Benoit-et-moi 2017
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Guerre civile dans l'Eglise?

Les affiches placardées sur les murs de Rome n'ont fait que la rendre plus visible. Antonio Socci incite à la modération. Et Roberto de Mattei le suit (12/2/2017)

Après les multiples épisodes du feuilleton de la réception des "dubia" et le refus de répondre de la part du pape, après l'affaire des Chevaliers de Malte, puis plus récemment les derniers développements de celle des Franciscains de l'Immaculée (cf. www.marcotosatti.com), les pasquinades sur les murs de Rome ont servi de révélateur, et les attitudes des deux "partis" (bien qu'il ne devrait pas y avoir de "partis" dans l'Eglise, et que certains doux rêveurs - ou aveugles "volontaires" - s'obstinent à affirmer qu'il n'y en a pas) se sont raidies: il règne désormais entre catholiques, ou présumés tels, une atmosphère si nauséabonde que la qualifier d'"hostile" est un déni de réalité pur et simple. On a même désormais dépassé le stade de la "guerre froide". Tous les coups sont permis, y compris les attaques ad hominen, et les partisans du pape, essentiellement recrutés parmi les ennemis de l'Eglise (cest un simple FAIT), dont les médias sont les porte-flingue, parfaitement suppléés en interne par ceux qu'il faut bien appeler les catholiques progressistes, ont perdu toute mesure. Le conflit se répercute évidemment dans le microcosme des "vaticanistes", et les couteaux sont sortis (dernier épisode en date, une lettre ouverte du progressiste Luigi Accattoli à son collègue Valli, coupable d'avoir publié un livre où il ose critiquer respectueusement le Pape). Les menaces, les intimidations et même les insultes fusent, et le cardinal Burke, en particulier, est poursuivi par la fureur des bergogliens, devenant même la cible d'une campagne diffamatoire se réclamant d'une information du NYT (dont on connaît l'impartialité et l'honnêteté dans le traitement des affaires papales!!! cf. Benoît XVI) qui l'accuse de rien moins que d'avoir comploté contre François, après l'avoir manipulé, via une sombre officine proche de l'extrême droite intégriste, la Fondation Lépante: je n'exagère pas. Il suffit de lire certains blogs, y compris français, je laisse mes lecteurs faire leurs recherches.

Dans cette atmosphère le billet d'Antonio Socci daté du 8 février, intitulé «UNE INVITATION À PRIER POUR LE PAPE FRANÇOIS ET POUR BENOÎT XVI, ET UNE INVITATION (À TOUS) À DIRE "NON" À LA GUERRE CIVILE ENTRE CATHOLIQUES» peut passer pour une proposition bienvenue d'armistice. Avec toutefois la réserve (de taille) que mettre les bélligérants sur le même plan, c'est confondre les persécuteurs et les persécutés.
Sa réaction, qui pouvait passer pour une volte-face par rapport aux articles incendiaires qu'il avait publiés précédemment, pouvait surprendre, et je me suis donc abstenue de la commenter à chaud.
Mais même si on ne peut pas tout à fait l'exclure, il est difficile de croire qu'il a fait l'objet d'avertissements, voire de menaces, car il n'est manifestement pas homme à se laisser intimider, ni à renoncer à ses convictions, quel que soit le prix à payer (d'ailleurs, les nouvelles qu'il a publiées sur sa page Facebook après le 8 février nous disent qu'il n'a pas vraiment changé d'attitude, et donc pas «abandonné le champ de bataille» - selon l'expression de Roberto de Mattei).
On peut donc supposer qu'il s'agissait effectivement de sa part de "calmer le jeu", et surtout de ne pas descendre au niveau de l'aversaire. Après tout, demander qu'on n'utilise pas de mots grossiers pour parler du Pape (si c'est bien de pratique courante dans les forums et sur les réseaux sociaux, à vérifier) est une revendication légitime.

C'est ce que semble aussi penser Roberto de Mattei, dans cet article publié hier sur "Corrispendenza Romana", où il se range du côté de Socci (mais contrairement à ce qu'il affirme, il n'est nullement "évident" que l'image de la guerre civile soit seulement une métaphore).
D'ailleurs, n'est-ce pas le pape lui-même qui a demandé expressément aux fidèles de ne pas hésiter à "déranger" les pasteurs, de "mettre la pagaille", et de ne pas avoir peur de la parrhésie?

Antonio Socci et le "bon combat"

Roberto de Mattei
www.corrispondenzaromana.it
11 février 2017
Ma traduction

* * *

Un récent billet d'Antonio Socci a soulevé interrogations et polémiques parmi ses lecteurs. Je reproduis ici les passages centraux de son texte:

«J'ai été vraiment choqué et attristé par la dureté des polémiques qui ont éclaté ces derniers jours entre catholiques (avec la contribution perturbante de la presse laïque). Je ne suis pas quelqu'un qui répugne à la confrontation, même vigoureuse et polémique, mais ce que à quoi nous assistons est désormais une sorte de guerre civile entre catholiques, une criminalisation mutuelle dans laquelle on ne retrouve pas grand chose de chrétien. Et ce n'est pas bon. Cela ne peut pas continuer ainsi. Beaucoup de mots durs et offensants ont été utilisés par les deux camps opposés. Et j'ai dû constater que certains ont utilisé envers le pape Bergoglio, en particulier sur les réseaux sociaux, des expressions qui sont totalement inacceptables.

C'est vrai que certains se plaignent d'être la cible - à leur tour - de quelques expressions que le pape utilise, en particulier dans les homélies de Sainte Marthe, envers certains catholiques (les «rigides») et se sentent offensés. Mais ce n'est pas une raison pour utiliser des mots ou des décisions qui vont au-delà de la critique normale et correcte. Je pense que le moment que vit l'Église est vraiment délicat et dramatique. Pour ce qui me concerne, je n'ai aucune intention de contribuer à ce climat de «guerre civile entre catholiques».

C'est pourquoi dorénavant, j'ai décidé de me sortir de cette mêlée (dans laquelle, d'ailleurs, je me prends depuis longtemps, ma part d'insultes). (...) Puisqu'il est probable que ce post suscitera des réactions instinctives erronées, je précise que tous ceux qui ont des objections à faire au pontificat actuel devraient relire l'interview à Il Foglio du cardinal Caffara (ou celles du cardinal Burke) et se régler sur ce style, le style des vrais pasteurs, qui sont de vrais exemples de paternité. On a besoin de ce calme, de cet amour de la Vérité, et de cette charité. Il ne suffit pas de témoigner la Vérité (ce qui est notre devoir), on doit aussi le faire de la manière juste».

Ce que j'ai le plus fréquemment entendu, ce sont les commentaires de ceux qui considèrent, avec déception, que Socci a décidé d'abandonner le champ de bataille. Je n'ai aucun titre pour interpréter la pensée de Socci, mais il me semble, sauf à être démenti par lui, que ses paroles sont à lire d'une autre façon.
Pour commencer, d'une façon générale, j'ai toujours un parti pris favorable envers ceux qui défendent la foi, et toujours défavorable envers ceux qui veulent la dissoudre, comme les néo-modernistes contemporains.
Dans le cas de Socci, il faut lui reconnaître le mérite d'avoir été parmi les premiers à réaliser les effets catastrophiques de ce pontificat et d'avoir eu le courage de le dire publiquement. Que les racines de la crise actuelle ne résident pas dans la papauté bergoglienne, mais remontent au moins à Vatican II, sinon avant, est une autre histoire. Sur ce point, je peux diverger de Socci, mais je suis convaincu que son honnêteté intellectuelle l'amènera à reconnaître les signes avant-coureurs de Amoris Laetitia sont dans la Constitution conciliaire Gaudium et Spes.
Mais pour en venir à son texte, je ne pense pas que Socci puisse nier l'existence d'une guerre civile au sein de l'Eglise.

L'image de la guerre civile est évidemment une métaphore pour indiquer un climat d'affrontements doctrinaux, qui voient pour la première fois dans l'histoire moderne de l'Eglise, évêques contre évêques et cardinaux contre cardinaux. Le cardinal Gerard Müller, Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi affirme qu'Amoris laetitia doit être interprétée à la lumière de la doctrine de l'Eglise, et ne peut pas permettre la communion aux divorcés remariés, mais le cardinal Reinhard Marx a répondu qu'il «ne parvient pas à comprendre» comment il peut y avoir des interprétations d'Amoris Laetitia différentes de celles des évêques allemands, qui admettent la possibilité d'accès à l'Eucharistie pour ceux qui vivent more uxorio.

Il s'agit d'une confrontation qui n'est pas seulement herméneutique. Deux conceptions opposées de la morale catholique se font face. Et l'existence d'interprétations différentes du même document montre combien est justifié le terme "confusion", contre lequel proteste le directeur du "Sismografo" Luis Badilla. Faudrait-il dire que la clarté règne dans l'Eglise? Les "dubia" des quatre cardinaux sont plus que justifiés et une "correction fraternelle" envers le Pontife Romain est nécessaire si celui-ci persiste dans une attitude qui favorise la diffusion de l'hérésie.

Je ne pense pas que Socci nie tout cela et je ne pense pas qu'il veuille se retirer du champ de bataille. Ce qu'il déplore à juste titre, c'est l'exaspération des tons de la polémique, comme conséquence d'une colère et d'une frustrastion croissantes dans le monde catholique, mais qui oublie parfois la nécessité de cet esprit surnaturel qui imprime la paix dans le cœur, la fermeté dans volonté et l'équilibre dans le discours et dans l'action.

Laïcistes et modernistes utilisent l'insulte, le mensonge, la calomnie, la désinformation. Le style de ceux qui luttent pour la vérité doit être différent, en paroles et en actes.
Il ne faut pas oublier en outre que le responsable de la confusion et du scandale est malheureusement un Pape qui gouverne légitimement l'Eglise, au moins jusqu'à preuve du contraire.

Ses erreurs dans le domaine de la doctrine et de la pastorale peuvent être critiquées, mais avec le respect dû à l'institution qu'il représente, au moins tant qu'il ne démontrera pas, de manière manifeste, qu'il veut renoncer à sa mission. Pour le moment, le Pape François exprime dans sa personne le mystère de l'Eglise, sainte et immaculée dans son essence, mais parfois très fragile chez les hommes qui la représentent. La bataille, donc, doit se dérouler avec sérieux et hauteur, et Antonio Socci, en citant comme modèles, le cardinal Burke et le cardinal Caffara, semble nous dire que c'est de cette façon qu'il entend la mener. Comme nous.