Synode: la pagaille du 12 octobre

La pagaille qui a conclu le journée d'hier a donné lieu à de nombreux commentaires. Voici la synthèse de la Bussola, particulièrement claire et complète.

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Mr Messy a encore frappé

 

Synode: une lettre devient un «polar» (giallo).
Mais elle révèle le malaise face aux tentatives de manipulation


Riccardo Cascioli et Lorenzo Bertocchi
13/10/2015
www.lanuovabq.it
Ma traduction


La reprise des travaux, pour la deuxième semaine du synode, a été marquée par le suspense de la lettre des 13 cardinaux. Dans la matinée de lundi, le vaticaniste Sandro Magister a publié le texte d'une lettre signée par un certain nombre de Pères synodaux, et remise au pape au début du synode. Des noms de poids, pour une protestation significative.

Dans la lettre sont exprimées certaines préoccupations, essentiellement liées aux nouvelles procédures du Synode, qui empêchent une vraie collégialité, au point que «pour un certain nombre de Pères, le nouveau processus semble conçu pour faciliter l’obtention de résultats prédéterminés à propos de questions importantes et controversées». Dans cette perspective, certaines sections du document préparatoire du Synode, l'Instrumentum Laboris - qui ces derniers mois ont fini dans le collimateur de théologiens et d'évêques pour leur opposition évidente au catéchisme de l'Eglise - posent problème. On enregistre ensuite un «gros malaise» face à la composition de la commission appelée à rédiger le rapport final, «nommée, et pas élue, sans consultations», composition - même si ce n'est pas dit - clairement déséquilibrée en faveur de la thèse du cardinal Kasper. Enfin, il y a la crainte qu'au lieu de penser à «renforcer la dignité du mariage et de la famille», on se concentre principalement sur la question de la communion aux divorcés remariés, un thème qui remettrait en question l'identité même de l'Église catholique.

Parmi les signataires, on relève les noms des cardinaux Gerhard L. Müller, préfet de la Doctrine de la Foi, Robert Sarah, préfet de Culte Divin, Carlo Caffara, archevêque de Bologne, Timothy Dolan, archevêque de New York, et le Cardinal australien Pell, préfet au Vatican du secrétariat pour l'économie.

Le 'giallo' de la lettre a commencé parce que la liste des signataires publiée, celle qui comprenait initialement 13 cardinaux, s'est réduite de manière significative au fil de la journée. Quatre d'entre eux ont démenti avoir apposé leur signature: Angelo Scola, archevêque de Milan, André Vingt-Trois, archevêque de Paris, Mauro Piacenza, Pénitencier Majeur, et le rapporteur du Synode général, le Hongrois Peter Erdö. Face à ces démentis, il était naturel de se demander: mais, alors, cette lettre est authentique ou bien est-ce un canular?

La réponse n'est pas simple, car il s'agit d'un document explosif à sa manière, parce qu'il exprime formellement un fort malaise, pour ne pas dire un fort mécontentement, sur la modalité de conduite du Synode, même en se souvenant de ce qui s'est passé il y a un an. Selon nos informations, il y a bien eu une lettre, et elle a été remise directement entre les mains du Pape le jour de l'ouverture du Synode. Ceci expliquerait en effet mieux l'intervention inattendue de François mardi dernier dans la Salle du Synode. Une intervention qui de manière décisive renvoyait doutes et craintes à l'expéditeur, concédant seulement l'invitation à ne pas se concentrer principalement sur la question de la divorcée et remariée.

Ce qui n'est pas clair, en revanche, c'est le nombre et les noms des signataires et le contenu exact de la lettre. Hier soir en effet, le cardinal Wilfred Fox Napier - qui figure sur la liste des 13 - a dit qu'il avait bien signé un document, mais qu'il ne correspond pas à celui publié sur le blog de Magister. Napier soutient avoir signé un document exprimant sa préoccupation à propos de la composition de la commission chargée du rapport final - un point qui de toute façon figure dans la lettre incriminée. Par ailleurs, un porte-parole du cardinal Pell - probablement l'un des promoteurs de l'initiative - a ensuite précisé que la lettre publiée comporte plusieurs erreurs, à la fois dans le texte et dans les signatures. Il est donc probable que Magister a reçu une version non définitive, qui inclut également un certain nombre de cardinaux 'je voudrais bien mais je ne peux pas' (*), c'est-à-dire d'accord sur le contenu, mais réticents à apposer leur signature. De toute façon, le nombre de signataires n'est pas encore clair, parce qu'aux 9 "rescapés" (Caffara, Collins, Dolan, Eijk, Muller, Napier, Pell, Sarah, Urosa Savino) il faut probablement ajouter plusieurs autres noms pour l'instant inconnus.

Reste le fait établi qu'un certain mécontentement est assez répandu en raison des manœuvres qui semblent viser à des «résultats prédéterminés», même si «la presse du régime» (ndt: à L'Avvenire, l'OR et Radio Vatican, il faut ajouter Vatican Insider et son hérault Andrea Tornielli!!) essaie de faire passer l'idée qu'il y a une poignée de «conspirateurs» qui veulent donner une idée «médiatique» du Synode; tandis qu'à l'intérieur tout irait comme sur des roulettes. En revanche, dans la même déclaration où il parle d'erreurs dans le texte et les signatures de la lettre publiée, le porte-parole du cardinal Pell dénonce ouvertement les «éléments minoritaires» qui veulent «changer l'enseignement de l'Eglise sur les dispositions appropriées nécessaires pour recevoir la communion». Et le problème se pose parce que curieusement ces éléments minoritaires sont les mêmes qui dirigent le secrétariat du Synode et constituent une grande partie de la commission pour le rapport final.

Et à propos du rapport final, là aussi se crée un giallo qui a connu hier de nouveaux développements. Samedi dernier, en effet, au point de presse, le porte-parole du Vatican le père Lombardi avait dit que «nous n'avons pas de certitudes sur les modalités de la conclusion, c'est-à-dire s'il y aura un document final. Nous verrons si le pape donnera des indications précises». Affirmation surprenante étant donné que la Relation est prévue dans le calendrier du Synode. Hier matin, cependant, le même Père Lombardi est revenu en arrière et a dit que le document final sera là, et qu' «il sera remis au pape qui décidera alors quoi en faire».

Sur ce point aussi, toutefois, la Nuova Bussola a appris que très probablement, il ne s'agira pas de l'habituelle «Relatio finale», avec des propositions individuelles devant être soumises à un vote, mais d'un simple document discursif, qui devrait être voté en bloc. Bref, un texte qui - pour être accepté par une majorité qualifiée - serait nécessairement générique, laissant dans le flou les questions les plus débattues.
Et ce serait une conclusion vraiment surprenante après deux ans de débat enflammé.

(*) Yves Daoudal écrit sur son blog (en se basant sur la version de la lettre publiée hier par Magister):

Quand on sait quelle est la déférence traditionnelle des cardinaux (et particulièrement des cardinaux de curie) vis-à-vis du pape, et quand on sait qu’il faut un cataclysme pour que ces hommes si pondérés sortent d’un discours lénifiant quand il s’agit de la hiérarchie ecclésiastique, on mesure la virulence de ce qu’ils osent écrire.