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Chasse aux sorcières

Le malheureux cardinal Burke est associé dans l'opprobre des bien-pensants à l'administration Trump, et en particuler à Steve Bannon. Une autre version de la "théorie du complot" (14/2/2017)

Un article de Phil Lawler, fondateur de l'agence Catholic News Service et directeur de Catholicculture.org.
Il confirme que la "guerre civile" en cours dans l'Eglise n'est pas seulement métaphorique (Guerre civile dans l'Eglise?)
Et que la "théorie du complot" n'est pas réservée aux méchants extrêmistes de droite. Les journalistes mainstream l'utilisent aussi à leur profit. Mais, rassurons-nous, eux, c'est pour la bonne cause!!

Il y a une sérieuse discorde au sein de l'Église catholique aujourd'hui. C'est indéniable. Qui en est la cause? Si la faute ne peut pas être rejetée sur Bannon et Burke, il devient difficile d'éviter la conclusion que le pape lui-même est la source de division .

Blâme sur le messager: en l'occurrence, le cardinal Burke

Phil Lawler
10 février 2017
www.catholicculture.org

* * *

Une étrange théorie du complot a surgi, suggérant que les tensions croissantes au sein de l'Eglise sont le résultat d'une conspiration de droite contre un innocent Pape. La théorie implique une caractérisation inexacte de trois personnes: dans un cas absurde, dans un autre délirant, et dans le troisième cas vicieux.

La première erreur réside dans l'idée que Steve Bannon, le stratège de la Maison Blanche dans l'administration Trump, a élargi ses activités politiques jusqu'à inclure une campagne contre le Pape. Comme je l'ai expliqué plus tôt cette semaine, cette idée est entièrement basée sur une rencontre entre Bannon et le cardinal Raymond Burke advenue il y a presque trois ans, bien avant que quiconque (y compris Bannon, j'imagine) n'eût seulement rêvé d'une campagne présidentielle Trump, et encore moins d'un job pour Bannon à la Maison blanche. Dans un article du Washington Post, EJ Dionne Cordes [explique] l'absurdité de laisser entendre que Bannon, un homme en grande partie inconnu dans les cercles de l'Église jusqu'à il y a quelques mois, est aujourd'hui un acteur de premier plan dans une lutte dramatique «pour définir le sens à la fois de l'américanicité et de la catholicité». Si vous êtes prêt à croire qu'une rencontre amicale unique est suffisante pour servir de preuve de complot, je doute que je serai capable de vous faire changer d'avis. Mais c'est absurde.

La deuxième erreur est l'idée - désormais assidûment défendue par certains des plus fervents partisans du Pape - que François est exceptionnellement serein, tolérant envers la dissidence, et prêt à répondre à ses détracteurs. Cette qualification va à l'encontre des récits qui décrivent le Pape sermonnant les responsables de l'Église coupables d'être en désaccord avec lui, renvoyant les membres du personnel du Vatican pour la même raison, et tenant des discours enflammés devant la Curie romaine et le Synode des Évêques, pour dénoncer ceux qui résistent à ses propositions. Elle contredit les nombreux rapports selon lesquels les fonctionnaires du Vatican travaillent dans un climat de peur. Et surtout, elle contredit le refus clair et évident du Saint-Père de répondre à ceux qui le critiquent sur la question la plus controversée de ce pontificat: les quatre cardinaux qui ont présenté leurs dubia à propos d'"Amoris Laetitia". La série d'anecdotes récentes en provenance de Rome, mettant l'accent sur la supposée sérénité du Pontife, semble délibérément conçue pour contrer l'impact de la nature impétueuse avérée du pape.

Mais le troisième aspect de la théorie du complot est de loin le plus méchant: la tentative de salir le cardinal Burke, pour le présenter comme un extrémiste, un ennemi, un révolutionnaire de palais. L'exemple le plus grotesque de cette tactique est un article du Washington Post, signé par Emma-Kate Symons, qui déverse un flot de vitriol sur le prélat américain. Elle décrit le cardinal Burke comme un «clerc renégat» , un «prince rebelle» qui «utilise sa position dans les murs du Vatican (ndt: elle devrait s'informer! Le cardinal amméricain n'a notoirement plus aucun rôle institutionnel "dans les murs du Vatican") pour légitimer les forces extrémistes qui veulent faire tomber la démocratie libérale occidentale». L'intempérance de son langage est vraiment remarquable:

Loin de se repentir, Burke provoque, il persiste, à la tête d'une escouade de normalisation néo-fasciste-d'extrême-droite contre le Saint-Siège.

Où est la preuve de ces accusations féroces et sensationnelles? La totalité en réside ici: le cardinal Burke a rencontré Bannon, et un politicien conservateur italien de premier plan. Il a exprimé des préoccupations publiques à propos de l'influence de l'islam radical. Et il a défendu l'enseignement catholique traditionnel sur l'indissolubilité du mariage - dans le cadre des questionssur l'enseignement de François dans Amoris Laetitia . Encore une fois, la preuve est loin d'étayer les accusations.

Mais il y a quelque chose d'encore plus insidieux dans le dénigrement du cardinal Burke. Remarquez que parmi les divers chefs d'accusation contre lui, le seul à impliquer un quelconque conflit avec François est le débat sur Amoris Laetitia (Phil Lawle oublie l'affaire des Chevaliers de Malte, ndt). Les rencontres avec des personnalités politiques conservatrices n'ont rien à voir avec ce débat, et discuter de l'enseignement de l'Eglise sur le mariage a très peu à voir avec les aspirations politiques de Bannon. Alors pourquoi les journalistes font-ils un tel effort, pour inventer un lien entre le débat politique et la discussion théologique?

Permettez-moi de répondre à ma propre question. La théorie du complot à trois volets est promue par les plus ardents défenseurs du pape (Si vous doutez de moi, inscrivez-vous au flux Twitter du Père Antonio Spadaro, et notez le nombre de fois où il fait ou encourage des coups bas contre le Cardinal Burke). De là, elle a été récupérée par les journalistes laïques, qui ne comprennent pas la controverse catholique et trouvent beaucoup plus commode de l'interpréter en termes politiques. L'objectif des théoriciens de la conspiration est de discréditer le cardinal Burke - dans ce cas en exploitant l'image négative de Bannon et en utilisant la culpabilité-par-association pour transférer cette image sur le cardinal.
Et pourquoi discréditer le cardinal Burke? Parce que François ne peut pas répondre et / ou ne répondra pas à ses questions.

Il y a une sérieuse discorde au sein de l'Église catholique aujourd'hui. C'est indéniable. Qui en est la cause? Si la faute ne peut pas être rejetée sur Bannon et Burke, il devient difficile d'éviter la conclusion que le pape lui-même est la source de division .