Le Pape qui divise "son" peuple

A la veille du Synode une revue des "amis" et des "ennemis" de François, vus à travers deux articles, respectivement en italien (Il Giornale) et allemand (www.katholisches.info), le second reprenant et complétant le premier. Traduction d'Isabelle

 

On a suffisamment reproché au Pape Benoît de "diviser les catholiques" par une application trop rigoureuse de la doctrine. L'accusation était amplifiée par la grosse caisse médiatique, au point de justifier des appels à la démission.
Aujourd'hui, une accusation analogue est adressée à François, pour des raisons opposées. Mais elle l'est de façon infiniment plus discrète, voire subliminale, et quand elle est reprise par les "grands" médias", c'est pour dénoncer les "conservateurs" mesquins qui entravent la volonté du Pape de réformer enfin une institution sclérosée
C'est le mérite de ces deux articles (avec leurs éventuelles inexactitudes ou imprécisions, et le caractère subjectif de la classification en "cercles") d'aborder la question selon une perpective inversée, ou au moins, plus équilibrée. Avec celui d'identifier, par leurs noms les "forces" en présence à la veille de l'échéance du Synode.

Le pape divise « son » peuple :
voici qui sont ses amis et ses ennemis


La question-choc du magazine américain Newsweek : « François est-il catholique ? ». Une provocation. Mais la faveur baisse et, même au Vatican, la fronde grandit.

Fabio Marchese Ragona
16/09/2015
www.ilgiornale.it


Baisse de l’approbation, baisse des chiffres de présence des fidèles aux audiences générales place Saint-Pierre, mais, en même temps, confiance croissante de plusieurs instances (mouvements, associations catholiques ou non) dans le Pontife et dans ses choix pastoraux.

C’est cela qu’évoque l’hebdomadaire américain Newsweek, qui consacre cette semaine sa couverture au pape François, avec une question quelque peu provocante : « Le pape est-il catholique ? ». Selon les chiffres rapportés par le magazine américain, en un an, le nombre de « critiques » de ce pontificat a augmenté de 27 %, avec 55% des Américains proches de positions conservatrices, qui considèrent Bergoglio comme un « personnage désagréable ». Ce n’est pas un hasard si le candidat aux primaires républicaines, Jeb Bush, a violemment critiqué le Pontife sur le thème de l’écologie, après la publication de l’encyclique verte Laudato Si : « Il doit éviter de parler de changements climatiques, a déclaré Bush, ce n’est pas son rôle. ». Si donc, d’un côté, ce sont les conservateurs laïcs qui critiquent le pape, du côté ecclésiastique, la critique vient plutôt de ceux qu’on appelle « traditionnalistes », qui adoptent des positions doctrinales qui se distancient nettement de celles du pape argentin.

Le prochain synode d’octobre sera un banc d’essai : le débat entre partisans de l’« ouverture » (qui se sont engagés pleinement sur le chemin de la miséricorde, à la suite du pape) et les « traditionnalistes », sur le thème de la communion des divorcés remariés, des unions de fait, des homosexuels, etc., promet d’être passionné et révélera qui appuie réellement le pape, qui se tient fidèlement à ses côtés sans partager pour autant ses positions et qui le combattra.

Ce n’est pas un hasard si Bergoglio a nommé pères synodaux des hommes clés qui pourront garantir une discussion « bipartite » : en pratique, des prélats très proches de lui théologiquement et d’autre part des confrères dont les positions s’écartent des siennes. « Ce sera un synode très ardu », souffle un cardinal très proche des positions de François, surtout parce que, ces derniers mois, la « fronde » des opposants s’est amplifiée considérablement. C’est là un phénomène nouveau qui a conduit le pape à placer parmi les pères synodaux quelques-uns de ses hommes de confiance, pour rééquilibrer la discussion et la rendre la plus constructive possible. On vit dès lors une sorte de décalage entre le sentiment populaire, l’âme populaire qui encense le « curé du monde » et quelques hauts prélats italiens et étrangers, qui vivent ce pontificat de manière nettement critique .

Une bonne partie de l’épiscopat américain (l’aile la plus à droite) a été la première à dire son irritation sur la nouvelle ère Bergoglio : au nombre des mécontents, l’archevêque de New-York, le cardinal Timothy Dolan (« ce pape met trop de temps pour faire les réformes »), le capucin Charles Chaput, archevêque de Philadelphie, celui de Chicago, Francis George, disparu à la suite d’une longue maladie en avril dernier et Mgr. Salvatore Cordileone, archevêque de San Francisco, surtout critique envers les ouvertures de Bergoglio à l’adresse des homosexuels.

A l’intérieur de la Curie, les Américains sont toujours les plus grands critiques du pape : le cardinal Raymond Leo Burke qui a, à plusieurs reprises, déclaré publiquement ne pas partager plusieurs des choix faits par le pape ; et son compatriote, le Cardinal James Harvey, archiprêtre de la basilique pontificale Saint-Paul. Parmi les opposants aux ouvertures doctrinales exprimées par le cardinal Walter Kasper (théologien allemand très proche du pape François), on trouve le Cardinal Robert Sarah, de Guinée, préfet de la Congrégation pour le Culte Divin, qui, aux dires de beaucoup, recevra un soutien massif de l’aile la plus conservatrice du collège cardinalice lors d’un prochain conclave, l’archevêque de Bologne, Carlo Caffara, le préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Gerhard Müller (qui a présenté à Ratisbonne l’édition allemande du dernier ouvrage de Sarah), le préfet de la Congrégation pour les Evêques, Marc Ouellet, l’archevêque de Milan, Angelo Scola et l’archevêque émérite de Madrid, Antonio Maria Rouco Varela.

D’autre part, parmi les grands supporters du pape et du chemin de la miséricorde, on trouve le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, salésien, grand électeur de Bergoglio et coordonnateur du « C9 » des cardinaux, le préfet de la Congrégation pour le Clergé, Beniamino Stella, le recteur de l’Université Catholique Argentine, Victor Manuel Fernandez, théologien de confiance du pape, l’archevêque d’Agrigente, Francesco Montenegro, engagé sur le front des migrants et fait cardinal par le pape, et enfin l’archevêque de Manille, Luis Antonio Tagle, père synodal et président de Caritas Internationalis, l’étoile montante de la nouvelle ère bergoglienne.

Les « amis » et « ennemis » du pape François


www.katholisches.info
Giuseppe Nardi
17 septembre 2015


Fabio Marchese Ragona a établi dans le quotidien Il Giornale, sous le titre Le pape divise « son »peuple, une liste, composée par lui, « des amis et ennemis » du pape François. Par « ennemis », on entend ceux dont François ne veut pas. Les « amis » du pape sont répartis en plusieurs cercles. Les plus proches, ses collaborateurs, appartiennent au « cercle magique ». Autour de ce cercle se répartissent concentriquement, selon Marchese Ragona, un deuxième, un troisième et un quatrième cercle.



Le cercle magique
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> Le cardinal secrétaire d’Etat Pietro Parolin (Italie), membre du conseil « C9 » des cardinaux.
> Le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga (Honduras), archevêque de Tegucigalpa, coordonnateur du conseil « C9 » des cardinaux
> Le cardinal Claudio Hummes, OFM (Brésil), préfet émérite de la Congrégation pour le Clergé, qui, aux dires du pape François, lui aurait conseillé de prendre le nom de « François »
> Mgr. Guillermo Javier Karcher (Argentine), cérémoniaire pontifical et quelquefois désigné comme secrétaire attaché au Protocole
> L’archevêque titulaire Victor Manuel Fernandez (Argentine), recteur de l’Université catholique pontificale d’Argentine et ghostwriter du pape.
> L’archevêque de curie Konrad Krajewski (Pologne), aumônier du pape.

Le deuxième cercle
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> Le cardinal Walter Kasper (Allemagne), président émérite du Conseil pontifical pour la Promotion de l’Unité des Chrétiens et désigné parfois comme le « théologien du pape »; un des quatre membres du Bergoglio Team qui avait œuvré, déjà avant le conclave de 2013, pour l’élection de l’archevêque de Buenos Aires
> Le cardinal Luis Tagle (Philippines), archevêque de Manille, président suppléant du synode des évêques sur la famille
> Le cardinal Jean-Louis Pierre Tauran (France), président du Conseil Pontifical pour le Dialogue interreligieux et camerlingue de la Sainte Eglise catholique.
> Le cardinal Beniamino Stella (Italie), préfet de la Congrégation pour le Clergé
> Mgr Bruno Forte, archevêque de Chieti-Vasti (Italie), secrétaire spécial du Synode des évêques sur la Famille et auteur des passages controversés sur l’homosexualité dans la Relatio post disceptationem de 2014

Le troisième cercle
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> Mgr Nunzio Galantino (Italie), évêque émérite de Cassano nell’Ionio, secrétaire général de la Conférence épiscopale italienne et parfois désigné comme l’« homme du pape » au sein de cette Conférence
> L’archevêque de curie Mgr Rino Fisichella (Italie), président du Conseil pontifical pour la Promotion de la nouvelle Evangélisation
> Le Père Antonio Spadaro S.J. (Italie), rédacteur en chef de la revue jésuite romaine La Civiltà Cattolica
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L’archevêque de curie Mgr Giovanni Angelo Becciu (Italie), substitut à la Secrétairerie d’Etat
> Mgr. Pio Vito Pinto (Italie), doyen de la Rote Romaine et président de la Cour d’appel de l’Etat de la Cité du Vatican, président de la commission chargée par le pape Françoisd’élaborer la procédure accélérée de déclaration de nullité de mariage.

Quatrième cercle
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> Le cardinal Angelo Bagnasco (Italie), président de la Conférence épiscopale italienne et archevêque de Gênes
> Le cardinal Peter Erdö (Hongrie), archevêque d’Esztergöm-Budapest, primat de Hongrie et président du synode des évêques sur la famille
> Le cardinal Stanislaw Dziwisz (Pologne), archevêque de Cracovie, longtemps secrétaire personnel de Jean-Paul II
> Le cardinal André Vingt-Trois (France), archevêque de Paris
> Le cardinal Christoph Schönborn OP (Autriche), archevêque de Vienne et président de la Conférence épiscopale autrichienne
> Le cardinal Wilfrid Fox Napier OFM (Afrique du Sud), archevêque de Durban, président suppléant du synode des évêques sur la famille

Les « neutres »
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> Le cardinal Angelo Sodano (Italie), secrétaire d’Etat émérite, doyen du Sacré Collège
> L’archevêque de curie Mgr Georg Gänswein (Allemagne), préfet de la Maison pontificale, secrétaire personnel de Benoît XVI
> Le cardinal Raffaele Farina SDB (Italie), archiviste émérite des archives secrètes du Vatican
> Le cardinal Giovanni Lajolo (Italie), président émérite du Gouvernorat de l’Etat de la Cité du Vatican
> Le cardinal Stanislaw Rylko (Pologne), président du Conseil Pontifical pour les laïcs
> Le cardinal Giuseppe Bertelllo (Italie), président du Gouvernorat de l’Etat de la Cité du Vatican, membre du conseil des cardinaux « C9 »

Les plus éloignés
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> Le cardinal Raymond Burke (USA), préfet émérite du Tribunal suprême de la Signature apostolique, cardinal patron de l’Ordre souverain de Malte ; porte-parole des défenseurs du sacrement de mariage et des opposants à la proposition Kasper sur les divorcés remariés, éloigné pour cette raison de la curie romaine par le pape en 2014
> Le cardinal Robert Sarah (Guinée), préfet de la Congrégation pour le Culte divin, adversaire de la proposition Kasper
> Le cardinal Carlo Caffara (Italie), archevêque de Bologne, nommé par le pape membre du synode sur la famille, adversaire de la proposition Kasper
> Le cardinal Angelo Scola (Italie), archevêque de Milan, « challenger » du pape François lors du dernier conclave ; la conférence épiscopale italienne envoya une déclaration dans laquelle elle félicitait le cardinal Scola pour son élection comme pape
> Le cardinal Antonio Rouco Varela (Espagne), archevêque émérite de Madrid

Les noms manquants
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Dans la liste dressée par Marchese Ragona manquent quelques noms, ainsi par exemple, dans le « cercle magique » (le cercle le plus étroit des proches du pape François), l’évêque de curie Mgr Marcelo Sanchez Sorondo (Argentine), chancelier de l’Académie pontificale des Sciences et de l’Académie pontificale des Sciences sociales, « artisan» du rapprochement entre l’Eglise et l’ONU sur le thème du changement climatique et la gauche politique.

Dans le « deuxième cercle », manque le cardinal Godfried Danneels (Belgique), archevêque émérite de Malines-Bruxelles et membre du Bergoglio team, qui, avant et pendant le conclave, a oeuvré pour l’élection de François.

Manque dans le « troisième cercle » le cardinal Domenico Baldisseri (Italie), nommé par le pape François secrétaire général du synode des évêques.

La dénomination d’un quatrième cercle et des ecclésiastiques qui en font partie semble douteuse.

Parmi les « plus éloignés », manquent l’ancien préfet de la Congrégation pour le Clergé, le cardinal Mauro Piacenza (Italie), démis par François, ainsi que l’ancien préfet de la Congrégation pour le culte divin, le cardinal Canizares Llovera (Espagne).
L’évêque de Ciudad del Este au Paraguay, Mgr Rogelio Livieres (Argentine), révoqué par le pape pour des raisons douteuses, est mort le 14 août dernier après une courte maladie.
Manque aussi le fondateur et ministre général des Franciscains de l’Immaculée, le P. Stefano Manelli, écarté de l’ordre, avec la permission de François et sans indication de motif.