Hooliganisme et patriotisme


Autour des affrontements entre supporters, à Marseille, en marge de l'Euro de foot; et une réflexion de Rino Cammilleri (13/6/2016)



Des hooligans très blancs

J'ai traduit cet article de Rino Cammilleri avant-hier, l'ayant trouvé intéressant: il est toujours amusant de savoir ce que les autres pensent de "nous", et il faut admettre que là, "nous" somme servis (je mets "nous" entre parenthèses, car si je suis française, je ne me reconnais vraiment pas dans cette France-là!!).
Mais je ne l'avais pas publié, trouvant surdimensionné, et surtout instrumentalisé de façon suspecte par les medias (curieusement atteints de myopie collective, aucun n'ayant rien vu des "exploits" guerriers des "marseillais") l'épisode des bagarres de hooligans à Marseille en marge des Jeux de cirque en cours qui captent toute leur attention; des medias qui rivalisent de sottise depuis maintenent trois jours, nous abreuvant de commentaires insanes sur la "communion de tout un peuple dans la ferveur" autour de ses onze milliardaires en short et maillot bleus, mercenaires dans des clubs étrangers, dans une caricature de patriotisme gnangnan, et qui aujourd'hui dénoncent unanimement un "hooliganisme d'extrême-droite".
Mais depuis, les images m'ont prouvé que j'avais eu peut-être tort de sous-estimer les faits.
Entretemps, d'ailleurs, l'affaire a pris une autre dimension. Le ministre de l'intérieur, tout en accordant un sastifecit à la police (pourtant débordée) a rejeté la responsabilité sur la Russie (!!), coupable de ne pas "collaborer". Planent désormais des menaces d'expulsion de la compétition des russes, et des anglais (tiens donc!). Et ce matin, Daniel Cohn Bendit dans sa rubrique quotidienne sur une radio commerciale (où il est omniprésent: il intervient désormais aussi comme commentateur sportif) a été jusqu'à demander d'enlever purement et simplement (comment?) à la Russie l'organisation de la coupe du monde en 2018.

Un point positif émerge malgré tout: la candidature de la France (grande donneuse de leçon mais d'une inefficacité flagrante à l'épreuve des faits) à l'organisation des JO de 2024 vient de prendre un gros coup dans l'aile.

Mais au stade, on est libre d'avoir la fierté patriotique


Rino Cammilleri
11 juin 2016
www.lanuovabq.it
Ma traduction
(il y a de nombreuses expressions en français dans le texte, je les ai mises en italique)

* * *

Pauvre Marianne, entre les mains des francs-maçons qui, à force de relativisme, sont maintenant obligés de jouer les politiquement corrects. La 'Grandeur française', après les récentes raclées terroristes, a déployé ses ailes gauloises et lancé son puissant Cocorico: sachez tous que 'je suis Charlie' et 'je suis Bataclan'. Mesures de sécurité-limite, exercices sur le terrain et en mondiovision, déploiements napoléoniens de gendarmes.

Et, alors que tous les yeux étaient rivés sur Paris, voilà que les hooligans (mais n'ont-ils pas été éradiqués?) répondent avec leur "cuckadoodoo" britannique, mettant Marseille en pièce. Tout comme c'était arrivé à nous autres Italiens quand les supporters hollandais sont venus nous bousiller les fontaines romaines. C'est vrai, nous, nous n'avons pas la folie de la 'Grandeur' (nous ne pouvons pas nous la permettre), mais si Athènes pleure, la fière Sparte ne rit pas. Et même, elle fait rire. Evidemment que M. Hollande, poigne de fer avec la 'laïcité pour tous' (et 'par la force') et matraque sur les mamans avec des bébés dans la poussette, a la guigne: sa capitale sous l'eau, batailles de rue avec les ouvriers qui ont compris d'où vient le vent (i.e. que la flexibilité est le nouveau nom de l'insécurité), grève des éboueurs en concomitance avec les championnats, et la Ville Lumière à nouveau submergée (non par la Seine cette fois, mais par les ordures), les 'chemins de fer' annonçant les bras croisés au moment même où le tourisme français implore de l'oxygène.

Bref, le risque est l'annulation de l'avantage économique acquis par tous les croche-pieds, de la Libye à l' Egypte, infligés à la petite Italie. Eh oui, "qui de gauche caviar blesse, de syndicats périt" [jeu de mots jouant sur la rime ferisce (blesse)/perisce (périt), ndt]. Mais désormais, partout en Europe, il n'y a pas de 'force de frappe' qui tienne. La menace djihadiste montre que la désorganisation n'est pas qu'une prérogative italienne. Les services de sécurité et d'ordre prennent l'eau de partout. James Bond n'est un génie qu'au cinéma, de même que les Américains ne sont de grands guerriers qu'à Hollywood. La réalité est autre chose et l'Europe ne tient debout qu'à coups de slogans politiques. La vérité est que le nationalisme n'est jamais mort, à commencer par les États-Unis, où il n'y a pas de maison sans un drapeau à la bannière étoilée sur le balcon ou sur le porche.

Ce sont justement les Français qui ont inventé la Nation en 1789, et ils y tiennent encore. Et comment voulez-vous que des «nations» qui se sont déchirées pendant deux siècles, endoctrinées à haïr l'«étranger» au point de préférer être gouvernées par un imbécile à condition qu'il soit autochtone, commencent à s'aimer les unes les autres juste parce que «l'Europe le demande»? L'unique défoulement est autorisé dans le stade, où chacun retrouve la fierté patriotique. Bien sûr, mieux vaut se battre sur les gradins qu'avec les canons et les bombardements au sol, mieux vaut les "circenses" que Redipuglia ou la Vallée de los Caidos. Mais cela aiderait certainement la 'fraternité' européiste si on en finissait avec les documentaires sur le nazisme et la Résistance, les films et les fiction sur la Shoah et la Seconde Guerre mondiale, les romans perpétuels sur les mêmes thèmes et la prison pour les négationistes du génocide.

Sinon, cela ressemblera à la barque dans laquelle quelques-uns travaillent à la perceuse d'un côté, tandis que de l'autre, d'autres vident l'eau avec un seau. Deux rhétoriques opposées, comme disent les mathématiques, s'annulent réciproquement. Et le résultat est le ridicule. En attendant qu'après le rouge, un autre totalitarisme, peut-être vert, vienne mettre de l' ordre. Evidemment 'à sa façon'.