Le temps de la mire...

et celui, insupportable, de la logorrhée des médias. Reprise d'un article de janvier 2013

Les évènements que nous vivons ont fait remonter à ma mémoire cet article de Robi Ronza, que j'avais traduit en janvier 2013.

LA TÉLÉVISION ET LA LIBERTÉ
Robi Ronza
01/01/2013
La Nuova Bussola Quotidiana
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Il y a quelques semaines, sur une station radiophonique du réseau de la RAI, au cours d'une émission de début d'après midi, un document audio vieux d'un demi-siècle a été retransmis, qui était resté imprimé dans ma mémoire (Robi Ronza est né en 1941). Il s'agissait de la nouvelle publiée le 22 Novembre 1963 de l'assassinat du président américain John F. Kennedy, qui avait eu lieu ce jour-là à Dallas. L'annonceur concluait en informant qu'à partir de ce moment, en signe de deuil, la RAI allait suspendre ses émissions (une interruption, qui à l'époque, si je me souviens bien, dura pendant plusieurs heures). C'était encore le temps où la radio et la télévision avaient un monopole absolu en Italie, il n'y avait donc pas de risque qu'un concurrent pût en tirer profit.
Faire une telle remarque, cependant, a quelque chose d'anachronique: si la RAI avait eu à l'époque des concurrents, nul doute que ceux-ci auraient fait de même.
Ce qui frappe dans cet épisode, c'est qu'il nous fait clairement comprendre combien les médias ont reculé depuis lors en matière de respect pour la capacité de jugement des gens ordinaires, en somme, pour la liberté de chacun d'entre nous. J'avais complètement oublié qu'à l'époque, c'est ce que l'on faisait en cas de grand deuil, mais en écoutant l'émission, ma mémoire s'est réveillée. Et me sont donc revenus à l'esprit les motifs pour lesquels on suspendait les émissions de radio ou transmettait uniquement de la musique classique: c'est parce que l'on voulait laisser aux gens leur espace de réflexion et de méditation personnelle.

Aujourd'hui, en revanche, dans de tels cas, les chaînes de télévision et les stations de radio font la course pour se précipiter sur la scène de l'accident, le submergeant sous une avalanche d'images pour la plupart toujours les mêmes, répétées des centaines de fois (contribuant ainsi à disproportionner l'événement), de commentaires improvisés et inutiles, d'anecdotes sans intérêt, de détails tragiques et sans espoir, de paroles de témoins abasourdis pris au piège de journalistes à la chasse aux émotions et ainsi de suite. Selon les cas, au moins pendant un jour ou deux, mais aussi parfois pendant des semaines. Au contraire du silence ou de la musique classique dont il a été question, tout doit servir à éviter le jugement et la réflexion des gens.

Les auditeurs de la radio, les téléspectateurs sont considérés et traités non comme des personnes , mais comme des sacs vides à remplir d'émotions par ailleurs de courte durée dont le «précipité» est un désespoir sceptique et impuissant envers la réalité et le monde dans lequel nous vivons.

Certes, le noble silence radiotélévisuel d'alors n'est plus possible aujourd'hui. Il me semble toutefois qu'au moins dans des circonstances exceptionnelles, une alternative au bavardage planétaire permanent actuel pourrait être imaginée.