Propagande anticatholique


Annoncé: un film de Spielberg sur l'affaire Mortara, du nom de cet enfant juif baptisé et enlevé à ses parents, à l'époque de l'unité italienne, sur ordre de Pie IX (en fait, les choses sont légèrement plus complexes) (25/10/2016)

>>> Sur ce projet: Voir ici
>>> Ci-contre: l'abbé Mortara avec sa mère et son frère.

 

En 2005, au lendemain de l'élection de Benoît XVI, les éditions "MicroMega, Gruppo editoriale l'Espresso" (connues pour être la voix des plus féroces opposants à la papauté, du moins sous le règne de Benoît) proposait sous le titre "Dio Esiste?" (traduit en français aux éditions Manuel Payot sous le titre "Joseph Ratzinger, Paolo Flores d'Arcais: Est-ce que Dieu existe, Dialogue sur la vérité, la foi et l'athéisme") le verbatim complet d'un débat qui s'était déroulé en septembre 2000 à Rome entre le cardinal Ratzinger, et Paolo Flores d'Arcais, athée militant et adversaire acharné de la papauté, et accessoirement professeur de philosophie à l'Université de la Sapienza (établissement ex-prestigieux, tristement connu pour avoir refusé de recevoir le Pape Benoît en janvier 2008, preuve que l'ouverture d'esprit et la générosité dont le Préfet de la CDF avait donné la preuve ne trouvait pas d'écho chez les intellectuels "éclairés" de la grande université romaine).
Pour l'anecdote, le débat était "modéré" par Gad Lerner, un journaliste vedette de la télévision italienne, d'origine juive, lui aussi homme de gauche convaincu. Autrement dit bien plus partisan que modérateur.
Nous en avons parlé quelque part dans ces pages.
Dans la premère partie du débat, les deux complices ont tenté de déstabiliser le cardinal en le sommant de s'expliquer sur le grand "mea culpa" de l'Eglise pour toutes les fautes commises par ses fils au cours des siècles, décidé par Jean Paul II à l'occasion du jubilé de l'an 2000.
Je cite Flores d'Arcais (page 49):

Le cardinal vient de nous rappeler, à juste titre, que la liturgie de la pénitence est quelque chose qui concerne avant tout l'Église, plus que le monde. Je me limiterai donc à reprendre sur ce point quelques réflexions que j'ai lues et qui ont été avancées par des croyants, lesquels ont vu, c'est vrai, quelque chose d'important dans cette reconnaissance des graves péchés du passé, qui étaient fondamentalement des péchés d'intolérance - les croisades, l'antisémitisme, etc. -, mais ont vu aussi des limites et des contradictions dans cette confession des péchés passés de l'Église.
La première réflexion porte sur le caractère tardif de cette reconnaissance. Pas tellement sur le fait qu'on reconnaît aujourd'hui seulement des péchés commis il y a des centaines, voire des milliers d'années, mais plutôt sur le fait que l'Église, ayant ainsi solennellement décidé de reconnaître ses péchés, ne reconnaît pas pour autant ce qui apparaît aux yeux de beaucoup de catholiques comme étant des péchés tout aussi graves et qui sont commis aujourd'hui.
L'un d'entre eux a été rappelé par beaucoup de catholiques : quel sens cela peut-il avoir de rappeler toutes ces injustices que l'Église a couvertes dans le passé et de ne pas rappeler, puisque c'est le pape qui parle à la première personne, un acte que ce pape lui-même a commis ? À savoir sa fameuse apparition au balcon, à Santiago du Chili, au côté du général Pinochet, offrant ainsi la bénédiction de l'Église à un régime criminel et sanguinaire...
Et des choses de ce genre, on pourrait en citer beaucoup... Du côté des représentants des communautés juives, il a été soutenu que la reconnaissance de l'antisémitisme traditionnel de la part de l'Église avait été trop tiède et contradictoire, une contradiction qui devient ostensible, disons, quand on procède à la béatification d'un pape, Pie IX, dont non seulement tout le monde sait qu'il a été un champion de l'antilaïcité de l'État, de l'intégrisme le plus traditionnel, le dernier pape-roi - et je pense que nous reviendrons sur ce sujet -, mais qui en outre, avec le fameux enlèvement d'un enfant juif [Allusion à l'enlèvement par l'Inquisition, en 1858 à Bologne, d'un enfant juif âgé d'un an qui, déjà baptisé par une bonne, fut placé à la Maison des catéchumènes de Rome, sous la protection personnelle du pape Pie IX. À l'époque, cette affaire souleva un énorme scandale (Note de l'éditeur du livre)] a marqué d'un sceau éclatant une attitude qu'on ne peut certes pas qualifier d'ouverte et de tolérante à l'égard des juifs de Rome.
Eh bien, à partir du moment où l'on a ainsi décidé solennellement de faire non pas son autocritique - c'est en politique qu'on fait ce genre de choses -, mais quelque chose de beaucoup plus fondamental pour une Église, à savoir de reconnaître ses propres péchés, tout ce qu'on ne reconnaît pas et qui est de toute évidence une faute, un péché, se trouve implicitement justifié comme acceptable, non peccamineux. Et c'est précisément cela qui jette une ombre profonde sur cette célébration de la pénitence...


La digression du duo Flores/Lerner n'était sans doute pas au programme du débat tel qu'il avait dû être présenté au cardinal pour justifier sa présence: ce dernier manifeste son désaccord, et refuse fermement de s'engager sur ce terrain, rappelant qu'il est venu "pour un débat philosophique", dont il énumère les nombreux thèmes prévus mais même pas encore esquissés, avant d'affirmer qu'il ne veut en aucun cas "passer du débat philosophique à un terrain trop historique, empirique et contingent"

* * *

Quoi qu'il en soit, c'est à ce débat que j'ai pensé en trouvant ce texte publié par Riscossa Cristiana au début de ce mois.
Il est question d'un film de Steven Spielberg, (en tournage ou en post-producction) à sortir en 2017, consacré à l'affaire Mortara, l'histoire d'un enfant juif qui, selon la doxa officielle, aurait été arraché à ses parents par le pape Pie IX (c'était en plein processus d'unification italienne, qui mit un terme aux Etats Pontificaux, et au "Pape-Roi"). L'affaire est revenue au premier plan de l'actualité en 2000, lors de la béatification de Pie IX par Jean-Paul II, suscitant de nombreuses protestations, notamment des mileux juifs.
Je n'ai aucun doute sur la façon dont le film sera reçu lorsqu'il sortira, surtout compte tenu du prestige du réalisateur. Ce sera une occasion supplémentaire de dénoncer les exactions passées de l'Eglise Catholique (qui n'a hélas plus de Pasteur suprême pour la défendre). Ceux qui auraient des doutes (ou conserveraient des espoirs) pourront lire cette interview que David Kertzer, l'auteur du livre pullitzerisé dont est tiré le scénario du film a accordé en avril dernier, au moment où ledit film était annoncé.

Q: L'histoire d'Edgardo Mortara a alimenté l'indignation du public aux États-Unis et en Europe, qui donna une impulsion aux efforts politiques visant à créer un Etat italien laïque et unifié. Aujourd'hui, le film va amener l'histoire à un public contemporain. Pensez-vous que les cinéphiles seront surpris que l'église catholique ait agi de la sorte il y a seulement 160 ans?

R: Peu de gens se rendent compte que l'Inquisition fonctionnait encore au 19ème siècle, et que là où le pape disposait de pouvoirs de police, comme c'était le cas dans les États pontificaux, les enfants juifs étaient encore régulièrement arrachés par l'Eglise à leurs parents dans des cas de baptême forcé comme celui que raconte le livre.

Q: Pourquoi pensez-vous que l'affaire Mortara, par opposition aux histoires d'autres enfants juifs pris par l'église, est devenue tellement célèbre?

R: Pendant des siècles, en Italie, les petits enfants juifs ont été régulièrement enlevés par les chrétiens à leurs parents au prétexte de baptême secret, et en dehors de la communauté juive, personne ne semblait s'en soucier. Dans les États pontificaux, les Juifs n'avaient aucun droit civil, et bien sûr il n'y avait pas de liberté de la presse. Mais, en 1848, les Juifs d'Italie du nord-ouest - le royaume de Savoie - ont été libérés et ont commencé à avoir leur propre presse. A cette époque aussi, les Juifs en France et en Grande-Bretagne s'étaient vus accorder l'égalité des droits (??) et avaient leur propre presse. La bataille pour l'unification a aussi commencé par une révolte classique contre le pape en 1848, et elle avait pour mot d'ordre la nécessité de séparation de l'Eglise et de l'Etat. Le résultat est que non seulement la communauté juive mondiale a pu s'organiser au nom des Mortaras, mais aussi des figures majeures impliquées dans l'unification italienne, comme le comte de Cavour et l'empereur Napoléon III, sont devenues impliquées.


Dans l'article qui suit, Massimo Viglione, tout en soulignant l'impossibilité de juger les faits du passé à travers les lentilles du présent, raconte la véritable histoire d'Edgardo Mortara, et donne sa voix au point de vue catholique. Avant d'élargir le propos à une belle réflexion sur la foi de nos ancêtres.

Un exemple classique d'idéologisation des masses.
L'«affaire Mortara» devient un film

(...) ce qui différencie les catholiques d'aujourd'hui de ceux du passé, c'est d'abord une évaluation préalable de la valeur et des valeurs: pour ceux d'aujourd'hui, entièrement asservis à l'anthropocentrisme de la modernité, c'est le droit à la liberté et à l'égalité de tous les hommes qui vient en premier; pour les catholiques du passé, comme pour les derniers lointains épigones de la société médiévale théocentrique, c'est la nécessité du salut éternel qui venait en premier. Ce qui vient d'être dit peut sembler très banal, mais c'est la clé de tout: parce que beaucoup de catholiques aujourd'hui, et en premier lieu dans le clergé, ne croient plus au jugement de Dieu et au risque de la damnation éternelle, au nom d'une miséricorde toute fictive et «construite» à dessein, aux présupposés totalement mondains et immanents, tandis que les catholiques du passé croyaient fermement en une Miséricorde qui trouvait justement dans la Justice divine sa propre perfection absolue et dont les sacrements de l'Eglise - et surtout le baptême qui rend catholiques et enfants de l'Église - était la condition sine qua non.


Massimo Viglione
4 octobre 2016
www.riscossacristiana.it
Ma traduction

* * *

On sait désormais qu'en 2017 sortira un film du réalisateur juif Steven Spielberg centré sur l' «affaire Edgardo Mortara» (ndt: The kidnapping of Edgardo Mortara, inspiré du roman éponyme de David Kertzer). Il est superflu de dire la nécessité d'une clarification préalable de toute l'affaire, pour ceux qui ne la connaissaient pas.

Edgardo Levi Mortara était un Juif, né dans les États pontificaux sous le règne du bienheureux Pie IX, à qui il arriva un destin particulier, auquel toutefois il répondit d'une manière inattendue, que son milieu d'origine, et le monde des pouvoirs forts et «médiatiques» de l'époque (et d'aujourd'hui) n'apprécièrent décidément pas.

Edgardo nacquit à Bologne le 27 Août 1851. Les Mortara, contrevenant aux lois des États pontificaux, avaient à leur service une domestique catholique de quatorze ans, Anna Morisi, laquelle, voyant la vie du bébé en danger, décida de sa propre initiative de la baptiser in articulo mortis.

En 1858, par une série de coïncidences, le fait devint public: un catholique vivait et grandissait en tant que Juif. Selon les lois de l'État - qui empêchait qu'un catholique puisse être élevé et éduqué par des non-catholiques - et par ordre du Saint-Office, la police intervint: de fait, le 23 Juin 1858, elle retira aux parents d'Edgardo l'autorité parentale, préleva l'enfant et l'amena à Rome, où il put grandir en tant que catholique.

L'affaire fut rendue publique au niveau international, et bien entendu, Cavour et Cie profitèrent de l'occasion pour discréditer aux yeux du monde, le pouvoir temporel et Pie IX, lequel, après avoir pris connaissance des faits, approuva la décision d'élever Edgardo en catholique, au prix de l'enlever à ses parents. Les protestations vinrent de toute l'Europe, des chancelleries de nombreux Etats et même des cercles catholiques, mais Pie IX resté ferme sur sa position, tout en sachant que sa décision ferait le jeu de la propagande anti-papale et anti-catholique des partisans de l'unité italienne. Et en effet, on en parle aujourd'hui encore, au point que pendant le procès de béatification de Pie IX ce fut l'un des sujets critiques que firent valoir les adversaires - non seulement politiques et extérieurs à l'Eglise, mais surtout ceux internes - de la béatification elle-même. Et même, comme on vient de le dire, un réalisateur comme Spielberg a voulu en faire un film qui va sûrement être critique, bien que l'on ait aujourd'hui dans l'Eglise un cours certainement très favorable à l'œcuménisme.

Mais dans tout cela, il y a un aspect inattendu, comme nous le disions au début, et nous sommes vraiment curieux de voir si Spielberg aura l'honnêteté de le représenter correctement dans son film (nous en doutons, bien sûr).

LA SURPRISE
-----
Edgardo fut élevé à la Maison des catéchumènes, une institution fondée à l'usage des juifs convertis au catholicisme et devint sincèrement catholique au point de devenir prêtre et de consacrer sa vie, bien qu'évidemment avec peu de succès, à la conversion des Juifs, en commençant, comme il se doit, par sa propre famille.

Un an plus tard, en 1859, une délégation de notables israélites rencontra Edgardo pour lui apporter le soutien du monde juif, mais ils s'entendirent répondre: « Je ne suis pas intéressé par ce qu'en pense le monde».
Naturellement, la rumeur d'une conversion forcée se répandit, mais la réalité est que, comme on l'a dit, une fois devenu grand, Mortara, bien qu'il eût obtenu la permission de voir sa famille et de rester pendant une certaine période avec les siens, choisit librement, en homme devenu désormais adulte, de rester catholique et même de devenir prêtre. Dans son mémoire, écrit comme un témoignage en faveur de Pie IX pour le processus de béatification, il nota: «Quand j'ai été adopté par Pie IX, dans le monde entier, on a crié que j'étais une victime, un martyr des jésuites. Mais je remercie la Providence qui m'avait ramené à la vraie famille du Christ, je vivais heureux à Saint-Pierre aux Liens, et le droit de l'Eglise agissait dans mon humble personne, en dépit de l'empereur Napoléon III, de Cavour et des autres grands de la terre. Que reste-t-il de tout cela? Seulement l'héroïque "non possumus" du grand pape de l'Immaculée Conception».

En 1867 Edgardo entra au noviciat des Chanoines Réguliers du Latran. Après la prise de Rome, ses parents, profitant du changement radical de situation à Rome, tentèrent à nouveau de reprendre leur fils, mais ce fut Edgardo qui refusa encore de revenir à la maison. Pour se soustraire à d'autres sollicitations, il quitta finalement Rome et se rendit d'abord dans le Tyrol , puis en France, où il fut ordonné prêtre à l'âge de vingt-trois ans, prenant le nom de Pie, en l'honneur du pontife qui l'avait accueilli au salut. En 1897, il se rendit aux États-Unis, mais l'Archevêque de New York fit savoir au Vatican qu'il s'opposait aux tentatives de Mortara d'évangéliser les Juifs en terre américaine et que son comportement l'Eglise mettait l'Eglise dans l'embarrass (un vrai prêtre de notre époque vivant avec un siècle d'avance). Mortara mourut le 11 Mars 1940 à Liège après avoir passé plusieurs années dans un monastère.

Dans son mémoire en faveur de la béatification de Pie IX, il rappelle qu'après son enlèvement par les gardes pontificaux, il reçut la visite de ses parents, mais qu'il ne voulait pas revenir dans sa famille, déjà touché par la grâce surnaturelle qui le retenait; quand il vit ses parents, il fut effrayé au point de se réfugier derrière la soutane d'un prêtre.

QUELQUES CONSIDÉRATIONS NÉCESSAIRES ET GÊNANTES
------
Ayant brièvement résumé la parabole de cet homme, il convient de faire quelque réflexion, même rapide, sur toute l'affaire, qui, comme on peut le comprendre facilement, investit tant le plan historique que théologique, afin de comprendre les raisons de ces choix .

La première pensée va à la Morisi: une fillette de quatorze ans assume la responsabilité de la décision de baptiser un nouveau-né juif dont la vie est en danger, par ailleurs fils de ses employeurs. La chose est incroyable, non pas parce que, comme on peut le penser aujourd'hui, il s'agit en soi d'un acte de manque de tolérance et de respect, mais au contraire, parce qu'elle nous montre l'incroyable profondeur de la foi qu'on pouvait encore trouver au XIXe siècle, même parmi les enfants du petit peuple ignorant, et même chez une domestique de quatorze ans. Cette jeune fille décide, comme elle-même le déclara, de baptiser l'enfant pour qu'il ne finisse pas dans les limbes pour l'éternité et de lui donner au contraire la possibilité de conquérir le paradis. En pratique, dans l'optique de la foi catholique et la théologie de toujours, elle lui a fait le plus grand cadeau qu'on puisse jamais faire à son prochain, et Mortara l'a certainement bien compris. Dans l'optique d'aujourd'hui , et ce pas seulement laïque, elle aurait opéré un abus intolérable et antidémocratique de pouvoir. Mais la Morisi n'était pas la fille de l'Eglise de nos jours.

La deuxième pensée va évidemment à Pie IX et au Saint-Office de l'époque, et est reliée directement au point précédent. Nous sommes encore dans une église traditionnelle. Nous avons encore à faire à un clergé qui croit vraiment en la religion catholique et aux devoirs de ce même clergé pour le salut des âmes : «Salus animarum suprema lex», auquel tout est subordonné, absolument tout. Si on a fait ce qui a été fait, ce n'est pas seulement parce que la loi de l'Etat pontifical l'imposait, mais parce qu'on aimait l'âme de cet enfant, bien que ce soit difficile à comprendre pour l'homme d'aujourd'hui, non seulement pour le non catholique ou laïque, mais aussi pour les catholiques, même les plus sincères, imprégnés comme ils le sont à la fois de tolérance démocratique et laïciste et d'«esprit du Concile» Vatican II, victimes des tendances théologiques et œcuméniques du post-concile. En pratique, Pie IX a fait ce qu'il a fait avec détermination parce qu'il voulait le salut de l'âme de ce fils de Dieu, et il l'a fait également au prix de devoir l'enlever à ses parents et de déchaîner l'opinion mondiale contre lui juste dans le moment le plus délicat de l'histoire des États pontificaux (nous sommes en fait en 1858). Nous disons que Pie IX a été animé par une charité sincère, même si cela peut scandaliser certains lecteurs ou susciter l'ironie. Et la charité consistait dans la ferme volonté ne pas fermer à une créature de Dieu, qui avait été baptisé, les portes du paradis.

Troisième point, le plus politique. Depuis toujours - et c'est ce que fera certainement aussi Spielberg - le monde laïciste, anti-catholique, juif, maçonnique et, bien sûr, moderniste et progressiste, a utilisé l'affaire Mortara pour accuser l'Eglise, et en particulier celle pré-conciliaire, de pratiquer les conversions forcées. Ceci est une authentique calomnie et une pure infâmie. Ce qui est arrivé à Mortara n'est arrivé qu'à lui et seulement parce qu'il avait été baptisé. La loi des États pontificaux interdisait absolument les conversions forcées, depuis toujours, parce que depuis toujours l'Eglise, les papes, avaient prohibé cette pratique. Ceci est un point clé: le même Mortara avait sept frères, à aucun d'entre eux il n'est arrivé quoi que ce soit. Mais naturellemnt, au-delà de Mortara, les dizaines de milliers d'enfants juifs nés sous Pie IX et sous tous les papes précédents de tous les temps, n'ont jamais subi un quelconque enlèvement, et la mondre conversion forcée (sinon, à l'évidence, il n'y auarit plus eu de Juifs dans l'État de l'Église ...). L'important, c'est qu'Edgardo avait été baptisé. Edgardo, malgré lui, ou plutôt, malgré ses parents, était catholique. En tant que tel, il ne pouvait pas, non seulement pour la loi, qui de toute façon était évidemment la conséquence d'une vision théologique de la société, mais pour la théologie et la foi catholique, grandir en non-catholique. C'est paradoxal, mais la décision radicale de devenir prêtre et de se consacrer à la conversion des juifs, et la gratitude au Pape qui l'arracha à ses parents, démontrent sans équivoque que Mortara, contrairement à nos catholiques actuels, avait parfaitement compris l'immense don qu'il avait reçu.

Quatrième point. Il semble superflu ou une subtilité, mais il ne l'est pas. Cette histoire démontre catégoriquement que le motif sur lequel se fondait cette loi, et la décision de Pie IX de s'y conformer jusqu'au bout, contrairement à ce que certains calomniateurs de profession ont déclaré (et comme le dira probablement Spielberg), n'avaient rien de «raciste» (rappelons que c'est justement avec les Lumières, mais surtout avec le positivisme du milieu du XIXe siècle que se propagent les germes du racisme biologique dont on connaît les développements): pour l'Eglise un Juif baptisé est catholique, exactement comme n'importe quel autre être au monde. Et même, il doit être davantage protégé, comme ce fut fait avec Mortara. Cela aussi est un paradoxe, mais une fois encore, c'est la charité qui est le motif d'un tel choix radical .

Je sais bien qu'il est très difficile de digérer ce discours aujourd'hui, même, comme nous l'avons dit, pour les catholiques de foi sincère, mais imprégnés par le changement survenu dans le clergé au cours des dernières décennies. Mais nous savons tous - même si presque personne n'applique dans la pratique cette règle évidente et certaine - qu'un événement historique ne peut pas être jugé avec les yeux des hommes qui vivent des siècles plus tard, mais que nous devons nous efforcer de juger avec la mentalité des hommes qui ont vécu en direct et en tant que protagonistes l'événement en question. Et, dans le cas de cette histoire, ce qui reste, c'est que la petite de quatorze ans et l'un des plus grands papes de l'histoire de l'Eglise ont été motivés par la même foi, par la même connaissance théologique (très élémentaire dans le premier cas, très haute dans le second, mais dont les fondements étaient communs), et par la même conception de la charité. À savoir que, comme je l'ai dit, «Salus animarum suprema lex». Et cette même conception, qui appartient à l'Église de toujours, et depuis toujours, est basée sur deux principes, aujourd'hui souvent mal compris, mais certainement pas pour autant faux ou modifiés: 1) que tout homme est sur la terre pour mériter le paradis, mais il doit "se" le gagner et il y a des règles pour pouvoir l'obtenir et éviter la damnation éternelle; 2) qu'hors de l'Eglise il n'y a pas de salut («Extra Ecclesiam nulla salus»), et donc les autres religions ne sauvent pas, et quiconque le soutient n'agit pas selon la miséricorde. La vraie.

Des principes qui ne plaisent plus aujourd'hui, et d'abord aux catholiques, mais qui pour les acteurs de cette époque (la domestique, le pape, le Juif baptisé) étaient l'essence même de leur foi. La chose peut ou non être agréable, mais telle est la réalité.

Et c'est une réalité qui nous fait comprendre pleinement, si nous sommes de bonne foi, que ce qui différencie les catholiques d'aujourd'hui de ceux du passé, c'est d'abord une évaluation préalable de la valeur et des valeurs: pour ceux d'aujourd'hui, entièrement asservis à l'anthropocentrisme de la modernité, c'est le droit à la liberté et à l'égalité de tous les hommes qui vient en premier; pour les catholiques du passé, comme pour les derniers lointains épigones de la société médiévale théocentrique, c'est la nécessité du salut éternel qui venait en premier. Ce qui vient d'être dit peut sembler très banal, mais c'est la clé de tout: parce que beaucoup de catholiques aujourd'hui, et en premier lieu dans le clergé, ne croient plus au jugement de Dieu et au risque de la damnation éternelle, au nom d'une miséricorde toute fictive et «construite» à dessein, aux présupposés totalement mondains et immanents, tandis que les catholiques du passé croyaient fermement en une Miséricorde qui trouvait justement dans la Justice divine sa propre perfection absolue et dont les sacrements de l'Eglise - et surtout le baptême qui rend catholiques et enfants de l'Église - était la condition sine qua non.

Au fond, l'affaire Mortara peut nous aider à choisir notre camp. Même Spielberg peut nous y aider, à condition que nos âmes soient honnêtement ouvertes à la vérité historique et théologique.