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Fatima: un discours problématique

Celui prononcé par François vendredi soir 12 mai à la chapelle des Apparitions. Après Socci, c'est au tour de Riccardo Cascioli de nous faire part de son désarroi. Comme toujours, il faut relire Benoît XVI (14/5/2017)

>>> Voir aussi:
¤ Fatima: deux Églises (Valli)
¤ François et le message de Fatima (Socci)

Quelle Notre-Dame de Fatima?

Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it
14/05/2017
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«Quelle Marie?», demandait vendredi soir le pape dans son discours prononcé à Fatima avant la bénédiction des bougies, dans la chapelle des Apparitions. «Quelle Marie?» s'est-il interrogé, pour donner une réponse qui - comme cela arrive souvent - divise les catholiques en bons (peu nombreux) et mauvais (la grande majorité). Mais «quelle Marie?» et surtout «quelle Notre-Dame de Fatima?», se sont demandés aussi de nombreux catholiques, après avoir écouté l'interprétation personnelle du pape François sur les événements qui ont eu lieu à Cova da Iria il y a juste cent ans. Dans le discours du pape, en effet, il n'y a aucune trace d'invitation à la conversion, de pénitence et de sacrifice pour la réparation des péchés, de la vision de l'enfer, des conséquences historiques du péché (eh oui, les guerres continuent et le communisme ne cesse propager ses conséquences néfastes, même au sein de l'Eglise).

Et là, le problème n'est pas l'interprétation, c'est le fait. Cela peut plaire, ou pas, mais les bergers ont eu l'horrible vision de l'enfer, Francisco et Jacinta - canonisés hier - à la demande de la Vierge ont librement donné leur vie et leurs souffrances pour les pécheurs, la Sainte Vierge a clairement indiqué quelles seraient les conséquences historiques du péché à défaut de la conversion des hommes; Marie a également indiqué la prière du Rosaire et demandé la consécration à son Cœur Immaculé. Le message, en dépit de la grandeur infinie du mystère de l'amour de Dieu, qui nous est communiqué, est très simple dans son contenu. Si on veut parler de Fatima, on ne peut pas éviter de se mesuere avec ces simples faits qui constituent l'événement unique et extraordinaire advenu il y a cent ans.

Bien sûr, cette apparition a été aussi une manifestation de la Miséricorde de Dieu, mais en opposant la miséricorde au jugement et à la justice, on donne l'idée d'une amnistie sans distinction où les comportements de l'homme ne comptent plus pour rien, au point que le Christ a déjà pensé à tout résoudre. Une conception qui ressort clairement dans un passage problématique du discours de vendredi soir: Jésus «n’a pas nié le péché mais il a payé pour nous sur la Croix. Et ainsi, dans la foi qui nous unit à la Croix du Christ, nous sommes libérés de nos péchés ; mettons de côté toute forme de peur et de crainte, parce que cela ne convient pas à celui qui est aimé».
Bref, il semble que la foi dans le Christ Crucifié suffise pour être sauvé, une affirmation qui ainsi exprimée, calque la position de Luther, supprimant la liberté de l'homme.

Mais alors, quel sens cela aurait-il, de montrer à des enfants la vision de l'enfer, ou de demander la prière, la pénitence, le sacrifice réparateur des péchés? Ce sont des questions qui ne peuvent pas être éludées si facilement. L'Eglise a reconnu la véracité des apparitions et des messages qui leur sont connectés. Le cliché de la «Sainte Vierge postière», à laquelle le pape François est si hostile [ndt: 'la Madonna postina', allusion aux déclarations du pape dans l'avion du retour à propos des apparitions de Medjugorje], ne peut être appliqué à Notre-Dame de Fatima, pour autant qu'elle aussi ait fixé des rendez-vous pour délivrer des messages.

Nous sommes devant un fait historique, la réalité d'un message qui provoque notre liberté. L'amour de Dieu se manifeste justement en cela, c'est pour avoir expérimenté cet amour que Francisco et Jacinta répondent oui à la question de Marie sur le sacrifice de leur vie pour sauver les pécheurs. Comme tout parent qui aime ses enfants, Marie met en garde contre les dangers du péché non pour terroriser, mais pour nous aider à choisir le bien, à répondre à l'amour. Ce n'est pas pour rien que la «crainte de Dieu» est l'un des sept dons de l'Esprit Saint.

Beaucoup plus claires que mes paroles, cependant, il y a celles du cardinal Joseph Ratzinger qui, comme préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, écrivit en 2000 le Commentaire théologique des secrets de Fatima. Je le propose à nouveau ici, parce qu'il y écrit - au sujet du troisième secret et des visions des voyants - ce qui nous restitue l'extrême actualité du message et la tâche qui nous revient:

«L'ange avec l'épée de feu à la gauche de la Mère de Dieu rappelle des images analogues de l'Apocalypse. Il représente la menace du jugement, qui plane sur le monde. La perspective que le monde pourrait être englouti dans une mer de flammes n'apparaît absolument plus aujourd'hui comme une pure fantaisie: l'homme lui-même a préparé l'épée de feu avec ses inventions. La vision montre ensuite la force qui s'oppose au pouvoir de destruction – la splendeur de la Mère de Dieu et, provenant d'une certaine manière de cette splendeur, l'appel à la pénitence. De cette manière est soulignée l'importance de la liberté de l'homme: l'avenir n'est absolument pas déterminé de manière immuable, et l'image que les enfants ont vue n'est nullement un film d'anticipation de l'avenir, auquel rien ne pourrait être changé. Toute cette vision se produit en réalité seulement pour faire apparaître la liberté et pour l'orienter dans une direction positive. Le sens de la vision n'est donc pas de montrer un film sur l'avenir irrémédiablement figé. Son sens est exactement opposé, à savoir mobiliser les forces pour tout changer en bien».