Une interview du Père Spadaro


Le sherpa du Pape a accordé une interview à David Gibson, pour le site américain progressiste <Religion News service>. Sans doute un exercice de com' piloté par l'hôte de Sainte Marthe (30/12/2016)




L'impression est qu'il s'agit d'une opération de sauvetage télécommandée: François est dans l'impasse, et il faut rapidement lui donner l'étoffe et le profil dun chef et d'un homme de gouvernement, et en même temps d'un homme de Dieu: non, il n'est pas un Pape "gentil", il tient fermement les rênes de l'Eglise et il sait où il va; il aime l'opposition, mais pas celle de gens qui veulent "imposer leur point de vue" (quid des "quatre cardinaux"? La question ne lui est pas posée); ces opposants font beaucoup de bruits sur les réseaux sociaux, mais on ne les entend pas "en dehors des sacristies"; il est en parfaite santé et sa bonne forme est un "don de Dieu"; il est très ouvert; il prie beaucoup et il veut remettre le Christ au centre de tout; il a entamé des processus irréversibles: les maîtres-mots de son pontificat sont "miséricorde" et "discernement"; etc, etc...
Répétons ce que nous avons eu l'occasion de dire récemment: "l'interview parle d'elle-même", et elle devrait donc (en principe!) se passer de commentaire... mais je n'ai pu m'empêcher d'en rajouter quelques-uns de mon cru [en italique entre crochets]
Elle est manifestement destinée à des gens qui ignorent le B.A.BA de la religion catholique, et qui en particulier n'ont aucune connaissance du Pape et de son activité - et encore moins du contenu d'Amoris Laetitia - sinon à partir des gros titres des médias mainstream.
Pourquoi alors s'adresser à eux, et à quel titre faut-il leur rendre des comptes?
Ce que nous savons du Père Spadaro, et le portrait du Pape qui émerge ici (qui contredit de façon flagrante la perception de journalistes bien informés, et même le témoignage de Leonardo Boff) conduira au contraire les observateurs plus attentifs à voir dans l'interview (plutôt complaisante) de David Gibson, et dans les réponses du jésuite, un exercice de communication piloté par l'hôte de Sainte-Marthe, doublé d'une opération de "marketing" cousue de très gros fil blanc...

Questions/réponses au Révérend Antonio Spadaro, un jésuite qui a l'oreille du Pape


David Gibson
27 décembre 2016
Religion News service
Ma traduction

* * *

Spadaro a donné cette interview à RNS fin Novembre, à son bureau de la Villa Malta, le siège de la Civiltà Cattolica. Dans une conversation abordant de nombreux sujets, il a parlé de l'opposition à François, de ce qui va se passer pour le pape et l'Église en 2017, comment François, à 80 ans, fait face à sa charge de travail, et pourquoi Spadaro est fatigué de voir le populaire pontife décrit comme un pape «gentil».


Q: François a initié de nombreux projets et réformes différents sur un large éventail de questions, beaucoup d'entre eux controversés. Que doit-on attendre, pour le pape et l'Eglise catholique en 2017?

R: La façon dont François prend des décisions consiste à ne pas échafauder de plans et de propositions, avec de grandes choses à faire ici et de petites choses là. Non, c'est juste du discernement réel. Il comprend ce qu'il faut faire au fur et à mesure. Donc, c'est imprévisible, même pour lui. Il m'a dit, dans notre premier entretien en 2013 et à d'autres moments, que c'est toujours une surprise. Il n'y a aucun moyen de prévoir ce qu'il va faire.
Mais je dirais que ce que j'ai perçu (en lui), c'est une impression, pas de précipitation, mais une urgence à tirer profit du temps.

Q: Effectivement, il a eu 80 ans en Décembre?

R: Mais ce n'est pas un sentiment de pression. Il n'a absolument aucun sentiment de hâte parce qu'il sait que l'Église est à Dieu. Ce n'est pas à lui que cela incombe. Donc, il donne l'exemple en ouvrant des processus. Il peut voir au moins la fin de certains des processus qu'il a entamés. Il ne ressent aucune sorte de pression ou d'urgence. Mais il veut saisir le moment, profiter du temps qui lui est donné. C'est un sentiment de responsabilité; ce n'est pas un sentiment de hâte.
Et je le vois parce qu'il est toujours calme et tranquille. C'est incroyable pour moi - c'est une sorte de miracle!

Q: Dans une récente interview, il a dit qu'il «dort comme une souche» six heures par nuit. Il a également dit qu'il prie beaucoup, et que son endurance est «une grâce du Seigneur». Quel est son secret?

R: Oui, il n'est jamais stressé. Il est toujours au travail, mais jamais stressé [ndt: ce n'est pas ce qui ressort des témoignages fiables de personnes de son entourage, qui rapportent qu'il se laisse volontiers aller à la colère et à l'impatience]. C'est une sorte de miracle. Mais comme il le dit, c'est un homme de prière [???].

Q: Tout cela naît de la prière ...?

R: Il commence dans sa chapelle. Il n'a pas de bureau. Il a une chambre à Santa Marta. Son bureau est sa chapelle [!!!].

Q: OK, mais [avez-vous] des hypothèses sur ce qui pourrait venir ensuite?

R: Cela ne m'intéresse pas vraiment ...

Q: Le prochain synode au Vatican, prévu pour Octobre 2018 sur le thème des jeunes, semble certainement être une préoccupation majeure, non?

R: Le grand sujet, ou le thème, que je vois se présenter à plusieurs reprises au cours des derniers mois est le «discernement». C'est au cœur d'Amoris Laetitia [l'auteur explique ici à ses lecteurs ce qu'est 'Amoris Laetitia'!!], en particulier le discernement pour les prêtres et les séminaristes.
Il se rend compte que le problème au cœur d'Amoris Laetitia n'est pas un problème dogmatique - que ce n'est pas un problème dogmatique.
Le problème est que l'Église doit apprendre à appliquer la pratique du discernement mieux et plus profondément et non pas seulement appliquer les règles de la même manière pour tout le monde. L'Église doit être attentive à la vie des gens, à leur cheminement de foi et à la manière dont Dieu agit dans chaque personne. Donc, un pasteur ne peut pas être un pasteur en appliquant des règles générales pour les personnes individuelles. L'Église doit croître dans le discernement. Ce devrait être aussi l'un des sujets les plus importants du prochain synode.

Q: En attendant, ceux qui critiquent ce discernement - comme les fameux quatre cardinaux - disent qu'ils ont besoin de réponses «oui ou non»?

R: Je ne sais pas si ce sont ceux qui critiquent le discernement. Je sais juste que le pape a dit que la vie n'est pas en noir et blanc. Elle est en gris. Il y a beaucoup de nuances, et nous devons discerner les nuances.
Tel est le sens de l'Incarnation - le Seigneur a pris chair, ce qui signifie que nous avons à faire à une véritable humanité, qui n'est jamais fixée, ni trop claire. Donc, le pasteur doit entrer dans la dynamique réelle de la vie humaine. Tel est le message de la miséricorde. Discernement et miséricorde sont les deux grands piliers de ce pontificat [le "discernement" vu par le couple Spadaro/François, n'est-ce pas l'autre nom du relativisme?].

Q: Cela a-t-il un sens [de dire] que l'opposition à l'approche de François augmente et s'intensifie?

R: Non, non! Le problème est que certains opposants font beaucoup de bruit, en particulier sur les médias sociaux [que lui-même fréquente assidument!!]. Ils créent une caisse de résonnance. Mais vous ne pouvez entendre le bruit que dans les sacristies. Si vous sortez des sacristies vous ne pouvez rien entendre. Et donc, seules les personnes à l'intérieur des sacristies peuvent entendre ce grand bruit [là, l'auteur de l'interview se croit obligé de préciser à ses lecteurs qu'une sacritie est l'endroit où le prêtre change de vêtements pour célébrer la messe!!].
La question ne concerne pas quatre cardinaux, ou d'autres. François a dit à maintes reprises, qu'il aime l'opposition [ne serait-ce pas plutôt "fare casino"?]. Ce n'est pas un problème pour lui. Il a toujours connu l'opposition, dans sa vie. Il a pris l'habitude de l'opposition et il a réalisé que la vie est faite de tension [mais la tension, c'est aussi la discorde, et être Pape, c'est rétablir la concorde]. Et parce que la vie est faite de tension, s'il n'y a pas de tension, il n'y a pas de vie. Un bon signe de l'efficacité du processus de réforme est précisément l'émergence de l'opposition.
Mais François établit une distinction entre deux types d'opposition: il existe une opposition qui est la critique par des gens qui se soucient de l'Église. Ils aiment l'Église. Ils veulent vraiment, en toute bonne foi, le bien de l'Église. Mais il y a un autre type d'opposition, qui est simplement d'imposer son propre point de vue, qui est une opposition idéologique.
Le pape écoute la première et est ouvert à apprendre. Mais il ne prête pas trop d'attention à la seconde sorte [et dans quelle catégorie doit-on ranger les dubia??]

Q: Est-ce que la «bonne» opposition grandit? Et qu'est-ce que cela signifierait pour l'approche du pape?

R: La bonne opposition est discrète. Il y a des gens qui parlent au pape et qui sont très directs. Et il aime ce genre de personnes, car ils ne font pas ces bruits qui sont des expressions théâtrales.
En 2013, il m'a dit, au début de notre première entretien, "si vous pensez que quelque chose que je dis est faux s'il vous plaît dites-le moi". Cela m'a beaucoup frappé. C'était une petite chose, mais elle m'a montré combien il est ouvert à la critique.
Mais vous devez tenir compte du fait qu'il y a des gestes ou des documents, comme Amoris Laetitia, qui sont le fruit d'un long processus. Ce n'est pas seulement le pape qui dit cela, il y a deux synodes, et les synodes étaient très ouverts et directs. Et cela lui a beaucoup plu [ah bon?].
Et à la fin il a écrit son exhortation parce qu'il connaît son métier de pape - parce qu'il n'est pas seulement un pape «gentil».

Q: Que voulez-vous dire par là? Il y a beaucoup de gens qui pensent qu'il est en fait très gentil et c'est pour cela qu'ils l'aiment.

R: Je suis fatigué de voir cela, que le pape est «gentil et bon». Oui, il est gentil et il est bon, bien sûr. Mais il sait ce que signifie être un pape. Il est absolument conscient de son job. Il sait quoi faire et il sait quel genre de pouvoir il a - qui est un pouvoir de service [cette insistance est étrange. Si c'était si évident, pourquoi le répéter à ce point?]. Il est le pape, et il sait qu'il est pape. Il est pleinement conscient de son ministère comme successeur de saint Pierre. Il exerce donc le pouvoir des clés de Pierre quand c'est nécessaire. Mais il écoute beaucoup, il reçoit des informations, il est ouvert. Il prie beaucoup avant de faire quelque chose. Mais quand il prend une décision, cette décision vient d'un long processus. C'est très important. Écouter, prier et discerner.

Q: Donc, quand il agit en tant que pape, ce n'est pas un caprice personnel?

R: Il est très dur (tough). Il prend des décisions. Mais c'est le résultat d'un processus. Il n'est pas gentil; il est dur. Il est miséricordieux. Il est calme et tranquille. ... Je n'aime pas l'image d'un pape juste «gentil». Jésus a donné un témoignage de l'amour de Dieu. Il n'était juste gentil [cette comparaison avec Jésus ne repire pas l'humilité!!]. La façon d'agir et de dire les choses du pape vient de l'Evangile. Elle est façonnée par l'Evangile. Elle n'est pas façonnée par le désir d'être gentil.

Q: Regardant vers l'avenir, les gens parlent également ce qui se passera «après François». Il a 80 ans. Quel est l'avenir de la papauté? Nous avons vu la réaction après Obama, avec les États-Unis élisant Donald Trump. Y aura-t-il une dynamique similaire avec François?

R: Cette question ne m'intéresse pas. Elle a un sens, bien sûr. Mais elle ne m'intéresse pas parce que je crois vraiment aux surprises de Dieu et je pense qu'il est le bon pape au bon moment, comme ce fut le cas au cours des dernières décennies. Je pense simplement que le processus que François a entamé est irréversible. Mais cela ne signifie pas que son successeur doit être comme lui. Il pourrait être complètement différent. Nous verrons, mais nous ne savons pas.

Q: François semble également respecter la tradition d'une manière qui est souvent négligée. Il n'a pas dépassé la limite de 120 cardinaux, par exemple, ce que Jean-Paul II a souvent fait.

R: Il n'est pas libéral, absolument pas. Il n'est pas conservateur, mais il n'est pas libéral. Il est quelque chose de différent. Et il n'aime pas non plus être entourés de «Bergogliens» - de gens comme lui [?????]. C'est donc une façon complètement différente de comprendre les choses.

Q: Comment avance la réforme de la Curie romaine? Il y a eu beaucoup de changements organisationnels.

R: Les structures peuvent changer, mais François a dit que vous devez changer l'âme avant de changer les structures. Et l'âme est en train de changer. ... La vision des départements (ndt: sic!) est très 'inclusive', elle ne divise pas chaque office en une partie différente de la vie ou de l'enseignement de l'Église.
Pour moi, le plus grand défi est de ne pas couper le peuple de Dieu en règles et morceaux, de sorte que les prêtres sont ici et les laïcs sont là. C'est une autre vision, une vision plus pastorale, plus globale, plus enracinée dans le Concile Vatican II.
Les réformes sont en cours, mais l'esprit est le bon, et l'esprit va remodeler les choses, lentement. Cela prend du temps, mais nous ne sommes pas pressés. C'est le fruit d'une consultation. Cela va de l'avant. Les choses progressent. Elles se développent tout à fait bien.
Ce qui est plus important pour moi est: Quelle est l'intention du pape? Un jour, je lui ai demandé: "Mais voulez-vous réformer l'Église?" Sa réponse a été: «Non». Je m'en souviens très bien. Nous étions dans sa chambre à Santa Marta. Il a dit: «Je veux juste pousser le Christ au centre de l'Église, je veux dire, de plus en plus Ainsi, si le Christ est au centre de l'église, il fera la réforme Ce n'est pas à moi que cela incombe. C'est à lui».
Si vous mettez le Christ au centre, vous pourrez tout changer. C'est très important pour moi parce que cela m'a fait réaliser qu'il ne l'intéresse pas de faire beaucoup de changements, il ne se soucie pas des changements. Il est inquiet au sujet de la roue interne de l'Église. Pour lui, ce doit être le Christ.
Par exemple, la miséricorde - la miséricorde signifie mettre le noyau de l'Evangile dans le cœur de l'église. Pas les règles, pas les problèmes, pas les normes. Le centre de l'Église est la miséricorde de Dieu. Ainsi, si la miséricorde de Dieu est au centre, vous pouvez tout comprendre dans une perspective différente. Et vous pouvez faire toutes les réformes que vous souhaitez.
Cela aide aussi à comprendre son propre rôle dans l'Église. Il ne se perçoit pas comme le centre de l'église, comme si tout était à lui. Voilà pourquoi il ne ressent pas la pression, le stress. Ce n'est pas à lui [d'agir]. C'est à Dieu. Il est un canal et il travaille pour cela. Après avoir terminé sa journée de travail, il mange bien et dort bien. C'est sa perception de son rôle dans l'Église.

Q: Sa santé est bonne?

R: Très bonne, oui. Le soir, il est fatigué. Mais il récupère très facilement. Parfois, pendant les voyages, par exemple, je peux le voir très fatigué à la fin de la matinée. Puis il va dormir pendant deux ou trois heures, et ensuite, pow!
Il sait comment se gérer lui-même. Je lui ai dit il y a quelques années, «Prenez soin de vous, préservez votre énergie». Il a dit: «Ne vous inquiétez pas à ce sujet. Quand je me sens fatigué, j'arrête». Ainsi, il peut annuler des audiences, ou parfois quand il se sent fatigué, il mange une pomme et il fait une sieste. Donc, il sait comment gérer sa santé.