Benoit-et-moi 2017
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Le deuil d'un vieil évêque qui croit en Dieu

La bouleversante méditation funèbre de Mgr Negri après le tragique attentat de Manchester et ses nombreuses très jeunes victimes (23/5/2017)

Des dizaines de jeunes morts dans un attentat à Manchester
"pauvres fils de la société qui ne reconnaît pas le mal"

Luigi Negri (archevêque de Ferrara-Comacchio)
23/05/2017
www.lanuovabq.it
Ma traduction

* * *

Mes très chers enfants (/fils),

J'ai envie de vous appeler ainsi même si je ne vous connais pas. Mais dans les longues heures d'insomnie qui ont suivi l'annonce de ce terrible attentat, où beaucoup d'entre vous ont perdu la vie et beaucoup ont été blessés, je vous ai sentis liés à moi d'une manière particulière.

Vous êtes venus au monde, souvent même pas désirés, et personne ne vous a donné de «raisons appropriées pour vivre», comme le demandait le grand Bernanos à la génération de ses adultes. Ils vous ont mis dans la société avec deux grands principes: que vous pouvez faire ce que vous voulez parce que chacun de vos désirs est un droit; et l'importance d'avoir le plus grand nombre de biens de consommation.

Vous avez grandi ainsi, considérant comme évident que vous ayiez tout. Et quand vous aviez un quelconque problème existentiel - autrefois, c'est comme cela qu'on disait - et le communiquiez à vos parents, à vos adultes, la séance de psychanalyse était déjà prête pour résoudre ce problème. Ils ont juste oublié de vous dire qu'il y a le Mal. Et le Mal est une personne, pas une série de forces ou d'énergies. C'est une personne. Cette personne s'est tapie là, pendant votre concert. Et l'aile terrible de la mort qu'elle porte avec elle vous a saisis.

Mes enfants, vous êtes morts ainsi, presque sans raison, comme vous aviez vécu. Ne vous inquiétez pas, ils ne vous ont pas aidé à vivre, mais ils vont vous faire de «très belles» funérailles dans lesquelles s'exprimera au maximum cette rhétorique laïciste ampoulée, avec toutes les autorités laïques présentes - et malheureusement aussi celles religieuses - debout, silencieuses. Bien sûr, vos funérailles seront faites à l'extérieur, même pour ceux qui croient, parce que désormais, le seul temple est la nature.

Robespierre rirait parce que même lui n'est pas parvenu à réaliser ce fantasme. Du reste, dans les églises, on ne fait plus de funérailles parce que, comme le dit avec perspicacité le cardinal Sarah, désormais, dans les églises catholiques, on célèbre les funérailles de Dieu. Ils n'oublieront pas de mettre sur les trottoirs vos peluches, les souvenirs de votre enfance, de votre première jeunesse. Et puis tout sera archivé dans la rhétorique de ceux qui n'ont rien à dire face aux tragédies parce qu'il n'ont rien à dire face à la vie.

J'espère qu'au moins dans cette situation, l'un de ces gourous - culturels, politiques et religieux - retiendra sa langue et ne nous envahira pas avec les discours habituels pour dire que «ce n'est pas une guerre de religion», que « la religion est par nature ouverte au dialogue et à la compréhension». Voilà, j'espère qu'il y aura un moment silencieux de respect. Tout d'abord, pour vos vies, fauchées par la haine du démon, mais aussi pour la vérité. Parce que les adultes devraient avant tout avoir le respect de la vérité. Ils peuvent ne pas la servir , mais ils doivent en avoir le respect.

Moi, de toute façon, qui suis un vieil évêque qui croit encore en Dieu , dans le Christ et dans l'Eglise, je célébrerai la messe pour vous tous le jour de vos funérailles, pour que de l'autre côté - quelles que soient vos pratiques religieuses - vous rencontriez le cher visage la Vierge qui, en vous serrant dans ses bras, vous consolera de cette vie gâchée, non par votre faute, mais par la faute de vos adultes.