L'énigme du Troisième Secret de Fatima


Selon une contributrice du blog <One Peter Five>, le cardinal Ratzinger aurait confirmé qu'il n'avait pas été révélé en entier. Pour mémoire, voici ce que disait Benoît XVI, en pélerinage à Fatima en mai 2010 (19/5/2016)

>>> Dossier sur le voyage du Pape au Portugal du 11 au 13 mai 2010, avec de nombreux articles sur Fatima: benoit-et-moi.fr/2010-II


Plusieurs lecteurs ont attiré mon attention sur un article publié en début de semaine sur le blog One Peter Five.
L'auteur, Maike Hickson, y affirmait que le jour de la Pentecôte, au cours d'une conversation téléphonique, un prêtre allemand très âgé de sa connaissance, le Père Ingo Dollinger, théologien et "ami personnel de Benoît XVI", actuellement retiré au Brésil, lui avait fait une révélation assez explosive.

Peu de temps après la publication en Juin 2000 du Troisième Secret de Fatima par la Congrégation de la Foi, le cardinal Ratzinger a dit au Père Dollinger au cours d'une conversation privée qu'il y avait encore une partie du troisième secret qui n'a pas été publié!. «Il y a plus de ce que nous avons publié » a dit Ratzinger. Il a également dit à Dollinger que la partie publiée du Troisième Secret est authentique et que la partie inédite des discussions parle d' «un mauvais concile et d'une mauvaise messe» dans un avenir proche».

Le Père Dollinger m'a donné l'autorisation de publier ces faits, en la Fête de l'Esprit Saint, et m'a donné sa bénédiction.
(One Peter Five)


Je suis loin d'être une spécialiste, mais honnêtement, et sans remettre en cause la bonne foi de l'auteur, je me méfie par principe d'un scoop qui n'est en fait qu'une information de seconde ou troisième main (un procédé que Maike Hickson a déjà utilisé, il me semble, et dans un passé récent).
Disons que c'est possible, mais surprenant, le cardinal Ratzinger ayant toujours été très réservé et très attentif dans ses propos, surtout sur un sujet aussi grave, et d'autant plus qu'à l'époque, il n'était que le dépositaire du secret, qui appartenait au Pape, c'est-à-dire à Jean Paul II. Par exemple, dans le livre d'entretiens avec Vittorio Messori écrit en 1984, l'auteur souligne que son interlocuteur avait fermement repoussé toute demande pressante de précisions sur le Troisième Secret.

Sur sa page Facebook (le 16 mai), Antonio Socci qui connaît bien la question pour avoir écrit un livre en 2006 "Il quarto segreto di Fatima" où il milite en faveur de l'existence d'une partie non publiée du Troisième Secret, est lui aussi très réservé, il pense que «la phrase attribuée à Ratzinger... n'est pas crédible». Et il ajoute:

Du reste, il me semble qu'au-delà d'éventuelles phrases dites en privé, il a déjà parlé clairement et officiellement comme pape Benoît XVI, lors du pèlerinage à Fatima, en mai 2010.
À cette occasion, il a déclaré que le message de Fatima n'était pas conclu avec les événements du XXe siècle, mais concernait également le proche avenir et que ce message mettait en garde non seulement contre la persécution de l'Église en provenance de ses ennemis extérieurs, mais aussi contre de grandes épreuves et des persécutions de l'intérieur...


Il faut donc relire une fois de plus Benoît XVI.

Le 11 mai 2010, dans l'avion qui le menait vers Lisbonne, en plein scandale des abus sexuels sur les mineurs il répondait à une question sur le Troisième Secret, présentée par le P. Lombardi (selon le sage usage de cette époque):

Q: Sainteté, quelle signification ont pour nous aujourd’hui les apparitions de Fatima ? Quand vous avez présenté le texte du troisième secret à la Salle de presse du Vatican, en juin 2000, certains d’entre nous et d’autres collègues d’alors y étaient, il vous fut demandé si le message pouvait aussi être étendu, au-delà de l’attentat contre Jean-Paul II, à d’autres souffrances des Papes. Est-il possible, selon vous, de situer aussi dans cette vision les souffrances de l’Église d’aujourd’hui, liées aux péchés des abus sexuels sur les mineurs ?

R: Avant tout je voudrais exprimer ma joie d’aller à Fatima, de prier devant la Vierge de Fatima, qui est pour nous un signe de la présence de la foi, que c’est des petits proprement que nait une nouvelle force de la foi, qui ne se limite pas aux seuls petits, mais qui a un message pour tout le monde et rejoint le cours de l’histoire dans son présent et l’éclaire. En 2000, dans la présentation, j’avais dit qu’une apparition, c’est-à-dire un événement surnaturel, qui ne vient pas seulement de l’imagination de la personne, mais en réalité de la Vierge Marie, du surnaturel, qu’un tel événement entre dans un sujet et s’exprime dans les possibilités du sujet. Le sujet est déterminé par ses conditions historiques, personnelles, de tempérament, et donc traduit ce grand événement surnaturel dans ses possibilités de voir, d’imaginer, d’exprimer, mais dans ses expressions, formées par le sujet, se cache un contenu qui va au-delà, plus profondément, et c’est seulement dans le cours de l’histoire que nous pouvons voir toute la profondeur, qui était – disons – « vêtue » dans cette vision possible aux personnes concrètes.
Je dirais donc, ici aussi, au-delà de cette grande vision de la souffrance du Pape, que nous pouvons en premier lieu rapporter au Pape Jean-Paul II, sont indiquées des réalités de l’avenir de l’Église qui au fur et à mesure se développent et se manifestent. Par conséquent, il est vrai qu'au-delà du moment indiqué dans la vision, on parle, on voit la nécessité d’une passion de l’Église, qui naturellement se reflète dans la personne du Pape, mais le Pape est pour l’Église et donc ce sont des souffrances de l’Église qui sont annoncées. Le Seigneur nous a dit que l’Église aurai toujours souffert, de diverses façons, jusqu’à la fin du monde.
L’important est que le message, la réponse de Fatima, ne réside pas substantiellement dans des dévotions particulières, mais dans la réponse de fond, c’est-à-dire la conversion permanente, la pénitence, la prière et les trois vertus théologales : foi, espérance et charité. Ainsi voyons-nous ici la réponse véritable et fondamentale que l’Église doit donner, que nous, chacun de nous, devons donner dans cette situation.

Quant aux nouveautés que nous pouvons découvrir aujourd’hui dans ce message, il y a aussi le fait que les attaques contre le Pape et contre l’Église ne viennent pas seulement de l’extérieur, mais les souffrances de l’Église viennent proprement de l’intérieur de l’Église, du péché qui existe dans l’Église. Ceci s’est toujours su, mais aujourd’hui nous le voyons de façon réellement terrifiante : que la plus grande persécution de l’Église ne vient pas de ses ennemis extérieurs, mais naît du péché de l’Église et que donc l’Église a un besoin profond de ré-apprendre la pénitence, d’accepter la purification, d’apprendre d’une part le pardon, mais aussi la nécessité de la justice. Le pardon ne remplace pas la justice. En un mot, nous devons ré-apprendre cet essentiel : la conversion, la prière, la pénitence et les vertus théologales. Nous répondons ainsi, nous sommes réalistes en nous attendant que le mal attaque toujours, qu’il attaque de l’intérieur et de l’extérieur, mais aussi que les forces du bien sont toujours présentes et que, à la fin, le Seigneur est plus fort que le mal, et pour nous la Vierge est la garantie visible, maternelle, de la bonté de Dieu, qui est toujours la parole ultime dans l’histoire.
(w2.vatican.va)


Et le 13 mai, sur l'esplanade du Sanctuaire de Fatima, Benoît XVI s'exclamait dans l'homélie:

Celui qui penserait que la mission prophétique de Fatima est achevée se tromperait. Revit ici ce dessein de Dieu qui interpelle l’humanité depuis ses origines : « Où est ton frère Abel ? (…) La voix du sang de ton frère crie de la terre vers moi ! » (Gn 4, 9). L’homme a pu déclencher un cycle de mort et de terreur, mais il ne réussit pas l’interrompre… Dans l’Écriture Sainte, il apparaît fréquemment que Dieu est à la recherche des justes pour sauver la cité des hommes et il en est de même ici, à Fatima, quand Notre Dame demande : « Voulez-vous vous offrir à Dieu pour prendre sur vous toutes les souffrances qu’il voudra vous envoyer, en réparation des péchés par lesquels il est offensé, et en intercession pour la conversion des pécheurs ? » (Mémoires de Sœur Lucie, I, p.162).

À la famille humaine prête à sacrifier ses liens les plus saints sur l’autel de l’égoïsme mesquin de la nation, de la race, de l’idéologie, du groupe, de l’individu, notre Mère bénie est venue du Ciel pour mettre dans le cœur de ceux qui se recommandent à Elle, l’amour de Dieu qui brûle dans le sien. À cette époque, ils n’étaient que trois ; leur exemple de vie s’est diffusé et multiplié en d’innombrables groupes sur la surface de la terre, en particulier au passage des Vierges pèlerines, qui se sont consacrés à la cause de la solidarité fraternelle. Puissent ces sept années qui nous séparent du centenaire des Apparitions hâter le triomphe annoncé du Cœur Immaculée de Marie à la gloire de la Très Sainte Trinité.
(w2.vatican.va)


Il convient, en guise de conclusion, de souligner l'aspect moral de cette affaire, indépendamment de la véracité ou non de l'information.
Un secret appartient d'abord à celui qui en fait la confidence, et en second lieu seulement à celui qui la reçoit. Dans le cas présent, le secret appartient au Pape Emérite (qui est, rappelons-le, bel et bien vivant, Dieu merci!), et lui seul peut décider ou non de le divulguer.
Il ne faudrait pas que pour faire passer leurs idées (aussi respectables et même justifiées qu'elle soient), certaines personnes cherchent à l'instrumentaliserà leur profit, à le "tirer pas la soutane" en quelque sorte, en utilisant des confidences qu'il a peut-être faites, il y a longtemps et sous le sceau du secret, alors que l'on sait bien qu'il ne peut pas répondre.