Le cardinal Antonelli persiste et signe

Il complète l'essai qu'il a rédigé en vue du Synode, pour contrer les thèses des libéraux. Article de Giuseppe Rusconi, qui évoque aussi une déception des "Nous sommes Eglise" version italienne, autour de "l'accueil des gays"

>>> Le premier volet est ici:
benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/synode-attention-a-la-confusion-parmi-les-fideles

 

Dans un article du 13 juin dernier, Giuseppe Rusconi recensait élogieusement et de façon détaillée un essai du cardinal Antonelli, Président émérite du Conseil pontifical pour la famille (CPF), publié sous la forme d'un livre intitulé "Crisi del Matrimonio & Eucaristia", sur l'admission des divorcés remariés à l'eucharistie (le texte complet en anglais, italien et espagnol est disponible sur le site du CPF).
L'article avaitété traduit ici: benoit-et-moi.fr/2015-I/actualite/synode-attention-a-la-confusion-parmi-les-fideles

Dans son dernier billet, Giuseppe Rusconi revient sur cet essai qui a été complété par une nouvelle réflexion.

Synode/le card. Antonelli insiste
Lumières et ombres pour "Nous Sommes Église"

www.rossoporpora.org
Traduction par Anna
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Nouvelle intervention du card. Ennio Antonelli au sujet de l'impossibilité pour l'Église de reconnaître la légitimité d'une deuxième union conjugale et d'admettre donc à la Communion les divorcés remariés non convertis concrètement.
Entre-temps, pour "Noi siamo Chiesa" (Nous sommes Église) l'Instrumentum laboris présente lumières et ombres: sur l'approche aux couples homosexuels "Ça ne va pas du tout".

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Un essai bref et intense signé par le Cardinal Ennio Antonelli a été publié début juin sous le titre “Crisi del Matrimonio & Eucaristia” (Crise du Mariage et Eucharistie): le président émérite du Conseil Pontifical pour la Famille y offre sa contribution à la réflexion sur un des thèmes synodaux les plus épineux, celui de l'admission à la Communion pour les divorcés remariés. Nous en avons parlé en détail le 11 juin dans cette même rubrique (cf. traduction).
Le cardinal ombrien revient maintenant sur ce sujet, intégrant à l'essai une réflexion supplémentaire de trois pages, elle aussi publiée en italien, espagnol, français et anglais sur le site du dicastère vatican présidé aujourd'hui par l'archevêque Vincenzo Paglia.

LA NOUVELE UNION CONJUGALE EST INCOMPATIBLE AVEC LA COMMUNION EUCHARISTIQUE
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Le prélat ombrien, qui a 79 ans, répète que "le divorce est contraire à la volonté de Dieu et la seconde union, qualifiée explicitement par Jésus d'adultère l'est encore davantage". En effet, "si l'interruption de la cohabitation peut devenir parfois un mal mineur et se rendre même nécessaire, il n'est toutefois jamais licite de procéder à une autre union", car "c'est avec la deuxième union qu'on refuse irrévocablement le don de Dieu et qu'on contredit complètement l'indissolubilité du mariage". En conséquence "la nouvelle union, pendant tout le temps de sa durée, est incompatible avec la communion eucharistique où s'exprime et se réalise l'amour sponsal du Christ pour l'Église".

EN QUOI CONSISTE LA CONVERSION D'UN DIVORCÉ REMARIÉ?
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Il est alors évident que ce n'est qu'"avec un engagement sincère de conversion" qu'on a le pardon et qu'"on acquiert la disposition nécessaire pour accéder au repas eucharistique".
En quoi consiste donc la "conversion" demandée?
Le Cardinal Antonelli explique: "Il faut se reconnaître pécheurs, se repentir du précédent échec conjugal, réparant les éventuels dégâts provoqués, renoncer à l'union adultère successive, changeant réellement de vie".
Objection: il peut parfois être difficile de renoncer à la deuxième union… Réponse: "Selon l'enseignement de Jean-Paul II, il est souhaitable que la conversion conduise les divorcés remariés à interrompre la vie commune; au cas où cela ne serait pas possible pour des motifs graves, il peut être suffisant qu'ils s'abstiennent de relation sexuelle, celle-ci étant propre et exclusive du mariage authentique". En fait, "avec la pratique de l'abstinence, l'union adultère cesse et la familiarité entre les deux se réduit à une cohabitation fondée sur l'amitié et l'aide réciproque". Il s'ensuit que les deux cohabitants "sont intérieurement disposés à recevoir la communion eucharistique". Il reste toutefois un obstacle non négligeable à surmonter: "Leur situation objective présente encore une apparence de conjugalité". C'est pourquoi "l'Église, qui est attentive à ne pas compromettre la signification objective des sacrements du Mariage et de l'Eucharistie, les admet au repas eucharistique à la condition qu'il n'y ait pas danger de scandale pour les autres fidèles". L'admission à l'Eucharistie est "un fait visible et communautaire, et pas seulement intérieur et individuel". Il doit donc être préservé de l'ambiguité et du contre-témoignage objectif". Raison pour laquelle "il doit d'habitude se produire là où l'on n'est pas connu, car il ne peut pas être concédé au détriment des autres".

Le cas des divorcés qui n'entendent pas pratiquer l'abstinence est différent. Le cardinal Antonelli remarque ici: "Si l'Église accordait la communion eucharistique aux divorcés remariés sans exiger l'abstinence, elle reconnaîtrait la deuxième union comme moralement licite et nierait implicitement l'indissolubilité du premier mariage". Car "la pratique pastorale (bien que soutenue par des motivations importantes, comme par exemple les devoirs envers les enfants nés de la deuxième union) affirmerait ce que nie la doctrine". Dans ce cas on aurait une situation paradoxale: "L'Église ajouterait son contre-témoignage à celui de quelqu'un qui cohabite maritalement avec une personne qui n'est pas son conjoint".

Cela ne signifie pas que l'Église n'accueille pas dans la communauté chrétienne les divorcés non abstinents, avec "amitié fraternelle" et "respect envers les personnes et les consciences". L'archevêque émérite de Florence conclut: "Parmi les divorcés remariés, qui cohabitent maritalement, il y a ceux qui sont en toute bonne foi persuadés d'être en règle devant Dieu. Dieu seul voit leur cœur. Les pasteurs éviteront de les confirmer dans leur erreur, mais respecteront leur conscience. Ils ne leur donneront pas la communion eucharistique (…) mais les inviteront à participer assidument à la Messe et à la vie de l'Église, à faire la communion spirituelle, qui est un rapport subjectif, intérieur et individuel avec le Seigneur et non pas un rapport objectif, corporel, communautaire et directement ecclésial."

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INSTRUMENTUM LABORIS: LUMIÈRES ET OMBRES POUR "NOUS SOMMES ÉGLISE"

Sous la signature de son coordinateur national Vittorio Bellavite, "Noi siamo Chiesa" (branche italienne de Wir sind Kirche, mouvement de base né en Autriche dans les années 90 et qui a depuis essaimé dans une quarantaine de Pays) a elle aussi pris position sur les contenus de l'Instrumentum laboris en vue du prochain Synode d'octobre. Une réflexion mélangée en est sortie, dans laquelle les jugements positifs s'accompagnent sur certains point d'une forte déception. Comme dans le cas par exemple du sujet épineux de l'approche ecclésiale aux couples homosexuels.

"Ça ne va pas du tout"("proprio non ci siamo": expression familière, typique de Rome et qui fait sourire dans le nord de l'Italie, on sent que Rusconi s'amuse à la mettre ainsi en exergue, pour dire que la situation n'est pas du tout celle à laquelle l'on s'attendait) lit-on dans la contribution: dans l'Instrumentum Laboris "il n'y a que deux lignes et demi où l'on ressasse la même soupe réchauffée selon laquelle toute personne, indépendamment de sa propre tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec sensibilité et délicatesse, autant dans l'Église que dans la société. Ces choses, le Catéchisme de 1992 les disait déjà". En fait, pour "Nous sommes Église", sur ce point "tout le débat d'avant, pendant et après le Synode d'octobre 2014 est ignoré; et pourtant nous savons que de la base catholique de nombreuses sollicitations sont parvenues à Rome d'un caractère tout à fait différent de ce silence commode et embarrassé". On se souvient avec nostalgie des "ouvertures" dans la Relation intermédiaire du Synode 2014 (dénaturée par la suite par la majorité des pères synodaux), "un texte qui signifiait une réelle ouverture à la valeur et au sens des couples gay". Dans l'actuel Instrumentum Laboris, par contre, rien de tout cela. À ce propos, nous ne pouvons pas ne pas rappeler les titres mensongers (du genre: "Le Synode ouvre aux couples gay") de nombreux médias après la conférence de presse de présentation (l'ANSA en tête, mais dans la liste il y a aussi "Avvenire").

"Noi siamo Chiesa" a par contre beaucoup apprécié, sur le thème des divorcés remariés, "l'ouverture à la possibilité, pour eux, de participer au sein de la communauté chrétienne à des présences liturgico-pastorales et à des activités de type éducatif et caritatif".
On lit dans la réflexion: "Il semble s'agir d'une réelle avancée, ainsi que de l'élimination de beaucoup de souffrances et d'exclusion. Il suffit de penser à tous ceux qui se sont vus refuser la possibilité d'être parrains ou marraine ou bien d'enseigner le catéchisme ou de participer aux structures paroissiales." Conclusion: "Si cette position était admise et se généralisait, on ne comprendrait vraiment plus pourquoi ces divorcés remariés, présents de cette façon à plein titre dans la paroisse, devraient encore avoir des problèmes pour s'approcher de l'Eucharistie sans susciter de scandale".

Pourquoi? L'explication (qui vaut involontairement aussi pour "Nous sommes Église"), c'est le cardinal Antonelli qui l'a donnée dans la première partie de ce même article.