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Dubbia: une nouvelle lettre sans réponse

Et le Pape garde un silence obstiné: pourquoi? (21/6/2017)

Mais si toi, évêque, tu sais [qu']un prêtre a appelé et que ton agenda est plein, ce même jour, le soir ou le lendemain — pas plus tard — rappelle-le au téléphone et explique-lui la situation, évaluez ensemble, si c’est urgent, pas urgent… Mais l’important est que ce prêtre sente qu’il a un père, un père proche. Proximité. Proximité à l’égard des prêtres. On ne peut pas gouverner un diocèse sans proximité, on ne peut pas faire grandir et sanctifier un prêtre sans la proximité paternelle de l’évêque.

Le Pape a peur

Les quatre cardinaux ont écrit une nouvelle lettre au pape, il y a deux mois. Qui n'a pas non plus eu droit à une réponse. Comme les dubia, ils ont décidé de la rendre publique (voir version en français chez Sandro Magister).

Indépendamment de la question en jeu, qui, même gravissime, peut paraître aux profanes une querelle picrocholine, et même si l'on n'est pas d'accord avec la démarche des quatre cardinaux, on reste stupéfait face à une telle attitude, qui contrevient à toutes les règles de la plus élémentaire courtoisie.
Mais en réalité, le silence du pape, pour qui suit d'un peu près le cours de son pontificat, n'est pas aussi surprenant que l'annonce le titre de l'éditorial de Riccardo Cascioli. Quand on veut faire un "coup en douce", il est naturel (par définition!) de souhaiter lui donner le minimum de publicité. Et surtout, il y a une explication très humaine (qu'elle ne soit pas à la hauteur de la Charge est une autre histoire): la peur (et pas le mépris, comme le croient certains). Quand on n'a pas d'arguments, on redoute la confrontation sereine. C'est aussi simple que cela.

Le silence, une attitude incompréhensible

Riccardo Cascioli
20/06/2017
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

C'est avec une grande amertume que nous publions aujourd'hui la lettre envoyée il y a deux mois par le cardinal Caffara avec la demande d'audience pour les quatre cardinaux qui le 16 Septembre ont signé les Dubia. Pas de réponse aux Dubia, pas de réponse non plus aujourd'hui.

Le Pape qui ne daigne pas accorder un signe de cardinaux, qui ne répond pas aux lettres et demandes d'audience: je crois qu'il ya pas de précédent, au moins dans l'histoire de l'Eglise au cours des derniers siècles. Ce silence est d'autant plus lourd quand l'on pense aux coups de téléphone, aux lettres, aux audiences que François concède en grande quantité à une multitude de gens, de toutes sortes. Il est difficile de ne pas voir cette attitude comme un désir de mortifier, d'humilier les cardinaux qui sont perçus comme un obstacle à un plan de réforme.

Pourtant la raison de cette attitude est incompréhensible: le Pape peut bien sûr être en désaccord avec les quatre cardinaux, il peut même avoir du mal à digérer leur insistance à signaler les incohérences d'Amoris Laetitia et plusieurs de ses interprétations; mais pourquoi ne pas le leur dire ouvertement, pourquoi ignorer totalement leur existence? Un cardinal, n'importe quel cardinal, ne peut-il pas nourir de la perplexité sur certains actes du Pape? Et pour cette raison, n'a-t-il même pas le droit à une réponse à la requête de rencontrer le Pape?

Nous savons qu'il y a les habituels «chantres de la révolution», le cardinal Marradiaga, Alberto Melloni et d'autres, qui ne manquent pas une occasion de se moquer des quatre cardinaux et de décrire leur position comme totalement isolée, représentant uniquement eux-mêmes. Mais même si c'était le cas - et ça ne l'est pas - en quoi les cardinaux n'ont-ils pas le droit de rencontrer le Pape?

En outre, ce n'est pas le cas, disions-nous: la position des quatre cardinal est tout sauf isolée. Le cardinal Caffara lui-même, dans sa lettre, citant quelques faits précis se fait le porte-parole de nombreuses personnes dans l'Église qui, ces derniers mois ont exprimé malaise et confusion pour ce qui se passe, pour ce qui est perçu comme une attaque contre les sacrements et les piliers de l'Eglise catholique.

Et le fait qu'il ne s'agisse pas de quelques cardinaux âgées et isolés est également démontré par le fait qu'à l'occasion de la nomination des nouveaux cardinaux la semaine prochaine, pour la deuxième fois consécutive le pape François n'a pas convoqué le «consistoire secret», autrement dit cette rencontre traditionnelle où le Pape rencontre les seuls cardinaux à huis clos pour un échange franc d'idées sur la situation de l'Eglise et aussi sur des thèmes précis. Cela est aussi une attitude sans précédent dans l'histoire récente de l'Eglise. L'impression est qu'il veut éviter toute confrontation avec les cardinaux, tous les cardinaux.

De plus, pour augmenter le sentiment de malaise, il y a le fait que cette attitude méprisante du Pape envers ceux qui ont signé les Dubia est contraire à toute sa prédication. Prenons par exemple sa récente audience à la Congrégation pour le Clergé, lorsqu'il a recommandé la proximité des évêques à leurs prêtres:

«Combien de fois ai-je entendu les plaintes de prêtres… J’ai souvent dit cela — peut-être l’aurez-vous entendu —: j’ai appelé l’évêque, il n’était pas là et la secrétaire m’a dit qu’il n’était pas là; j’ai demandé un rendez-vous: «Tout est plein pour trois mois…». Et ce prêtre reste éloigné de son évêque. Mais si toi, évêque, tu sais que dans la liste des appels que te laisse ton secrétaire ou ta secrétaire, un prêtre a appelé et que ton agenda est plein, ce même jour, le soir ou le lendemain — pas plus tard — rappelle-le au téléphone et explique-lui la situation, évaluez ensemble, si c’est urgent, pas urgent… Mais l’important est que ce prêtre sente qu’il a un père, un père proche. Proximité. Proximité à l’égard des prêtres. On ne peut pas gouverner un diocèse sans proximité, on ne peut pas faire grandir et sanctifier un prêtre sans la proximité paternelle de l’évêque».

Mais si la proximité est un devoir des évêques avec les prêtres, cela ne s'applique-t-il pas aussi au pape avec les cardinaux et les évêques?