François est-il en train d'échouer?


Une question posée par le New York Times (enfin, pas tout à fait...) qui commence à émettre des doutes sur "l'effet François" (30/9/2016)


 
François a construit sa popularité au détriment de l'Eglise qu'il dirige.


Sur son nouveau blog Stilum Curiae [1], Marco Tosatti écrivait hier:

Le Pape François a-t-il échoué? Ce n'est pas votre pauvre blogueur qui se le demande, mais la question est le titre d'un éditorial du New York Times , signé Matthew Schmitz , qui est également rédacteur en chef [de la rubrique littéraire] de "First Things" (un site catholique conservateur, donc pas vraiment dans la ligne du journal, ndt). Nous vous proposons quelques passages car vous pourrez difficilement trouver quelque chose de semblable dans la presse italienne, à quelques rares exceptions près. Et très difficilement dans les grands journaux.


La même remarque vaut évidemment pour la France!
Et plutôt que de traduire les passages cités par Marco Tosatti, j'ai trouvé plus simple de retourner au texte original, d'autant plus que l'article n'est pas long et écrit dans un anglais très simple.
Je précise toutefois que le texte qui suit n'est pas à proprement parler un éditorial, mais une tribune, publiée dans la page "opinions" (op-ed), de sorte que le quotidien newyorkais qui fait la pluie et le beau temps parmi les journalistes de la presse dite 'mainstream' du monde entier peut facilement s'en démarquer, tout en maintenant son hostilité bien connue contre l'Eglise.
Mai bon, tel quel, on peut y percevoir une réelle lassitude envers le pape dont on attendait beaucoup et qui met vraiment beaucoup de temps à finaliser les réformes qui avaient suscité de grands espoirs en 2013. En ce sens, le journaliste de First Things apparaît comme un "allier objectif" du NYT.

Quoi qu'il en soit, l'article fait déjà beaucoup parler. Et c'est ce qui compte...

François a-t-il échoué?


Matthew Schmitz
28 Septembre 2016
www.nytimes.com

* * *

Lorsque François est monté sur la chaire de saint Pierre en Mars 2013, le monde a regardé avec étonnement. Voilà enfin un pape en ligne avec le temps, un homme qui préfère les gestes spontanés au rituel des formes. François payait sa facture d'hôtel et évitait les chaussures rouges. Plutôt que de déménager dans les grands appartements pontificaux, il s'installait dans la douillette maison d'hôtes destinée aux visiteurs du Vatican. Il adpotait également un nouveau ton non dogmatique avec des déclarations comme "Qui suis-je pour juger?"

Les observateurs prédisaient que la chaleur, l'humilité et le charisme du nouveau pape entraînerait un "effet François" - ramenant les catholiques mécontents vers une Eglise qui ne semblait plus aussi froide et pleine d'interdits.
Après trois ans de pontificat, les prédictions ont continue. L'hiver dernier, Austen Ivereigh, auteur d'une excellente biographie de François, a écrit que la position plus soft du pape sur la communion pour les divorcés remariés «pourrait déclencher un retour aux paroisses à grande échelle». A ses débuts, l'ordre jésuite auquel François appartient travaillait à ramener les protestants dans le giron de l'église. François pourrait-il faire la même chose pour les catholiques fatigués des gros titres sur la pédophilie et des guerres culturelles?

Dans un certain sens, les choses ont changé. La perception de la papauté, ou tout au moins du pape, s'est améliorée. François est beaucoup plus populaire que son prédécesseur, le pape Benoît XVI. Soixante-trois pour cent des catholiques américains l'approuvent, alors que seulement 43 pour cent approuvaient Benoît au plus haut de sa popularité, selon un sondage du New York Times et de CBS News en 2015 (2). François pense également qu'il est d'une grande importance de tendre la main aux catholiques mécontents.

Mais les catholiques sont-ils effectivement de retour? Aux États-Unis, au moins, c'est non. Une enquête récente du Center for Applied Research in the Apostolate de Goeorgetown suggère qu'il n'y a eu aucun effet François - au moins, aucun positif. En 2008, 23 pour cent des catholiques américains assistait à la messe chaque semaine. Huit ans plus tard, la fréquentation de la messe hebdomadaire est restée stable ou a légèrement (???) diminué, à 22 pour cent.

Bien sûr, les États-Unis ne représentent qu'une partie d'une Eglise globale. Mais les chercheurs de Georgetown ont constaté que certains types de pratique religieuse sont plus faibles aujourd'hui parmi les jeunes catholiques qu'ils ne l'étaient sous Benoît. En 2008, 50 pour cent des "millennials" (jeunes nés après 2000) déclaraient avoir reçu des cendres le mercredi des Cendres, et 46 pour cent disaient avoir fait un sacrifice au-delà de l'abstinence de viande le vendredi. Cette année, seulement 41 pour cent ont déclaré avoir reçu des cendres et seulement 36 pour cent ont déclaré avoir fait un sacrifice supplémentaire, selon la CARA. En dépit de la popularité personnelle de François, les jeunes semblent dériver loin de la foi.

Pourquoi la popularité du pape n'a-t-elle pas revigoré l'église? Peut-être qu'il est trop tôt pour juger. Nous n'aurons probablement pas une mesure complète de l'effet François avant que l'Eglise ne soit dirigée par les évêques nommés par François et que les prêtres adoptent son approche pastorale. Cela prendra des années, voire des décennies.

Pourtant, quelque chose de plus fondamental peut bloquer un effet François. François est un jésuite, et comme beaucoup de membres des ordres religieux catholiques, il a tendance à voir l'église institutionnelle, avec ses paroisses et ses diocèses et ses voies établies, comme un obstacle à la réforme. Il décrit les curés comme des «petits monstres» qui «jettent des pierres» sur les pauvres pécheurs. Il a fait aux responsables de la curie un diagnostic d'«Alzheimer spirituel». Il sermonne les militants pro-vie pour leur «obsession» sur l'avortement. Il a déclaré que les catholiques qui mettent l'accent sur l'assistance à la messe, la fréquentation de la confession, et récitent les prières traditionnelles qu'il sont des "pélagiens" - des hérétiques qui croient qu'ils peuvent être sauvés par leurs propres œuvres.

Ces dénonciations démoralisent les catholiques fidèles sans donner aux mécontents aucune raison de revenir. Pourquoi rejoindre une église dont les prêtres sont de petits monstres et dont les membres aiment à jeter des pierres? Lorsque le pape lui-même place les états spirituels internes au-dessus de l'observance des rites, il y a peu de raisons de faire la queue pour se confesser ou de se réveiller pour aller à la messe.

Même les fans les plus ardents de François s'inquiètent du retard de son agenda. Quand il a été élu, François a promis de faire le ménage dans les finances corrompues du Vatican (!!). Trois ans plus tard, il a commencé à battre en retraite face à l'opposition, renonçant à un audit externe et écartant du pouvoir le porte-parole (?) choisi par lui. François a également esquivé les grands changements sur les questions doctrinales. Au lieu d'approuver explicitement la communion pour les couples divorcés et remariés, il les a discrètement poussées avec un hochement de tête et un clin d'œil .

François a construit sa popularité au détriment de l'Eglise qu'il dirige. Ceux qui souhaitent voir une église plus forte pourraient devoir attendre un autre type de pape. Au lieu d'essayer d'adoucir l'enseignement de l'église, un tel homme devra dire comment la rude discipline peut conduire à la liberté. Affronter un âge hostile avec les revendications étranges de la foi catholique ne peut pas être populaire, mais au fil du temps, peut se révéler plus efficace. Même le Christ a rencontré les huées de la foule.

NDT


[1] Stilum Curiae prend la suite de San Pietro e dintorni, qui était hébergé par La Stampa, plus précisément le site hyper bergoglien Vatican Insider: "dans le cadre de la réorganisation de son site internet", La Stampa est sur le point de supprimer ses blogs; celui de Marco Tosatti faisait effectivement figure de poil à gratter, et il n'est pas interdit de penser que c'est lui qui est la cause de cette réorganisation...

[2] En réalité, le sondage, à lire ici, dit que ces opinions favorables sont à un niveau bien plus élevé que celles exprimées pour Benoît XVI à la fin de son pontificat (il y avait eu entretemps la campagne frénétique, dont le NYT avait pris la tête aux Etats-Unis, autour des affaires de pédophilie, impliquant la personne même du Pape). La référence (non précisée) est donc à février 2013, et non au "sommet de la popularité de Benoît XVI", càd en 2008, après son voyage aux Etats-Unis. On reconnaît l'hostilité du NYT envers Benoît XVI, jamais démentie! D'ailleurs, un sondage du Pew Center, en 2014, repris par Sandro Magister disait toute autre chose, cf. benoit-et-moi.fr/2014-I/actualites/leffet-franois. En 2008, le taux de satisfaction de Benoît XVI aux Etats-Unis - dû à ses seuls mérites - entre les "très favorables" et les "assez favorables", atteignait 83%. Ce qui était déjà assez extraordinaire, compte-tenu du niveau très bas dont il était parti en 2005, "grâce" aux campagnes médiatiques qui avaient accompagné son élection!