Un Pape complaisant avec le communisme?

Antonio Socci a lu les premiers discours du Pape à Cuba, et observé ses premiers gestes. Il est sévère... Contrairement aux médias, il n'y a pas trouvé la moindre condamnation du communisme, pas la plus petite critique de la dictature castriste.

Ceux qui se sont informés à travers les compte-rendus de la presse, catholique et laïciste, pourront penser qu'il exagère.
A ceux-là, je suggère de lire (s'ils le souhaitent...) les discours du Pape sur le site du Vatican: w2.vatican.va..papa-francesco-cuba-usa-onu-2015 .
En faisant toutefois attention! Je vois à l'instant que la version en français du discours aux jeunes, qu'Antonio Socci évoque dans l'article, ne correspond pas aux mots que le pape a effectivement prononcés. Il faut lire la version en italien, ou la v.o. en espagnol.
Ou alors la traduction en français de Zenit.

Cher Pape Bergoglio...
mais pourquoi faites-vous l'éloge des tyrans et humiliez-vous les persécutés?


www.antoniosocci.com
22/9/2015
(ma traduction)


Les frères Castro - une dynastie communiste - qui tiennent le peuple cubain sous leur botte depuis près de soixante ans doivent avoir pas mal de poils sur le ventre ("avere peli sul ventro": expression qui sinifie être totalement dénués de scrupules, ndt) pour avoir survécu, avec leur régime, au naufrage de l'URSS.
Eh bien, ces jours-ci, ils en ont donné la preuve. En effet, avec le consentement tacite du Vatican de Bergoglio, ils ont transformé la messe du pape argentin, dimanche dernier, en une manifestation du Parti communiste cubain.
Non seulement à cause du poster géant de Che Guevara en-dessous duquel ils ont placé l'autel (ils n'ont pas osé le faire avec Benoît XVI ni avec Jean-Paul II, lequel fit exposer une grande icône du Christ): il y a vraiment eu une convocation officielle des membres et des militants du Parti pour la messe, Place de la Révolution à La Havane, comme pour l'un des meetings-fleuves de Castro.
Alver Metalli, journaliste bergoglien et ami personnel de l'évêque de Rome, écrit : «Le Parti communiste cubain a appelé les membres à assister à la messe papale Place de la Révolution à La Havane, à celle de Holguín, dans le Sanctuaire de la Virgen de la Caridad del Cobre, et à la messe à Santiago de Cuba avant que François prenne congé de l'île».
Ce n'était bien sûr pas arrivé avec Jean-Paul II en 1998, ni avec Benoît XVI en 2012.
Cependant, «cette fois», écrit Metalli, «l'invitation était explicite et péremptoire», afin que «les communistes fidèles à la ligne du parti ... manifestent chaleureusement leur approbation».
La seule à avoir pu se dissocier - grâce à son patronyme - a été la fille de Che Guevara, vetero-communiste pure et dure, nullement émue par le portrait de son père à la place de celui de Jésus-Christ. Aleida Guevara, militante ultra-orthodoxe, a déclaré à l'Agence France Presse: «Le PCC demande aux militants d'aller à la messe, d'aller accueillir François presque comme s'il s'agissait d'un devoir du Parti. C'est une chose avec laquelle je ne suis pas vraiment d'accord».
Mais si les camarades dirigeants ont pris la décision de convoyer les militants à la messe comme à un meeting, il y a une raison: ils savaient qu'ils n'avaient rien à craindre du pape Bergoglio.

DES PAPES CATHOLIQUES
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Rien de tel avec Jean-Paul II lequel, à La Havane, le 25 Janvier 1998, avait tonné: «Certains de ces systèmes ont même prétendu réduire la religion à la sphère purement privée, la dépouillant de toute influence ou importance sociale. En ce sens, il est utile de rappeler qu'un Etat moderne ne peut pas faire de l'athéisme ou de la religion un système politique» (principe qui s'applique aux Etats communistes, mais aussi à ceux musulmans).
Avec Benoît XVI également, en 2012, le Parti communiste cubain savait qu'il y avait à craindre; en effet, dès son arrivée il avait affirmé: «quand Dieu est exclu, le monde se transforme en un lieu inhospitalier pour l'homme». Et dans son homélie sur la place de la révolution, il s'était inspiré de la première lecture, là où «les trois jeunes hommes, persécutés par le souverain babylonien, préfèrent affronter la mort brûlé par le feu plutôt que de trahir leur conscience et leur foi ... dans la conviction que le Seigneur du cosmos et l'histoire ne les abandonnerait pas à la mort et au néant. En réalité, Dieu n'abandonne jamais ses enfants».
Ensuite, commentant l'Evangile, il avait rappelé que «la vérité nous rend libres» et conclu: «n'hésitez pas à suivre Jésus-Christ».
Mais il s'agissait de papes du «Dieu catholique».
En revanche, Bergoglio, pape d'un Dieu qui - dit-il - «n'est pas catholique», pouvait avoir, selon Castro, un public de militants du parti. En effet, il n'a rien dit qui puisse gêner la dictature cubaine. En effet, tout au long de son homélie, il a fait écho aux thèmes de la rhétorique communiste, comme la fraternité, et le service des derniers.

APPLAUDISSEMENTS AU RÉGIME
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Il n'y a pas eu un seul mot qui puisse embarrasser le régime. Les journaux italiens ont prétendu rapporter un passage de l'homélie comme une vague critique, mais il s'agit d'un spectaculaire malentendu.
Voyons cela. Selon le Corriere della Sera, le pape dans son homélie «met en garde contre les idéologies». La Repubblica a titré: «Servir les personnes, pas les idéologies». Sur la première page de La Stampa, on lisait aussi: «Sevir les personnes, pas les idéologies». Même Il Giornale: «Les idéologies ne servent à rien». Et Il Fatto: «Disons aux idéologies: ça suffit» (1).
Si toutefois Bergoglio avait dit ces choses dans son homélie, il aurait exprimé un concept tout à fait acceptable par un marxiste, puisque c'est justement Marx qui détruisit le concept d'«idéologie», le qualifiant de «fausse conscience», et qui soutint - dans son ouvrage «L'idéologie allemande» - qu'on ne part pas des idées, mais des hommes vivants: «on part des hommes, opérant réellement, et sur la base du processus réel de leur vie». Il en déduisait comme conséquence que «la morale, la religion et la métaphysique» sont des formes idéologiques.
Mais Bergoglio n'a pas dit ce que les journaux lui attribuent. Ce qu'il a fait, c'est exalter l'activisme solidaire ce qui, pour tout militant du Parti communiste cubain résonnait seulement comme une confirmation, certainement pas comme une contestation.
En effet, il a invité à placer au centre «la question du frère: le service regarde toujours le visage du frère (...) et cherche la promotion du frère. Pour cette raison, le service n'est jamais idéologique, puisqu'il ne sert pas les idées, mais les personnes».
Un tel concept convient parfaitement au parti: c'est presque une canonisation du militantisme socialiste. Comme on le voit, il n'y a aucune attaque au régime ou au marxisme.
Il en aurait été autrement si le pape Bergoglio avait parlé de «servir Dieu», mais il n'en a pas parlé. Et encore moins mis en garde contre le fait de «servir le parti». Rien de tout cela. On n'a pas non plus entendu de la part de Bergoglio la moindre diatribe pour la défense des droits de l'homme (encore piétinés durant la visite papale avec plusieurs arrestations). On n'a pas entendu le Bergoglio indigné du discours de Lampedusa, ni le Bergoglio qui depuis des mois tonne contre le capitalisme comme contre «l'économie qui tue».
A ce qu'il semble, le communisme ne tue pas. Sur le communisme cubain (et pas seulement), sur ses désastres économiques et humains, aucune dénonciation. Rien de rien.
Mais sommes-nous sûrs que le communisme ne tue pas? Peut-être qu'il le fait à l'insu de Bergoglio? Le pape argentin serait le seul de la planète à ne pas en avoir été informé...

IL REND HOMMAGE AUX PERSÉCUTEURS ...
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Même le magistère des gestes confirme celui des mots. Prenons la rencontre avec Fidel Castro. Jean-Paul II, qui avait obtenu préventivement la libération de centaines de prisonniers trouva Castro au pied de la passerelle de l'avion, où le tyran l'attendait timidement, en costume et cravate, ayant dû renoncer pour l'occasion à l'uniforme militaire.
Benoît XVI, qui en 2012 était lui aussi venu avec une liste de persécutés à libérer, le reçut à la nonciature apostolique à La Havane, en signe de respect pour les fidèles opprimés depuis un demi-siècle, afin qu'il ne semblât pas que le Vicaire du Christ rendait hommage au tyran .
Bergoglio au contraire s'est rendu à la résidence de Fidel et il l'a rencontré là: le pape a été reçu par Castro, pas le contraire. Un hommage au dictateur.

... ET HUMILIE LES PERSÉCUTÉS
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Avec les jeune, ensuite, Bergoglio a été carrément embarrassant. Il a rappelé Jésus-Christ seulement à la fin d'un long discours, marginalement, après des tonnes de rhétorique vide sur les rêves sur le «rêver», le «bavarder» et contre «le dieu argent».
Mais surtout Bergoglio - parlant aux jeunes catholiques qui subissent l'oppression du régime - au lieu de les réconforter et de louer ceux qui, héroïquement témoignent leur foi sous la dictature, a fait le contraire: il a attaqué ces catholiques qui - dit-il - s'enferment «dans des petites chapelles de mots, de prières, de "je suis bon, toi tu es mauvais", de prescriptions morales».
C'est-à-dire qu'il a attaqué les vrais catholiques, déjà persécutés par le régime. Et puis il les a invités à la «culture de la rencontre» faisant l'éloge de ceux qui collaborent avec le «jeune communiste» ou d'une autre religion, «travaillant ensemble pour le bien commun». Parce que «l'inimitié sociale détruit».
Dans la pratique, une invitation à se rendre au régime.

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NDT:
(1) Voir ici ce qu'en ont dit les médias français.
La Croix, qui illustre son article d'une photo des évêque en procession sous le portrait géant du Che, titre "le Pape garde ses distances avec le régime castriste"