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Il Papocchio (I)

La solitude de François: premier volet de la série d'articles de "Il Tempo" du 2 juillet consacré à "la fin de l'état de grâce" (3/7/2017)

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François: la fin de l'état de grâce?

Isabelle (qui a déniché les articles!) a bien voulu se charger de la traduction.

La solitude du pape François

Une fois terminée la campagne de presse qui transformait le pape argentin en idole, on se rend compte que, fondamentalement, le travail de Ratzinger a été complètement sous-estimé. Dans un Vatican divisé par les règlements de comptes, le pape allemand a remis l’IOR sur la “white list”. Il a imposé la “tolérance zéro” envers la pédophilie et a commencé une étude approfondie de la situation critique de l’Eglise moderne face aux défis de l’avenir. François, par contre, est arrivé grâce à des manœuvres sans précédent, dont lui-même ne s’est peut-être pas rendu compte. Il est entouré d’un petit cercle magique qui lui ôte toute vision et ne lui signale pas les dangers, qui risquent de prendre des dimensions de plus en plus importantes, accentuant aussi l’écart avec ses prédécesseurs.

De l’Argentine aux Etats-Unis, la popularité de Jorge Mario Bergoglio s’effondre. Entre scandales, erreurs, épurations et vengeances qui divisent la curie.

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Stecca argentina
(Ndt : « Fausse-note argentine », mais aussi jeu de mots sur le « steak argentin », bistecca argentina ?)

Luigi Bisignani

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Cher Directeur,

De l’Argentine à l’Australie, et jusqu’aux salles secrètes des loggias vaticanes, souffle un vent violent qui risque bien d’emporter la calotte blanche du Pape Bergoglio. Dernière nouvelle : le remplacement, à la tête de l’ex Saint-Office, du conservateur Gerhard Müller par l’archevêque Luis Ladaria Ferrer, un jésuite espagnol, qui devra accomplir la tâche “révolutionnaire” d’ouvrir la porte, d’abord au diaconat, puis au sacerdoce féminins.

En Argentine, la contestation enfle. Jusqu’à risquer l’incident diplomatique, lorsqu’il fut officiellement confirmé que François reviendrait bien “au bout du monde” en janvier 2018, mais pour se rendre dans la petite ville inconnue de Temuco, au Chili.

Les Argentins, depuis toujours en conflit avec les Chiliens, considèrent comme une provocation inacceptable, qui profite entièrement à l’église évangélique, le choix du pape de ne pas revenir dans la cathédrale de Buenos Aires.

Certains vont jusqu’à évoquer tout bas un Bergoglio tellement en polémique avec son pays qu’il s’inquiète même de possibles protestations publiques. Il semble bien, en fait, que les autorités chiliennes aient reçu la consigne de ne pas accepter d’hôtes argentins, civils ou religieux, ni même les membres de la propre famille du pape.

Sans le parapluie de Barack Obama, l’image de François qui avait toutes les qualités pour se poser en “leader moral mondial”, entre dans une crise accélérée, en dépit du travail extraordinaire du Secrétaire d’Etat Pietro Parolin : à Cuba, avec Trump, la diplomatie vaticane patine; en Colombie, le referendum pour la paix a été lamentablement perdu, parce que les évangéliques du pays l’ont saboté; au Venezuela, tous les partis politiques sont d’accord pour dire que la tentative de pacification du Vatican, loin de l’améliorer, a plutôt aggravé la situation; enfin, au Brésil, après le succès des Journées Mondiales de la Jeunesse, Rio de Janeiro a aujourd’hui un maire qui est un évêque évangélique, anti-catholique et, surtout, critique à l’égard de la Conférence épiscopale.

Face à ce scénario international, on peut commencer à dresser un premier bilan des quatre années du pontificat, et même se risquer à des comparaisons entre François et ses prédécesseurs.

Tout ce qui s’est passé après la renonciation de Benoît XVI ressemble beaucoup au passage du pape Pie XII à son successeur Jean XXIII. Bergoglio s’est inspiré de Roncalli. Mais ce dernier reçut une Eglise éloignée du peuple, en profonde crise missionnaire, et, sans faire tant de discours, l’a transformée en ouvrant le Concile Vatican II.

Le contraire s’est produit lors du passage de Ratzinger à Bergoglio. Une fois terminée la campagne de presse qui transformait le pape argentin en idole, on se rend compte que, fondamentalement, le travail de Ratzinger a été complètement sous-estimé. Dans un Vatican divisé par les règlements de comptes, le pape allemand a remis l’IOR sur la “white list”. Il a imposé la “tolérance zéro” envers la pédophilie et a commencé une étude approfondie de la situation critique de l’Eglise moderne face aux défis de l’avenir. François, par contre, est arrivé grâce à des manœuvres sans précédent, dont lui-même ne s’est peut-être pas rendu compte. Il est entouré d’un petit cercle magique qui lui ôte toute vision et ne lui signale pas les dangers, qui risquent de prendre des dimensions de plus en plus importantes, accentuant aussi l’écart avec ses prédécesseurs. Comme un Matteo Renzi en soutane blanche.

Doté d’une intuition rare, Bergoglio fait au moins preuve de prudence quand il s’arrête devant la Vierge de Fatima et demande pardon “pour son mauvais goût dans le choix de ses collaborateurs”. Le cardinal australien G. Pell, éloigné ces derniers jours, fut la cheville ouvrière de l’escadron argentin choisi par Bergoglio. Mais, abstraction faite de la pédophilie, la position de Pell est devenue difficile parce qu’il n’est pas parvenu à contrôler les sociétés d’audit qu’il avait appelées au Vatican. Et qui s’acharnent sur les comptes du passé et les comptes actuels de l’Eglise.

Avec quelques-unes de ces sociétés, le cardinal Pell avait signé des contrats préliminaires pour la création du VAM (Vatican Asset Management), lequel aurait rassemblé tous les biens immobiliers de l’Eglise (y compris ceux de Londres, Paris, New-York et Hong-Kong) et maintenant, on passe à la caisse. Tandis que le réviseur des comptes du Saint Siège, Libero Milone, choisi personnellement par Pell, semble avoir été éjecté pour n’avoir pas voulu approuver le bilan du Secrétariat des Communications, avec les sommes astronomiques qui impliquent aussi Raiway.

Pour ne rien dire du peu d’envergure des nouveaux évêques italiens. Dans des villes-clés, comme Palerme, Padoue, Brescia et Bologne, on a proposé, à l’instigation principalement du cercle magique (Sant’Egidio, Mgr Dario Vigano et ceux que l’on appelle en plaisantant les “néo-maçons” du “Nouvel Observateur”) d’honnêtes curés de paroisses, absolument pas préparés à la gestion de réalités complexes dont ils risquent de devenir les victimes.

Pour rester en Italie, personne encore n’est parvenu à comprendre le désastre financier de l’Ospedale del bambino Gesù. En seulement deux années du « Nouveau cours », des dizaines de millions d’euro ont disparu en fumée sous la gestion de Marielle Enoc, tellement portée aux nues.

Des temps durs attendent le pape François; la place Saint-Pierre n’est plus remplie comme avant, les réformes tant annoncées se sont réduites à de petites nominations et les slogans s’avèrent de peu d’utilité pour maintenir la tension médiatique.

L’Eglise américaine lui a déjà tourné le dos, tout comme l’Eglise d’Afrique ; et la solitude délibérée d’un pape qui dit à ses familiers : “J’avance tout seul”, est contraire à la parabole du Bon pasteur, qui s’arrête pour aller retrouver la dernière brebis égarée.

Et si on revivait l’année des trois papes, comme en 1978 ? En ce cas-ci, ils seraient tous en vie et donc, en espérant que Bergoglio prenne dix minutes pour réfléchir, restons dans la tradition catholique et souhaitons longue vie aux papes.