Benoit-et-moi 2017
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Le cardinal Pell quitte Rome

Lorenzo Bertocchi apporte un éclairage (rejoignant ce que j'écrivais moi-même hier ici) sur le scandale pédophile qui, à travers la personne du Préfet chargé des affaires économiques, éclabousse une nouvelle fois l'Eglise (30/6/2017).

>>> Finances du Vatican, nouveaux imbroglios

Il n'est pas question ici de défendre un haut prélat qui se serait rendu coupable (si c'est bien le cas, c'est là toute la question) non seulement d'un grave délit pénal pour la justice des hommes, mais aussi d'un péché qui crie vengeance face à Dieu, au prétexte qu'il défend des idée qui sont proches des nôtres sur de nombreux sujets.
Sans faire du "deux poids deux mesures" (par exemple Paglia versus Pell), il est toutefois impossible de ne pas se souvenir de la campagne d'une violence inouë contre (prétendument) la pédophilie dans le clergé, qui avait éclaté en 2010 [dossier complet ici: benoit-et-moi.fr/2010-I], d'abord en Allemagne (avec des soi-disant révélations impliquant l'ex-cardinal Ratzinger quand il était à la tête du diocèse de Münich, et qui éclaboussaient jusqu'à son frère!!!) puis aux Etats-Unis, prélude à une curée finale culminant avec les vatileaks et les scandales financiers, et qui a pris fin le 11 février 2013 de la manière que l'on sait.
C'est désormais, malheureusement, un schéma classique. Et il n'y a rien de changé, sinon que le pape est aujourd'hui épargné.
Pour en revenir au cardinal Pell, reste plus que jamais valable, quoi qu'il ressorte de l'enquête judiciaire, l'adage populaire: calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose.

Pédophilie, Pell quitte Rome au milieu des poisons, pour se défendre

Lorenzo Bertocchi
www.lanuovabq.it
30/06/2017
Ma traduction

* * *

Le commissaire de police de l'Etat de Victoria, Shame Patton, a annoncé hier que le cardinal australien George Pell, 76 ans, est accusé de «crimes sexuels graves» qui auraient été commis il y a cinquante ans, dans les années soixante-dix, quand il était un simple prêtre à Ballarat. La notification de délit a été remise aux avocats du cardinal, avec l'appel à comparaître au Tribunal de Melbourne le 18 Juillet. Officiellement, on ne connaît ni les faits, ni les noms des accusateurs (seules filtrent des rumeurs dans la presse).

Le cardinal occupe le rôle du Préfet du Secrétariat de l'économie, par volonté précise du pape, qui l'a aussi voulu dans le groupe des neuf cardinaux qui sont ses plus proches collaborateurs dans le gouvernement de l'Église. Ainsi Pell est le plus haut représentant du Vatican jamais impliqué directement dans une enquête pour crimes d'abus sexuels.

En Février 2016, parlant par vidéoconférence depuis Rome, le cardinal avait déjà témoigné devant la Commission royale du gouvernement australien pour se défendre contre l'accusation d'avoir d'une certaine façon couvert certains des prêtres auteurs d'abus sur mineurs. Il s'agit là aussi d'accusations concernant des événements qui se seraient produits entre les années 70 et 80 du siècle dernier. Le cardinal s'est défendu en se disant étranger aux accusations, tout en reconnaissant que l'Eglise a «mal géré les choses, et a failli avec les personnes». En octobre dernier, il a également accepté de répondre aux questions d'un groupe d'officiers de police de Victoria, venus à Rome pour l'interroger, cette fois sur les questions qui le concerneraient directement.

Après la communications de la police de Victoria d'hier, les évêques australiens ont publié une déclaration pour demander que soit au moins reconnue à Pell, comme à tout autre citoyen, la «présomption d'innocence», puisque pour de nombreux médias, une accusation pour des faits qui remonteraient à cinquante ans suffit pour considérer le prélat comme déjà coupable.

«Ces matériaux», a déclaré le cardinal dans la conférence de presse d'hier matin, «font l'objet d'une enquête depuis deux ans, il y a eu des fuites d'information aux médias, il y a eu un lynchage [character assassination dans le texte] sans relâche».
En fait, la campagne d'accusations contre Pell a été constante, et s'est emballée depuis qu'en 2014, le cardinal a été chargé de réformer les finances du Vatican.

Le cardinal australien est considéré comme un grand défenseur de l'Orthodoxie, un guerrier culturel contre toutes les dérives éthiques allant de l'avortement au mariage homosexuel, jusqu'à ses combats contre les théories du réchauffement climatique. Il s'est également fait entendre pendant le double synode sur la famille contre les instances les plus progressistes, tapant littéralement du poing sur la table contre certaines fuites en avant émergées durant le synode extraordinaire de 2014. Il n'est sans doute pas très sympathique à l'establishment, en ce sens, un certain acharnement médiatique à son égard n'a pas de quoi surprendre.

«J'ai hâte», a-t-il déclaré en conférence de presse, «de voir arriver le jour où je pourrai me défendre devant les tribunaux. Je suis innocent, les accusations sont fausses, et je considère l'idée même d'abus sexuel comme un crime horrible. J'ai régulièrement informé le Saint-Père durant ces longs mois et à de nombreuses occasions, et nous avons parlé de la possibilité que je prenne une période de congé pour me défendre. C'est pourquoi je suis très reconnaissant au Saint-Père de m'avoir donné un congé pour rentrer en Australie».

Le directeur du bureau de presse du Vatican, Greg Burke, qui était aux côtés du cardinal, a lu un communiqué dans lequel, justement, Pell prend congé de ses fonctions afin de pouvoir se défendre. «Durant l'absence du Préfet, le Secrétarait de l'Economie continuera d'exercer les tâches institutionnelles qui lui reviennent. Les Secrétaires resteront en fonction pour l'expédition des affaires ordinaires, donec aliter provideatur».

On ne peut nier quu face à ce terrible fléau de la pédophilie dans l'Église, certains franchissent la frontière de l'information et de l'opinion, pour déboucher dans l'instrumentalisation, dans le but de jeter de la boue sur l'Eglise elle-même. D'autre part, on ne peut pas ne pas voir à quel point Benoît XVI et le pape François ont été particulièrement actifs pour mettre en place une série de mesures visant à éradiquer le vicieux phénomène. Si seulement d'autres réalités sociales où la pédophilie est toujours présente l'avaient fait avec autant d'attention..

A présent, le cardinal Pell va quitter Rome, et il est raisonnable de penser qu'il lui sera très difficile de reprendre son rôle de préfet du Secrétariat du Vatican pour les affaires économiques. Il a déjà dépassé les 75 ans canoniques et il était in prorogatio par volonté de François, et à ce stade, nombreux sont ceux qui pensent que le Pape procédera à son remplacement après l'été. Certains le regretteront, d'autres, beaucoup d'autres, s'en réjouiront.