Synode: manipulations en vue

L'analyse d'Edward Pentin, le vaticaniste du <National Catholic Register>

 

Voici l'article auquel se référait Marco Tosatti ici: Un "synode de l'ombre" au travail à Rome

Des critiques sonnent l'alarme sur de possibles modifications du processus synodal


Le Vatican devrait annoncer vendredi 2 octobre les procédures de cette année.
Edward Pentin
29/9/2015
www.ncregister.com
(ma traduction)

Ceux qui critiquent les modifications - pas encore publiées - apportées à la méthodologie du prochain Synode ordinaire des évêques sur la famille affirment qu'elles menacent non seulement d'étouffer les voix opposées à certains changements controversés dans la pratique pastorale sur les questions liées à la famille et au mariage, mais aussi qu'elles laisseront la rencontre sans conclusion, et diverses propositions ouvertes à l'interprétation.
Les nouvelles règles du Synode des Évêques devraient être annoncées vendredi (donc aujourd'hui, 2 octobre), mais il est déjà clair que le temps réservé à la discussion, lors de la rencontre du 4 au 25 octobre, sera réduit; il n'y aura aucun message final des pères synodaux, aucune commission n'a été mise en place pour en écrire un (il semblerait pourtant que si!!); aucun rapport intermédiaire ne sera délivré; et les questions litigieuses seront dans une large mesure laissées à la dernière semaine.
Il se dit également que le pape prendra la décision sans précédent de n'émettre aucune exhortation apostolique post-synodale - un document papal tirant des conclusions à partir du synode, généralement publié quelques mois après l'assemblée. A la place, on prévoit que tout dépendra de son message final livré à l'issue des débats synodaux. Des sources bien informées disent que le pape a explicitement demandé qu'il n'y ait "rien d'écrit" qui sorte du synode, laissant ainsi ses conclusions ambiguës et ses procédures en grande partie inconnues.
En même temps qu'un possible manque de transparence de ces nouvelles règles, plusieurs participants au Synode, et d'éminents théologiens pensent qu'elles pourraient favoriser des propositions controversées susceptibles d'être soulevées au synode, comme la thèse du cardinal Walter Kasper de réadmission des divorcés remariés civilement à la sainte communion, ainsi que la modification de la pratique pastorale sur les questions relatives à la sexualité humaine qui serait en conflit avec la doctrine de l'Eglise.
Une grande partie de la pression en faveur de ces innovations pastorales provient de l'Allemagne et des pays germanophones, et est partiellement, sinon entièrement, soutenue par ceux chargés de la gestion des trois semaines du synode.
La rencontre du mois prochain, qui traitera du thème «La vocation et la mission de la famille dans l'Eglise et dans le monde contemporain» fait suite à celle de l'an dernier qui avait été entachée par des polémiques et des accusations de manipulation en termes de procéduree synodales et de méthodologie .
L'absence très inhabituelle d'un rapport intermédaire est dû au fait que la discussion des chapitres de l'Instrumentum laboris se poursuivra tout au long des trois semaines, divisées en trois parties, une pour chaque semaine du synode - une approche qui empêche évidemment la publication d'un rapport à mi-parcours qui contiendrait les points de vue initiaux des pères synodaux sur tous les sujets de l'Instrumentum laboris. La dernière semaine sera également consacrée à la recherche de solutions pastorales aux questions examinées, y compris celles controversées.

INQUIÈTUDES SUR LA TRANSPARENCE ET LE CALENDRIER
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Lors de la rencontre de l'an dernier, le document intermédaire (relatio post-disceptationem), avait suscité la polémique, ayant été envoyé aux médias avant que les Pères synodaux ne l'aient lu. Les détracteurs arguaient que le document manquait de références à l'Écriture et à la tradition, et, plus controversé, qu'il semblait impliquer que l'Eglise envisageait de donner son approbation tacite aux relations homosexuelles - une question qui n'avait guère été discutée lors de la première semaine de la rencontre.
La décision probable de ne pas publier de rapport intermédiaire peut être une tentative pour éviter que la controverse de l'an dernier se reproduise. Mais certains craignent que cela conduise à moins de transparence et s'inquiétent de ce que le calendrier pourrait être intentionnel afin de faciliter l'avancement des propositions controversées tandis que s'écoulera le temps imparti à la discussion.
On s'attend également à ce qu'au prochain Synode, il y ait moins de discussion, avec des interventions de moins de trois minutes (l'année dernière c'était quatre), mais qu'il y ait plus de débat au sein des petits groupes.
Un Père du synode, qui avait participé à un synode dans les années 1980 et de nouveau dans les années 1990 a dit au "Register", sous couvert d'anonymat, que la méthode utilisée alors - un rapport intermédiaire suivi par des discussions en petits groupes - «fonctionnait mieux».
«Il n'y aura pas assez de temps, la dernière semaine, pour discuter de la dernière partie, la plus importante», a-t-il dit. Il a également dit qu'il n'aimait pas l'idée d'avoir seulement trois minutes pour parler, affirmant que ce serait «trop court».
Comme l'an dernier, les interventions ne devraient pas être publiées, ou, le cas échéant, elles ne seront pas attribuées à l'évêque qui les aura faites. Il est plus probable que, comme l'année dernière, elles seront filtrées par les attachés de presse de langue italiene, anglaise et espagnole - respectivement le père jésuite Federico Lombardi, le Père Thomas Rosica, et le Père Manuel Dorantes - qui fourniront des briefings quotidiens.
En outre, les petits groupes doivent être mis en place par le cardinal Lorenzo Baldisseri, le secrétaire général du Synode des évêques, et leurs discussions seront rapportées à François à travers lui. Si elles ne sont pas publiées, certains spéculent que les Pères synodaux ne sauront pas ce que chaque groupe a dit, ni ce qui sera rapporté au pape. Une source bien informée a également mis en garde que les petits groupes sont conçus de telle manière que les évêques africains - qui ont été les plus bruyamment opposés à des innovations en matière de mariage, de divorce et de sacrements - seront divisés. En faisant cela, ladite source a spéculé qu'il n'y aura pas de majorité dans beaucoup, sinon la totalité des groupes, affaiblissant ainsi leur voix.
Le Cardinal Baldisseri et le cardinal Wilfred Fox Napier de Durban, en Afrique du Sud - un des principaux critiques des problèmes qui ont émergé à la rencontre de l'an dernier, et qui a été ajouté par la suite à l'organisation du synode comme l'un de ses quatre présidents délégués - ont tous deux refusé de s'exprimer à propos les préoccupations exprimées au sujet du processus 2015, avant l'annonce officielle prévue plus tard cette semaine.

AUTRES PROBLÈMES POTENTIELS
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Dans l'ensemble, de l'avis de ceux qui s'inquiètent du processus, ces nouvelles règles pourraient conduire à le Pape à prononcer qu'il n'y a jamais eu de problème dogmatique insurmontable sur ces propositions controversées, et à introduire ensuite quelques questions pastorales litigieuses relatives à la sexualité humaine à travers les conférences épiscopales nationales.
«Cela signifie "divorce catholique" en Allemagne et d'autres pays européens, et quelque chose d'assez différent, par exemple, au Nigeria», a averti le professeur John Rist, l'un des plus grands spécialistes en patristique, et contributeur à l'ouvrage "Rester dans la Vérité du Christ" , publié l'an dernier pour contrer la thèse de cardinal Kasper.
L'adoption de ces nouvelles règles, a-t-il déclaré au "Register", ne se traduirait pas seulement par «un dénouement fâcheux, mais l'absence de publicité (pas de rapport intermédiaire) permettrait à des comptes rendus totalement trompeurs de circuler - y compris à l'intention du Pape - pratiquement en toute impunité».
Tout aussi alarmante pour ceux qui s'inquiétent de la confusion entourant les synodes, est la forte probabilité que le Saint-Père ne délivrera pas d'exhortation apostolique post-synodale - un document conclusif rassemblant tous les débats de l'Assemblée de trois semaines. A la place, le synode risque de s'achever avec le discours final du Pape, une démarche dont les détracteurs disent qu'elle ne serait pas dans l'esprit de collégialité.
Toutefois, selon une source informée du Vatican, le Pape n'est pas favorable à une exhortation apostolique post-synodale parce qu'il veut donner l'impression que le synode "décide" diverses mesures, qu'il exposera dans son message de clôture de la rencontre.

RÈGLE DE LA MAJORITÉ?
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Une autre rumeur de changement est que la règle qui veut que les propositions doivent avoir une majorité des deux tiers pour être retenues pourrait être éliminée et qu'une majorité simple la remplacerait.
Cela favoriserait une proposition controversée, comme celle du cardinal Kasper, dont la thèse n'avait reçu que la majorité simple au dernier synode (elle aurait donc dû être rejetée en vertu des règles en place, mais le Saint-Père a insisté pour que la thèse de Kasper, et le paragraphe sur une nouvelle approche des relations homosexuelles, qui a également échoué à atteindre la majorité des deux tiers, restent dans les Lineamenta pour le synode de ce mois d'octobre).
Compte tenu de la gravité des sujets abordés, les détracteurs font valoir que les nouvelles règles doivent assurer que le Synode des Évêques et le Pape statuent explicitement et fassent autorité sur la façon de prendre des décisions pastorales sur ces questions si elles sont proposées, ne pouvant être laissée en l'air ou à la merci d'une procédure synodale ambiguë.