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Qui a peur du cardinal Burke ? (II)

"Je ne suis pas ultra-conservateur, je suis catholique. Le fait de me représenter ainsi n'est autre qu'une tentative de m'intimider dans mon juste devoir de proclamer la vérité": l'interview du cardinal Burke par Andrea Zambrano, à l'occasion de sa visite à Correggio dans le nord de l'Italie. Traduction de Anna.

>>> Qui a peur du cardinal Burke ? (I)

Le texte de l'illustration est un jeu de mots sur le prénom du cardinal Raymond Leo Burke, et le saint Pape Léon 1er le grand (Pape de 440 à 461)

"Je ne suis pas ultra-conservateur. Je suis catholique. Ceux qui disent cela veulent m'intimider".

Le cardinal Raymond Leo Burke termine sa lectio magistralis dans l'église San Pietro de Correggio, au terme de sa brève tournée en Italie du nord pour parler de famille et de communion aux divorcés remariés, un des thèmes chauds du Synode des évêques qui va commencer en octobre. Et il termine avec cette répartie adressée à ceux qui, dans l'Église et dans les médias, le représentent comme un anti Bergoglio.

Burke, qui était jusqu'à il y a quelques mois le préfet de la Signature Apostolique, était l'hôte du Centre culturel Frassati (cf. www.centrofrassati.it; du nom de Pier Giorgio Frassati, 1901-1925, béatifié par JP II en 1990), et il est arrivé hier dans l'après-midi, en provenance de Piacenza, une des villes qu'il a visitées avec Biella et Vérone, afin de présenter son livre "Demeurer dans la vérité di Christ". L'œuvre a été écrite avec d'autres éminents cardinaux, dont Carlo Caffarra et le préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi Gerhard Ludwig Müller, dans le but de contester les thèses du cardinal Walter Kasper, lequel avait lancé le thème d'un changement de pratique dans le milieu catholique sur des sujets comme la communion aux divorcés remariés, et avait mené le débat pendant le Synode sur la famille d'octobre. Dans cette interview à Prima Pagina, qui reproduit fidèlement les propos qu'il a prononcés dimanche dernier à Correggio, Burke clarifie les enjeux, répond à Kasper et récuse les soupçons de ceux qui le représentent comme un anti-Pape.
(Andrea Zambrano)

Eminence, pourquoi un livre sur la famille?

Parce que, comme l'a dit le Concile Vatican II, elle est une Ecclesia domestique, mais aujourd'hui plus que jamais sous attaque de la part d'une culture sécularisée, qui a abandonné la foi et donc le respect pour la réalité objective du mariage comme Dieu l'a créé depuis le début et comme le Christ l'a racheté par la sa passion,sa mort et sa résurrection.

Quels sont les maux qui affectent la famille aujourd'hui?

Le phénomène du divorce libre, motivé par un caprice personnel et que le Concile a défini comme une plaie; mais également la cohabitation généralisée sans avoir célébré le mariage devant Dieu; la promiscuité sexuelle qui ne respecte pas l'acte conjugal ainsi que la tentative d'assimiler les relations sexuelles entre personnes du même sexe à l'amour conjugal dans le mariage: ce sont tous de signaux préoccupants qui font perdre le sens de la nature humaine.

Qu'est-il arrivé au Synode qui a polarisé en deux les évêques et les cardinaux présents?

Lors de l'assemblée synodale extraordinaire, le temps des discussions a été précédé par un long discours du cardinal Kasper aux cardinaux en Consistoire, dans lequel il mettait en question la pratique constante de l'Église en ce qui concerne les personnes qui divorcent et tentent ensuite un nouveau mariage sans le jugement de l'Église sur l'éventuelle nullité.
C'est une situation que l'Église a définie comme irrégulière. Kasper a proposé l'abandon de la pratique ecclésiale de toujours fondée sur les paroles du Seigneur dans l'Évangile, prétendant ne pas toucher à la doctrine sur l'indissolubilité du mariage, laquelle a sa source incontestable dans les paroles de Jésus et prétendant aussi changer la discipline de l'Église afin de montrer plus de miséricorde envers les personnes en situation irrégulière. Mais tout cela provoquerait aussi un changement dans la doctrine.

Pourquoi?

Pour un principe logique: une chose ne peut pas en même temps être et ne pas. Autrement dit, ou bien les personnes en union irrégulière sont liées à une autre personne et vivent donc dans l'adultère ou bien elles ne sont pas liées, et donc le mariage n'est pas indissoluble (?: o le persone che vivono un unione irregolare sono legate ad un’altra persona e perciò stanno vivendo in adulterio o non sono legate e perciò il matrimonio non è indissolubile. ).

Ce débat a pris des accents révolutionnaires.

L'Église est une réalité organique, il n'y a pas de place pour une révolution sans un dommage très grave à l'organisme.

A cette thèse cinq cardinaux ont répondu, parmi eux vous

Le livre n'est pas polémique même s'il démontre que la thèse de Kasper repose sur une interprétation faussée du Concile de Nicée et fait un usage inexact des Pères de l'Église. Le livre essaye simplement d'illustrer la beauté de la vérité du mariage.

N'avez-vous pas toutefois le sentiment que le monde va vers une toute autre direction?

En réalité, il faut avoir une juste compréhension du rapport entre foi et culture. Quelques-uns affirment en effet que l'Église ne peut plus parler de la loi naturelle, des actes intrinsèquement mauvais, d'unions irrégulières parce que ce langage la rendrait hostile à la culture dominante. De cette manière l'Église reste privée d’une identité d'elle-même et de ce qu'elle a à dire à la culture.

Et pourtant le Pape François a souvent parlé des périphéries…

L'Église doit aller aux périphéries de la culture actuelle, mais être toujours ferme dans son identité, manifestant de la compassion, mais elle a le devoir d'appeler les choses par leur nom pour ne pas contribuer à accroître la confusion. Ce serait un manque grave de charité. Jésus est plein de compréhension pour la Samaritaine au puits de Jacob, mais en même temps il fait attention à lui indiquer la nécessité de sortir d'une vie de péché.

On ne peut pas nier que ces unions provoquent de la souffrance…

Bien sûr, mais on risque de tomber dans le sentimentalisme, qui n'est pas compatissant, mais nocif pour la personne. Le sentimentalisme bloque la rencontre avec Jésus et voit la vérité du Christ comme portant atteinte à la personne. Nous concentrant ainsi sur la situation douloureuse de l'individu nous ne voyons pas la réalité dans sa pureté.

Que répondez-vous à ceux qui disent que les déclarations de nullité devraient être modifiées et rendues plus accessibles?

Kasper a dit qu'elles ne sont pas de droit divin, et toutefois un processus apte à discerner la vérité du mariage accusé de nullité est absolument requis par la loi divine.

Et pourtant le Pape, dans la plénitude de son pouvoir pourrait dissoudre n'importe quel mariage…

Ceux qui l'affirment ne font pas de distinction entre plénitude du pouvoir et pouvoir absolu. La première est au service de la doctrine. Même le Saint Père ne peut pas prendre des mesures contre la vérité du Christ en faisant appel au pouvoir absolu, et donc arbitraire.

Que signifie alors montrer dans toute sa richesse la vérité et la beauté du mariage?

L'Église et le Synode doivent accorder une attention spéciale à la sainteté du mariage, à la fidélité, à l'indissolubilité et à la procréativité de l'union. La vie familiale chrétienne est aujourd'hui un signe de contradiction.

De quoi devrait s'occuper le Synode, alors?

Il doit être une aide aux familles chrétiennes pour être une église domestique et doit donner de la force aux couples catholiques pour leur témoignage de la vérité du Christ dont notre culture a besoin.

Qu'est-ce que vous ne partagez donc pas, dans cette pensée qui s'est insinuée aussi dans l'Église?

Le fait d'obscurcir la vérité de l'indissolubilité du mariage, d'accepter la violation de l'union conjugale au nom de la compréhension pastorale. Le fait aussi de nier que les époux reçoivent la grâce particulière de vivre héroïquement un amour fidèle: en tout cela notre témoignage des époux doit être limpide et courageux.

Ce sera dur: le monde semble aller dans l'autre direction.

La seule chose que nous savons est que le dernier chapitre est déjà écrit, la victoire finale du Christ…

Le plus dur est d'y arriver…

…Nous devons être prêts à souffrir, comme nos confrères qui ont souffert au cours des siècles, afin d'honorer et de promouvoir le saint mariage. Prenons comme nos modèles Saint Jean Baptiste, Saint John Fisher et Saint Thomas More. Face à la confusion que Satan répand, nous devons suivre leur exemple.

Est-ce à cause de ces propos que vous êtes accusé d'être un ultra-conservateur?

Je ne suis pas un ultra-conservateur, je suis un catholique. Le fait de me représenter ainsi n'est autre qu'une tentative de m'intimider dans mon juste devoir de proclamer la vérité.

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