La joie de retrouver Benoît XVI

La lettre de Jeannine du 7 juillet, toute entière consacrée à la remise des diplômes honorifiques du 4 juillet dernier.

Les photos ci-dessus sont quelques-une parmi les 297 rassemblées dans un album de la page Facebook Benedicto XVI-Georg Gänswein, que Jeannine évoque plus bas.
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La joie de retrouver Benoît XVI

Chère Béatrice,

Samedi 4 juillet, dans la canicule, soudain un souffle d’air frais car je découvrais les premières photos de cette journée spéciale pour notre pape émérite et une vidéo qui permettait d’entendre de nouveau sa voix.
J’ai lu l’article de Sébastien Maillard pour La Croix. Texte banal, une chronique qui ne lui a demandé qu’une mise en forme des éléments fournis par Benoît XVI dans son discours. Pour moi, jusqu’ au paragraphe « dette envers Jean-Paul II » il a écrit ce que l’on pouvait attendre d’un journaliste de ce quotidien : impossible de faire l’impasse sur l’évènement mais le relater sans mise en valeur, surtout se tenir à distance. Et puis étonnement de voir apparaître François et son exhortation Evangelli gaudium dans ce compte-rendu allégé du discours objet de l’article. J’ai bien une idée mais je ne dois pas être la seule à avoir pensé à cette explication critique. Le Pape émérite recevait deux doctorats dont un décerné par l’Académie Musicale de Cracovie. Il me paraît logique qu’il ait disserté sur la place que doit tenir la musique sacrée dans la liturgie; il s’est donc adressé à son auditoire sur un mode très personnel, venant du cœur, ce qui a eu pour résultat le magnifique discours qu’il nous a offert. Les esprits chagrins auraient sans doute préféré des paroles reflétant bien l’air du temps, une pâle intervention, mais alors je pose cette question : pourquoi ces doctorats?

J’en viens à ce temps de rencontre, de retrouvailles avec Benoît XVI dans un cadre qu’il aime tant : Castel Gandolfo.
J’ai été heureuse de cette cérémonie publique, même si cela soulève des objections, qui nous a permis d’être présents par ordinateur interposé.
Je fais un retour arrière sur les photos du 30 juin. Arrivé en voiture officielle il était très attendu à Castel Gandolfo, le maire ne s’en est pas caché.
La porte du palais s’est rouverte et c’était déjà une joie de savoir qu’il était là, pour deux semaines, dans ce cadre qu’il aime tant.
Les quatre portraits que vous avez présentés parlent bien d’un personnage calme, serein, détaché de beaucoup de choses avec humilité, étonné peut-être de tant d’attentions, de son souvenir qui dure.

Samedi a été une journée de joie et d’émotion pour lui mais aussi pour tous ceux qui l’aiment et ne l’oublient pas. On le retrouvait et c’était inespéré, un magnifique cadeau.
Le discours soigneusement préparé, du pur et grand Benoît XVI, a été une merveille, une preuve éclatante de sa vivacité intellectuelle impossible à mettre en doute. Pourquoi signaler «forme physique diminuée» encore et toujours. Le temps passe inexorablement mais sa voix est redevenue forte, bien posée, discours prononcé debout avec aisance, la parole qui coule fluide, claire, les mots venant du cœur et inspirés par cette intelligence immense, par ce mélomane féru de grande musique. 88 ans, un visage reposé, serein, des traits qui ont changé certes mais qui n’ont rien perdu de leur classe, de leur douceur, un beau visage, de même pour la silhouette fragile, discrète, soutane blanche impeccable, rien d’ordinaire chez lui, un bel exemple pour l’avancée dans le grand âge.
Mgr Gänswein, toujours discret et souriant est présent près de lui. Attentif sur une grande photo , il lui indique un détail à remarquer, Benoît XVI est debout sans canne mais on le voit ailleurs quitter ce grand salon en utilisant son déambulateur . Il a grandement raison de s’en servir lorsqu’il le désire.
Bien sûr, le Pape émérite a parlé de Jean-Paul II avec des mots sincères, touchants.
Moi qui ai si souvent manifesté de l’agacement lors des fréquents rappels de son prédécesseur par Benoît XVI, j’ai mieux compris combien ce long temps de collaboration entre les deux hommes avait été précieux et fructueux pour le cardinal Ratzinger qui lui attribue une place prépondérante dans sa vie.


Sur une photo de Benoît XVI, publiée sur différents sites pour illustrer l'hommage de Benoît XVI à son prédécesseur, on voit le Pape avec un sourire énigmatique et, à sa gauche, un peu en retrait, un jeune cardinal, son préfet de la CDF, sourire aux lèvres, visage enfantin, cheveux déjà blancs, qui écoute les paroles du maître. J’aime cette image. Il est certain que les deux hommes formaient une équipe de travail hors norme. Ce n’était pas de l’amitié au sens courant du terme, cette relation qui s’établit le plus souvent sur des confidences, des vécus communs depuis fort longtemps. Ce genre de rapport devait être réservé par Jean-Paul II à ses proches polonais et à ceux qui partageaient sa vie personnelle. Par contre, avec son Préfet, s’était créée une syntonie réelle basée sur une foi inébranlable, une profonde estime, un même amour de l’Eglise, la confiance totale que le Pape vouait au cardinal. Ce Saint-Père globe-trotter parcourait le monde entier et avec quel panache!, mais à la maison il y avait celui qui veillait et recevait les coups avec abnégation pour défendre la pureté de la foi. Sur la fin de sa vie Jean-Paul II, déjà très malade, qualifiait le cardinal de ces mots : «un véritable ami» tout en tenant longuement sa main dans les siennes; des photos en attestent.

Je savais que la cérémonie était publique mais sans plus. Toujours soucieuse de ne rien manquer de lui j’ai découvert avec joie l'album de 297 photos du Benedicto XVI-Georg Gânswein Forum et comme les enfants qui tournent les pages d’un livre d’images, j’ai fait défiler tous les clichés.

L’album commence avec une séance de signature pour Benoît XVI. J’ignore ce que Mgr Gänswein lui présente mais je suis revenue, pour un instant, sur une photo-souvenir : Mgr Gänswein , documents en main, rentrant dans le bureau du pape, les lui présentant , un coup de tampon pour sécher l’encre.
Puis c’est l’arrivée du récipiendaire sans canne, les paroles d’accueil, les mains serrées, l'émotion du cardinal Dziwisz, très visible, des clichés pris avant le discours, on lui remet les diplômes et le visage du pape émérite est radieux.
Arrive le moment tant attendu de la prise de parole de Benoît XVI. Debout, gestes des mains et des bras pour renforcer sa pensée qu’il développe avec aisance (gestes bien connus lors des lectio divina) et à la fin le sourire vrai mais discret qui vient éclairer le visage avant la bénédiction. Les universitaires viennent le saluer et c’est là que je réalise que cette rencontre publique certes a attiré beaucoup de monde, des participants très variés, religieux, civils, cadeaux apportés, demandes d’autographes, personnes agenouillées, main embrassée gardée longtemps, des jeunes femmes très souriantes, ne boudant par leur plaisir de pouvoir le rencontrer, de jeunes hommes agenouillés devant lui, deux couples connus du moins les époux : Domenico Gianni qui embrasse la main et le Docteur Polisca. Deux religieuses et les mains de Benoît XVI posées sur l’une d’elles, leur joie et celle du pape émérite qui les écoute attentivement avec le sourire, combien d’autres personnes qui viennent à lui, des inconnus pour moi mais accueillis avec un plaisir évident par le héros du jour.
Comme il est loin le temps où le timing devait être respecté!! Là on avait le personnage vrai, convivial sans extravagance, ouvert aux autres. On arrive aux photos de groupe, encore une signature, un gendarme s’incline et embrasse sa main. Benoît XVI avec son gardien personnel va quitter la riche salle et retrouver un peu de calme.
Toutes ces photos resteront des souvenirs de cette journée mémorable un peu en dehors du temps. J’ai pris beaucoup de plaisir à les faire défiler pour recréer un passé que je regrette toujours. Elles témoignent de la puissance émotionnelle liée à la remise de ces distinctions. Le temps passé a dû être épuisant pour notre pape émérite mais les si nombreuses personnes présentes, les mots prononcés, les quelques paroles échangées avec lui et écoutées avec bienveillance et joie, les profonds signes de respect, d’affection, ont dû être un nuage de douceur pour celui dont les médias parlent comme d’un personnage oublié. Il n’est pas oublié, les gens l’aiment toujours et je pense que beaucoup de présents s’adressaient au pape sans autre précision.

Remettre des distinctions à un tel récipiendaire et les voir accepter avec tant de joie, de simplicité, recevoir un discours si riche, si profond en remerciement doit être une grâce inouïe que l’on conserve précieusement.

Passé et présent de Benoît XVI se mêlent pour constituer la trame de cette vie si riche. Sur les photos il n’a pas caché sa joie, visage heureux, mains serrées avec chaleur, accueil spontané et reconnaissant des titres remis, des universitaires et autres à la fin de la cérémonie, pas un mot pour se mettre en valeur, un orateur détendu maîtrisant parfaitement son sujet et charmant ainsi l’assemblée de grande classe et hautement intellectuelle amis sans rien de surfait, l’apanage des sujets brillants. La musique ne pouvait qu’être que présente. Cette musique qu’il apprécie tant et dont il parle avec brio fait partie intégrante de sa vie depuis sa tendre enfance. Au cours de ses nombreux déménagements son piano en dépit de certains problèmes de manutention l’ont toujours suivit, fidèle compagnon de toute une vie car il ne faut pas oublier qu’il est un pianiste averti.

Castel Gandolfo a participé à cette journée inoubliable. Le cadre de vie offert par ce lieu si cher à Benoît XVI a rendu la journée plus belle La fête a été joyeuse, discrète, simple, malgré la qualité des participants. Dans un cadre que Benoît XVI aime, cette petite ville qui le lui rend bien : le pape est là et on veille sur son repos, sa tranquillité, paroles du maire qui a apprécié qu’à sa descente de voiture, Benoît XVI ait salué les personnes. Ses habitants ont été ceux auxquels il a adressé ses dernières paroles publiques le 28 février 2013 au soir. Le lien est très fort et le fait de le voir revenir pour quinze jours de vacances ne peut que combler cette charmante bourgade. Pas de grands discours, un geste spontané qui n’a rien d’étonnant lorsque l’on connaît l’élégance de cœur, la finesse du pape émérite. De Castel Gandolfo le pape disait qu’il y trouvait tout ce qu’il aimait et de bonnes personnes. Alors qu’il était un « jeune »pape » et qu’il se promenait dans les magnifiques jardins il lui arrivait d’aller jusqu'à la ferme où paissaient des vaches laitières, celles qu’il qualifiait de « vaches heureuses ».

J’espère que cette journée n’aura pas été trop épuisante pour lui. Il a retrouvé le calme, sa famille pontificale qui veille si bien sur lui avec beaucoup d’attention et d’affection.
Qu’il soit remercié pour cette parenthèse si douce.

A bientôt

Jeannine