Benoit-et-moi 2017
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Développement de la doctrine

C'est l'argument invoqué par le Pape, dans un discours prononcé hier, pour réclamer un changement du Catéchisme de Jean-Paul II - cette fois, sur le thème de la peine de mort. (12/10/2017)

Le "développement doctrinal" est un instrument volontiers utilisé par les novateurs - qui citent, lorsqu'ils ont une culture théologique, l'"Essai sur le développement" de John Henry Newman - pour faire avancer leurs idées, comme le rappelait déjà le Père Hunwicke (benoit-et-moi.fr/2016).

Au risque d'ennuyer les lecteurs consciencieux avec quelque chose qu'il me semble avoir dit assez souvent, je le répète: certains d'entre nous ont vu tout cela avant, dans l' Église d'Angleterre. Les avocats les plus sophistiqués de l'"ordination" de femmes décrivaient cette innovation comme un "développement" licite, et murmurait les deux syllabes magiques "Newman" comme si c'était un mantra occulte.

Dans son discours d'hier, aux participants à la rencontre organisée par le Conseil Pontifical pour la promotion de la Nouvelle Évangélisation (dirigé par Mgr Paglia!) à l'occasion du XXVe anniversaire de la publication du CEC rédigé sous la direction du cardinal Ratzinger, lisant manifestement le texte préparé (le discours figure déjà dans les différentes langues sur le site du Vatican), le Pape n'a pas cité Newman, mais il a dit:

On ne peut garder la doctrine sans la faire avancer. On ne peut davantage l’enfermer dans une lecture rigide et immuable, si ce n’est en méprisant l’action de l’Esprit Saint.

Il s'agissait cette fois de justifier un changement du catéchisme pour l'adapter à l'esprit du temps (et à l'agenda du nouvel ordre mondial), à propos de la peine de mort. Mais il est évident que le même discours peut s'appliquer à toutes les situations où l'on cherche à modifier subrepticement la doctrine, notamment la communion aux divorcés remariés, le mariage des prêtres, le sacerdoce féminin, etc...

Compte-rendu sur La Bussola.

Peine de mort, le Pape demande un changement du catéchisme

Lorenzo Bertocchi
12 octobre 2017
www.lanuovabq.it
Ma traduction

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Hier après-midi, dans la nouvelle salle du Synode, le Pape a pris la parole pour commémorer les 25 ans qui se sont écoulés depuis la promulgation du Catéchisme de l'Église catholique.
François a souligné l'importance de dire les choses de toujours dans une langage adapté aux hommes de notre temps. Mais surtout, il a souligné l'horizon de la miséricorde et, a-t-il dit, «dans cet horizon de pensée, j'aime me référer à un thème qui devrait trouver dans le Catéchisme de l'Église catholique un espace plus adéquat et plus cohérent avec les objectifs exprimés».

La peine de mort est inadmissible
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« Je pense à la peine de mort. Ce problème ne peut pas être résolu au moyen d’un simple rappel de l’enseignement historique, sans faire apparaître, non seulement l’avancée de la doctrine chez les derniers Pontifes, mais également l’évolution dans la conscience du peuple chrétien, qui s’éloigne d’une attitude consentante à l’égard d’une peine qui lèse lourdement la dignité humaine».

A ce jour, le thème de la peine de mort est affronté au n° 2267 du Catéchisme, là où il est dit «L’enseignement traditionnel de l’Eglise n’exclut pas, quand l’identité et la responsabilité du coupable sont pleinement vérifiées, le recours à la peine de mort, si celle-ci est l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains»; si des moyens sans effusion de sang étaient suffisants, il est évident que l'autorité doit y recourir;

Avec les paroles prononcées hier par le Pape François, il est clairement demandé d'aller au-delà de la formulation actuelle.
«Il n’y a pas ici de contradiction avec l’enseignement du passé», a dit le Pape, «parce que la défense de la dignité de la vie humaine du premier instant de la conception jusqu’à la mort naturelle, a toujours été portée, dans l’enseignement de l’Eglise, par une voix cohérente et autorisée».
C'est le paradigme de la défense de la vie tout au long de l'existence, déjà expliqué lors de la récente ouverture des activités de l'Académie Pontificale pour la Vie et répété à plusieurs reprises par son président, membre historique de la communauté de Saint Egidio, Mgr Vincenzo Paglia.

Selon François, l'Église, dans le passé, a adopté une position qui n'est pas conforme à l'Évangile en étant permissive envers la peine de mort, bien qu'elle n'ait jamais considéré des typologies de crimes qui nécessitaient une telle punition, mais qu'elle n'ait été orientée vers cette possibilité que lorsque c'était «l’unique moyen praticable pour protéger efficacement de l’injuste agresseur la vie d’êtres humains».
«Nous assumons la responsabilité du passé, et nous reconnaissons que ces moyens étaient dictés par une mentalité plus légaliste que chrétienne», dit François. Et il ajoute: «Le désir de garder entiers les pouvoirs et les biens matériels avait amené à surestimer la valeur de la loi, empêchant ainsi d’aller plus en profondeur dans la compréhension de l’Evangile».

Benoît XVI aussi avait souhaité un effort pour abolir la peine de mort. Il l'avait fait en 2011, s'adressant aux participants à un meeting organisé par la communauté de Sant'Egidio, depuis toujours engagée dans cette requête. Benoît XVI avait lancé un appel pour qu'il y ait «des initiatives politiques et législatives promues dans un nombre croissant de pays pour éliminer la peine de mort et poursuivre les progrès substantiels accomplis pour conformer le code pénal avec la dignité humaine des prisonniers et le maintien effectif de l'ordre public».
Aucune référence au progrès de la doctrine ou à l'histoire de l'Église, chose que François a fait hier pour «mettre en lumière non seulement le progrès de la doctrine des derniers Papes, mais aussi la conscience changée du peuple chrétien, qui rejette une attitude consentante envers une punition qui porte gravement atteinte à la dignité humaine».

La doctrine progresse
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Après six ans de travail, en octobre 1992 avec la constitution apostolique Fidei depositum, à trente ans de l'ouverture de Vatican II, paraissait justement le Catéchisme de l'Église catholique pour qu'il puisse être un point de référence de la doctrine et de la moralité dans tout l'orbe. Un point de référence était nécessaire car le post-Concile, comme l'ont répété à plusieurs reprises les papes, n'était pas exempt de risques et de confusion.

Paul VI, puis Jean-Paul II et surtout Benoît XVI, ont mis en garde contre une interprétation de la doctrine en rupture avec le passé. Le développement doit se faire de manière homogène et continue. Sur le thème du "progrès" dans la doctrine, François est lui aussi intervenu.
«La tradition est une réalité vivante», a dit le Pape hier, «et seule une vision partiale peut penser au "dépôt de la foi" comme à quelque chose de statique. La Parole de Dieu ne peut pas être conservée dans la naphtaline comme s'il s'agissait d'une vieille couverture dont il faudrait éloigner les parasites! Non. La Parole de Dieu est une réalité dynamique, toujours vivante, qui progresse et croît vers un accomplissement que les hommes ne peuvent entraver».

Saint Vincent de Lérin
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Quand on traite du développement de la doctrine, la citation de saint Vincent de Lérin (Ve siècle) - un moine français qui, dans son Commonitorium primum, disait que le dogme de la religion «progresse, se consolidant avec les années, se développant avec le temps, s'approfondissant avec l'âge» - est récurrente. Cette citation, François l'a faite hier, ce à quoi nous pouvons ajouter le fait qu'il a rappelé à plusieurs reprises Benoît XVI, qui a présidé, en tant que Cardinal, le travail qui a conduit à la rédaction du Catéchisme.
C'est le concept du «renouveau dans la continuité de l'unique sujet-Eglise (...), un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l'unique sujet du Peuple de Dieu en marche» (voeux à la Curie Romaine, 22 décembre 2005).
Comme le dirait saint Vincent de Lerin, «dans l'Église catholique aussi, nous devons prendre bien garde que ce que nous professons soit considéré comme tel partout, toujours et par tous».