste d'une "Eglise pauvre pour les pauvres" voire comme "el Jesuita".

Cela est incompatible.

c) Clarté ignatienne.

Qui connaît, un tant soit peu, les Exercices et les Lettres du fondateur de l'ordre, est familier de leur expression prégnante, lapidaire et précise. Ce dont il s'agit apparaît toujours clairement. Le contraste est criant avec les homélies étrangement tordues de Sainte-Marthe (jusqu'il y a quelques mois des "perles", – et aussi, dès le début, des "pilules"), avec l'Exhortation apostolique "Evangelii Gaudium", les interminables interviews et surtout l'allocution finale au synode extraordinaire.

Qui peut comprendre ces textes ?

Toute comparaison de l'expression de saint Ignace avec celle du pape actuel révèle un abîme. L'héritage du saint contient d'innombrables passages qui méritent d'être cités. Par contre la question se pose de savoir ce qui, chez le pape François, est digne d'être cité, – sinon en négatif. Le "Qui suis-je pour juger ?" occupait sans conteste le premier rang des citations catastrophiques, avant d'être remplacé par le "En avant, toujours en avant" de la liturgie-spectacle dans l'église Ognissanti. Cette prolixité troublante ne convient pas à "el Jesuita".

Sans parler du fait que le discours du chrétien doit toujours être "oui, oui, non, non".

Qu'on y réfléchisse bien: si le père Bergoglio était, par exemple, devenu nonce, il aurait dû pour des raisons d'adéquation à sa fonction s'exprimer "diplomatiquement ". Or maintenant il est le pasteur suprême de la chrétienté. Il doit donc être compris de tous, y compris des simples fidèles.

d) Orientation de fond

Ignace de Loyola était catholique. Ses sentiments étaient ecclésiaux, papistes et mariaux. Les "règles pour sentir avec l'Eglise" contenues dans les Exercices en sont un témoignage éloquent. Il recommandait l'enseignement de saint Thomas d'Aquin pour ses collèges et appréciait l'Imitation de Jésus Christ de Thomas a Kempis.

Les Exercices définissent ainsi la mission des jésuites : gagner les autres hommes au Christ et aussi soumettre à la royauté du Christ la sphère publique, politique et culturelle (par ex. Exercices, §93 : Voir comment ce roi s'adresse à tous les siens et dit :Ma volonté est de conquérir tout le pays des infidèles [conquistar]").

L'iconographie représente le plus souvent Ignace en ornements liturgiques car, bien qu'ordonné prêtre assez tard, il était profondément marqué par la sainte messe. Dans son Journal spirituel il note une profonde motion intérieure lors de la célébration ("les larmes"). Il est vrai que l'ordre des jésuites, du fait de son orientation missionnaire et "active", peut consacrer moins de temps à la liturgie qu'un ordre monastique contemplatif. Cela ne signifie évidemment pas que les jésuites doivent passer outre aux rubriques ou célébrer avec négligence.

En un temps d'échec complet de la réforme liturgique, ce ne sont pas seulement les jésuites qui ont été privés d'un important fondement de la foi.

Dans tous les cas, la liturgie pontificale actuelle est un scandale. Comme aussi sa prédication.

Dans les contributions suivantes on considérera plus en détail les orientations théologiques des jésuites depuis le concile et l'état actuel de l'ordre.

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