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Synode: Attention à la confusion parmi les fidèles

Le cardinal Antonell, président émérite du Conseil Pontifical pour la Famille, entre à son tour dans l'arène, avec un essai qui vient d'être publié. Recension de Giuseppe Rusconi

>>> Image ci-contre: www.familiam.org/pcpf/allegati/10956/Copertina_Antonelli_Crisi_Matrimonio.pdf

Le cardinal Antonelli, entre autre président émérite du Conseil Pontifical pour la famille (CPF), vient de publier, en vue du Synode, un court essai, publié en italien sous le titre "Crisi del Matrimonio & Eucarastia".
Le texte intégral peut être consulté, en italien, anglais, et espagnol, sur le site de la CPF.
Il faudrait évidemment la traduire en français.
En attendant, Giuseppe Rusconi en propose une recension sur son site <Rosso Porpora>, agrémentée de quelques citations.

Le cardinal est extrêmement modéré (une équanimité propre à désarmer les "enragés"...), ce qui ne l'empêche pas d'être aussi extrêmement ferme: son livre est un indice de plus que la haute hiérarchie de l'Eglise n'est de loin pas entièrement acquise aux positions de Kasper... et que le pape François suscite des doutes jusque chez les prélats les moins soupçonnables de révolte!
Il est aussi courageux: il est rare qu'un écclésiastique de ce niveau ose citer de nos jours la fameuse Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens (ch6, 9-10)!
Je relève également cette phrase riche de sous-entendus:

Il ne faut pas sous-estimer le risque de compromettre la crédibilité du Magistère du Pape, qui encore récemment avec saint Jean-Paul II et son successeur Benoît XVI a exclu à plusieurs reprises et fermement la possibilité d'admettre aux sacrements les remariés cohabitants. Avec celle du pape, est également affaiblie l'autorité de l'ensemble de l'épiscopat catholique, qui pendant des siècles a partagé cette position.

François n'est pas cité, mais c'est manifestement à lui qu'elle s'adresse...

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Sur le moment, le nom du cardinal ne m'a rien évoqué. Puis en voyant sa photo, je me suis souvenue de deux images où éclataient littéralement sa gentillesse et son humanité : à Milan, le 2 juin 2012, lors de la Rencontre des familles, il était aux côtés de Benoît XVI lorque l'adorable Cat Tien s'est adressée au Pape (benoit-et-moi.fr/2012(II))
Et le 28 février 2013, il était également présent au moment où Benoît XVI quitttait le palais Apostolique pour toujours, et c'est lui qui, à la sortie de l'ascenseur, avait spontanément pressé la main de Mgr Gänswein en larmes, en un geste de réconfort (benoit-et-moi.fr/2014-I/benoit/le-jour-de-ladieu).

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Sandro Magister consacre également un article à l'essai du cardinal Antonelli: chiesa.espresso.repubblica.it/articolo/1351065?fr=y

Le cardinal Antonelli: Attention à la confusion parmi les fidèles

Giuseppe Rusconi
www.rossoporpora.org
11 Juin, 2015
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Un bref essai du Président émérite du Conseil pontifical pour la famille sur l'admission des divorcés remariés à l'eucharistie. Clarté de l'exposition, netteté des concepts sur un des thèmes principaux du débat synode. Plus d'accueil, d'accord, mais de nombreuses contre-indications concernant l'accès aux sacrements sans une pénitence qui s'incarne dans un changement de vie. Le danger de banaliser l'Eucharistie et d'affaiblir gravement l'indissolubilité du mariage.

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«Si le mariage chrétien peut être comparé à une très haute montagne qui place le couple dans la proximité immédiate de Dieu, nous devons reconnaître que son ascension nécessite beaucoup de temps et d'efforts. Mais est-ce une raison pour supprimer ou abaisser ce sommet?»; c'est une réflexion que saint Jean-Paul II a offerte aux familles africaines réunis à Kinshasa le 3 mai 1980. Une «image suggestive» que le cardinal Ennio Antonelli reprend dans le court essai «Crise du Mariage et Eucharistie», publiée ces jours-ci: «Le pape recommandait habituellement aux pasteurs de l'Eglise de ne pas abaisser la montagne, mais d'aider les croyants à la gravir à leur rythme. Pour leur part, les fidèles, ne doivent pas renoncer à aller jusqu'au sommet; ils doivent chercher sincèrement le bien et la volonté de Dieu».

L'image évoquée résume déjà le message que le cardinal ombrien veut proposer non seulement aux Pères synodaux, mais au monde catholique tout entier: dans une société où la sécularisation «sape l'appartenance de masse à l'Église», il serait trompeur de poursuivre «l'appartenance numérique, à travers le désengagement dans la formation et l'ouverture sans discrimination, provoquant un aplatissement généralisé vers le bas.»

Ennio Antonelli, 79 ans, consacré évêque en 1982 (d'abord à Gubbio, puis à Pérouse), a été pasteur de Florence pendant sept ans à partir de 2001; créé cardinal par le pape Wojtyla en 2003, il a été chargé par Benoît XVI de présider le Conseil Pontifical pour la Famille de 2008 à 2012, jusqu'à sa démission pour raison d'âge. Il a été le secrétaire général de la CEI, de 1995 à 2001. Sa proposition d'aujourd'hui est écrite - comme l'observe dans la préface, le cardinal Elio Sgreccia - «dans un esprit d'humilité et de parresia (!!) et dans un style simple et transparent»: donc aucun verbiage, aucune fumisterie, aucune contorsion dans le bref essai, mais une réflexion sur le mariage chrétien qui, fruit aussi de l'épaisseur culturelle de l'auteur, se déroule sans fioritures et sans possibles équivoques. En ces temps, ce n'est pas rien. Tout le monde pourra ensuite décider d'accepter tout ou partie, ou de ne pas accueillir du tout les suggestions de l'auteur.

Le texte est divisé en neuf chapitres, chacun axé sur un argument précis, comme «contribution de réflexion personnelle» en vue du Synode Octobre: «la possibilité d'admettre les divorcés remariés ou les "cohabitants" à la communion eucharistiques».
Après l'introduction méthodologique Ennio Antonelli rappelle ce que disent aujourd'hui la doctrine et la discipline de l'Église catholique sur le sujet, un «non» pour motifs théologiques et pastoraux; puis il aborde la question de «la perfectibilité de la pratique actuelle» («on pourrait confier avec une plus grande largesse aux divorcés remariés certaines tâches ecclésiales jusque-là interdites, au moins lorsque des exigences impératives d'exemplarité ne rendent cela impossible»); Il évoque à nouveau dans le chapitre quatre les «propositions innovantes».

DANS LE CHAPITRE CINQ, SIX OBJECTIONS CONTRE LA COMMUNION AUX "COHABITANTS" IRRÉGULIERS
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Le chapitre suivant est intitulé «Objections contre l'admission des cohabitants (*) irréguliers à l'Eucharistie». Le cardinal Antonelli rapporte dans ce qui est le chapitre central de ce bref essai les raisons qui - y compris selon les "pasteurs autorisés et les experts qualifiés" - font obstacle à l'admission à la Communion des cohabitants irréguliers. Voyons-les de plus près.

La première est à citer en entier: «Il ne faut pas sous-estimer le risque de compromettre la crédibilité du Magistère du Pape, qui encore récemment avec saint Jean-Paul II et son successeur Benoît XVI a exclu à plusieurs reprises et fermement la possibilité d'admettre aux sacrements les remariés cohabitants. Avec celle du pape, est également affaiblie l'autorité de l'ensemble de l'épiscopat catholique, qui pendant des siècles a partagé cette position».

Deuxième raison : «L'accueil de l'Eglise aux divorcés remariés, et plus généralement aux partenaires irréguliers ne signifie pas nécessairement accueil eucharistique». Du reste, «dans le contexte culturel actuel de relativisme, il y a le risque de banaliser l'Eucharistie et de la réduire à un rite de socialisation. Au point qu'«il est arrivé que des personnes même pas baptisées se soient approchées de la Table, pensant faire un geste de courtoisie, ou que des non-croyants aient revendiqué le droit de communier dans les mariages et les funérailles, simplement comme signe de solidarité avec leurs amis».

Troisième raison : «On voudrait ensuite concéder l'Eucharistie aux divorcés remariés affirmant l'indissolubilité du premier mariage et ne reconnaissant pas la seconde union comme un vrai mariage (pour empêcher la bigamie)». Position «dangereuse», note l'auteur, parce que «conduisant logiquement à admettre l'exercice légitime de la sexualité génitale hors du mariage, aussi parce que les convivants sont beaucoup plus nombreux que les divorcés remariés».

Quatrième raison : s'il est vrai que «même les unions illégitime contiennent des valeurs humaines authentiques («par exemple l'affection, l'aide réciproque, un engagement partagé pour les enfants»), il est toutefois nécessaire d'«éviter de présenter de telles unions en elles-mêmes comme valeurs imparfaites, alors qu'il s'agit de désordres graves».
Ici, et ce n'est pas par hasard, le cardinal Antonelli cite un passage célèbre de la Première Lettre de saint Paul aux Corinthiens: «Ne vous y trompez pas: ni les impudiques, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les dépravés, ni les sodomites, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni lesescrocs n'hériteront du royaume de Dieu».
L'auteur met en évidence que l'Eglise, qui pourtant «s'abstient de juger les consciences, que Dieu seul voit... ne doit pas cesser d'enseigner la vérité objective du bien et du mal».

Cinquième raison : «L'admission des divorcés remariés et des cohabitants à la Table eucharistique implique une séparation entre la miséricorde et la conversion, qui ne semble pas en accord avec l'Evangile». En fait, «ceci serait le seul cas de miséricorde sans conversion».
Certes Dieu «accorde toujours le pardon, mais seuls le reçoivent ceux qui sont humbles, se reconnaissent pécheurs et s'engagent à changer leur vie». Aujourd'hui, au contraire, «le climat de relativisme et de subjectivisme éthico-religieux (...) favorise l'auto-justification, en particulier dans le domaine affectif et sexuel» parce que «le bien est ce que l'on ressent comme gratifiant et répondant à ses désirs immédiats». Bien évidemment, «il est facile d'attibuer l'échec à l'autre conjoint et de proclamer son innocence». Mais «on ne doit pas taire le fait que, si la responsabilité de l'échec peut parfois être le fait d'un seul, au moins la responsabilité de la nouvelle union (illégitime) revient aux deux cohabitants et c'est celle-là qui, tant qu'elle perdure, empêche l'accès à l'Eucharistie». En résumé: «La tendance à considérer positivement la seconde union et à circonscrire le péché à la seule séparation précédente, n'a aucun fondement théologique. Il ne suffit pas de faire pénitence seulement pour cette dernière. Il faut changer de vie».

Sixième et dernière raison : «Habituellement, ceux qui sont favorables à la communion eucharistique des divorcés remariés et des cohabitants affirment qu'on ne remet pas en cause ainsi l'indissolubilité du mariage». Et pourtant, «au-delà de leurs intentions» et «compte tenu de l'incompatibilité doctrinale entre l'admission de ces personnes à l'Eucharistie et l'indissolubilité du mariage, on finira par nier, dans la pratique concrèt, ce qu'on continuera à affirmer théoriquement en ligne de principe».

CE QUI EST MAL NE PEUT PAS DEVENIR LE BIEN ACTUELLEMENT POSSIBLE
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Dans le sixième chapitre, le cardinal Antonelli rappelle que pour l'Église, il y a une distinction entre «la vérité objective du bien moral et la responsabilité subjective des personnes», c'est-à-dire entre la loi et la conscience. L'Eglise «reconnaît que, dans la responsabilité personnelle, il existe une loi de la gradualité, alors que dans la vérité du bien et du mal, il n'exite pas une gradualité de la loi». Ou encore: «L'obligation de faire le bien n'est pas graduelle, mais la capacité à le faire l'est». Ici, l'auteur souligne que «les unions illégitimes sont des faits publiques et manifestes» et que l'Eglise «ne peut pas se retrancher dans le silence et la tolérance», car «elle est obligée d'intervenir pour désapprouver ouvertement ces situations objectives de péché». Si l'Eglise «les acceptait comme si elles étaient le bien possible en cet instant» pour les personnes impliquées, «elle dévierait de la loi de gradualité à la gradualité de la loi, condamnée par saint Jean-Paul II». En somme: «Ce qui est le mal ne peut devenir le bien actuellement possible».

Dans le chapitre suivant, le septième, le cardinal ombtrien retrace l'histoire de l'indissolubilité du mariage sacramentel, des Evangiles aux conciles œcuméniques et aux déclarations plus récentes, en particulier du pape Jean-Paul II dans son discours du 21 Janvier 2000, au Tribunal de la Rote romaine. Il n'y a qu'une conclusion: «L'indissolubilité absolue du mariage sacramentel conclu et consommé, même si elle n'a jamais été proclamée en une définition dogmatique formelle, est cependant enseignée par le Magistère ordinaire, lui aussi infaillible, elle appartient à la foi de l'Eglise et donc les catholiques ne peuvent pas la remettre en question».

Dans le huitième chapitre, le cardinal Antonelli note que dans la perspective du Concile Vatican II (Gaudium et Spes, §48) «le mariage ne se réduit pas à un contrat légal; mais il ne se réduit pas non plus à une syntonie affective, spontanée et sans liens». Il est au contraire «clairement défini comme une forme de vie commune façonnée par l'amour conjugal, qui par sa nature est ordonnée à la procréation et à l'éducation des enfants et implique donc l'intimité sexuelle, le don total réciproque, fidèle et indissoluble». Ce sont précisément «l'ouverture aux enfants et l'intimité sexuelle qui caractérisent l'amour conjugal par rapport à tout autre amour».
Enfin nous arrivons au chapitre final, dont nous avons avons extrait des citations en introduction à cette recension d'un texte clair et bien argumenté, qui mérite beaucoup de lecteurs, même si tous partageront pas la thèse de l'auteur.
L'essai apparaît dans la traduction en espagnol et en anglais sur le site du Conseil Pontifical pour la Famille.

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(*) Conviventi . Aujourd'hui, on n'ose plus utiliser le terme "concubin", connoté péjorativement: il n'est pas politiquemnt correct!

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