Amoris Laetitia: la bagarre


La "guerre des interprétations" fait rage, évoquant irrésistiblement les fameux dessins de Caran d'Ache... Quelle différence avec Benoît XVI! (13/4/2016)

(dans le Figaro du 13 février 1898, en pleine affaire Dreyfus)

>>> Dossier: Amoris Laetitia




Et voilà que même les propos d'apaisement du cardinal Burke s'invitent malgré eux dans la polémique.

Décidément, François n'a pas lu la prière pour la paix, (faussement) attribuée au grand saint dont il a choisi de porter le nom:

Seigneur, faites de moi un instrument de votre paix.
Là où il y a de la haine, que je mette l’amour.
Là où il y a l’offense, que je mette le pardon.
Là où il y a la discorde, que je mette l’union.
Là où il y a l’erreur, que je mette la vérité.
Là où il y a le doute, que je mette la foi.
Là où il y a les ténèbres, que je mette votre lumière.

Quelle différence avec Benoît XVI, qui, au plus fort des nombreuses polémiques qui ont lacéré son Pontificat, trouvait toujours les paroles d'apaisement - qu'on pense à l'humilité (vraie, celle-là!) de sa lettre aux évêques de mars 2009, à propos de la levée de l'excommunication des 4 évêque lefebvristes.

Il y évoquait en particulier, dans la conclusion (*), le discours qu'il avait prononcé au Grand Séminaire pontifical romain (w2.vatican.va) le 20 février 2009, au moment où l'enfer se déchaînait contre lui, marquant le début de la tristement célèbre "affaire Williamson".
L'amertume de Benoît XVI, à ce moment, ne s'était pas traduite par des invectives unilatérales contre l'hypocrisie de ses juges - (comme l'a fait hier François, dans son homélie à Sainte Marthe, où il a une fois de plus vitupéré avec une agressivité stupéfiante contre les "docteurs de la loi", qui ont "le cœur fermé à la vérité de Dieu, agrippé seulement à la vérité de la loi (…) et ne trouve pas d’autre sortie que le mensonge, le faux témoignage et la mort"), il avait simplement rappelé avec douleur, et sans rejeter la faute sur les autres, la lettre de Saint Paul aux Galates. On peut dire que les mots qu'il prononçait alors s'applique à la virgule près à la situation céée aujourd'hui par la publication d'Amoris Laetitia.:

(...) Dans la Lettre, il y a une évocation de la situation un peu triste de la communauté des Galates, lorsque Paul dit: "Mais si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde que vous allez vous entre-détruire... Laissez-vous mener par l'Esprit".
Il me semble que dans cette communauté - qui n'était plus sur la voie de la communion avec le Christ, mais de la loi extérieure de la "chair" - ressortent naturellement également des polémiques et Paul dit: "Vous devenez comme des bêtes sauvages, l'un mord l'autre".
Il évoque ainsi les polémiques qui naissent là où la foi dégénère en un intellectualisme et l'humilité est remplacée par l'arrogance d'être meilleur que l'autre.
Nous voyons bien qu'aujourd'hui encore, il y a des cas semblables où, au lieu de s'insérer dans la communion avec le Christ, dans le Corps du Christ qui est l'Eglise, chacun veut être supérieur à l'autre et avec une arrogance intellectuelle, veut faire croire qu'il est meilleur. C'est ainsi que naissent les polémiques qui sont destructrices, que naît une caricature de l'Eglise qui devrait être une seule âme et un seul cœur.

(*)
Chers Confrères, durant les jours où il m’est venu à l’esprit d’écrire cette lettre, par hasard, au Séminaire romain, j’ai dû interpréter et commenter le passage de Ga 5, 13-15. J’ai noté avec surprise la rapidité avec laquelle ces phrases nous parlent du moment présent: "Que cette liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme; au contraire mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. Car toute la Loi atteint sa perfection dans un seul commandement, et le voici: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde: vous allez vous détruire les uns les autres !" J’ai toujours été porté à considérer cette phrase comme une des exagérations rhétoriques qui parfois se trouvent chez saint Paul. Sous certains aspects, il peut en être ainsi. Mais malheureusement ce "mordre et dévorer" existe aussi aujourd’hui dans l’Église comme expression d’une liberté mal interprétée. Est-ce une surprise que nous aussi nous ne soyons pas meilleurs que les Galates? Que tout au moins nous soyons menacés par les mêmes tentations? Que nous devions toujours apprendre de nouveau le juste usage de la liberté? Et que toujours de nouveau nous devions apprendre la priorité suprême : l’amour?