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Le pape dans la tourmente (suite)

et qui s'isole de plus en plus. C'est ce que confirme cet article sur Il Corriere della Sera, le navire-amiral de la presse "mainstream" italienne (8/7/2017)

>>> Cf.
Le Pape dans la tourmente

Depuis quelques mois, dans le restaurant de la Maison Sainte Marthe, la résidence papale dans les murs du Vatican, on a relevé une petite innovation, significative. La table de François n'est plus comme avant au centre de la salle. A présent, elle est dans un coin, et Bergoglio mange avec peu d'invités, sélectionnés, tournant le dos au reste de la salle.

Qu'on ne s'y trompe pas. L'article est aussi à lire entre les lignes, et l'auteur, bien qu'à ranger parmi ceux qui prétendent, au moins en paroles, que l'échec de François est dû aux résistances de la "vieille garde" de la Curie, n'en désigne pas moins la responsabilité du Pape, dont "l'impulsion réformiste" ne parvient décidément pas à atteindre les buts souhaités par ceux qui l'ont élu ... et ceux qui étaient derrière, à cause "d'une méthode qui montre des limites évidentes". Et il le fait à travers des insinuations qui n'ont rien d'innocent, comme par exemple les rumeurs sur des "personnes liées au monde de l'aide de la CEI au Tiers Monde, entrées en contact avec Bergoglio quand il était évêque en Argentine", et celles sur les raisons de la démission de Libero Milone (on aimerait en savoir plus!!).
On appréciera particulièrement l'estocade finale, assez savoureuse quand on pense au battage médiatique qui a entouré le choix initial de François de déserter l'"Appartement" au troisième étage du palais Apostolique, avec la révélation qu'à Sainte Marthe (initialement présentée comme un endroit ouvert, où quiconque pouvait rencontrer librement le Pape et échanger avec lui - !!!), François mange certes en public, mais dans un espace délimité, tournant le dos (sic!) au vulgum pecus, et entouré d'un nombre restreint d'hôtes soigneusement sélectionnés.
Eh oui, le pouvoir isole, et le "communicant" génial élu le 13 mars 2013 en fait l'expérience à ses dépens.
Vous avez dit venin...?

Entre complots de pouvoir et venin: le parcours à obstacles de François

Derrière les démissions et les nouvelles nominations, on entrevoit l'essoufflement des réformes de Bergoglio.
De plus en plus de critiques de la Curie pour une méthode et un ordre du jour considéré comme déséquilibré


Il Corriere della Sera
5 juillet 2017
Ma traduction

* * *

Le chapelet des têtes tombées durant les dernières semaines, raconte un Vatican pas encore stabilisé, plus de quatre ans après le début du pontificat de Jorge Mario Bergoglio. Il donne l'image d'un pape formidable en termes de popularité [??] et d'influence sur la géopolitique mondiale [??]; et pourtant essoufflé quand il doit faire des choix de gouvernement dans «sa» Rome et en Italie: il est question de finances du Vatican, de collaborateurs ou de «ministres» du Saint-Siège. Se limiter à dire que l'une ou l'autre promotion ont été risquées ou erronées ne suffit peut-être pas. On voit émerger une méthode qui montre des limites évidentes; et qui transforme les meilleures intentions de réforme en boomerang potentiel. Et tout se déroule dans une aura de mystère, parfois même d'opacité, que seul le grand charisme [??] de François permet d'enregistrer avec indulgence.

Le «contrôleur général» des comptes, Libero Milone, liquidé trois ans avant que son mandat arrive à expiration. Son mentor, le cardinal George Pell, forcé de quitter le «Ministère de l'Economie» du Vatican pour aller en Australie afin de se défendre dans un procès pour abus sexuels remontant à quarante ans (cf. Le cardinal Pell quitte Rome et Finances du Vatican, nouveaux imbroglios). Et le gardien de l'orthodoxie Gerhard Ludwig Müller non renouvelé dans sa charge après cinq ans: tous ont quitté la scène dans l'espace de deux semaines.

Ce qui est singulier, c'est que François a nommé comme successeur de Müller le jésuite espagnol Luis Francisco Ladaria Ferrer: un fidèle parmi les fidèles. Et on s'est aperçu que l'homme appelé à diriger la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, l'ex-Saint-Office, est effleuré par le soupçon de ne pas avoir dénoncé un prêtre pédophile dans le passé. Une nouvelle, entre autre, qui était sortie récemment; mais dont de toute évidence on ne s'est pas souvenu, ou qu'on a considéré comme étant d'une importance secondaire au moment de décider du successeur du conservateur Müller, détracteur tenace de Bergoglio sur le plan théologique. Le prélat allemand a démenti tout différend avec François, refusé des charges de remplacement, et a annoncé qu'il restera à Rome. «Mais désormais, Müller peut devenir la bannière de l'opposition au pape», dit un cardinal. «Il est déjà le point de référence des Conférences épiscopales d'Europe de l'Est, d'Afrique et d'une partie de l'Amérique du Nord, majoritairement conservatrices».

Ce sont des instantanés d'un pontificat immergé dans une phase mouvementée, où même le fait de changer un chef de dicastère au bout de cinq ans apparaît non pas comme physiologique, mais comme traumatique.
Les ennemis de François, qui continuent à être nombreux, croient voir en réalité une sorte de «cohérence progressiste». De fait, ils l'accusent de poursuivre un programme déséquilibré sur le plan social, en faveur des pauvres, du dialogue avec la modernité et des immigrés. Ce serait un titre de gloire, si ce n'était accompagné par la critique de nommer de préférence ceux qui expriment une culture «non antagoniste», en particulier contre lui; et d'avoir un cercle de collaborateurs pas toujours en mesure de le conseiller à fond.

Entre autres, on insinue depuis des mois mois l'existence de dossiers anonymes sur les personnes proches de lui. Et sur certains sites conservateurs on lit des histoires romancées de personnes liées au monde de l'aide de la CEI au Tiers Monde, entrées en contact avec Bergoglio quand il était évêque en Argentine: des poisons qui photographient bien une situation de tension constante; et de luttes intestines qui risquent de ressembler un peu trop à celle des années et des pontificats du passé récent.

C'est un sourd tam-tam, qui reflète un mécontentement réprimé mais diffus; et la frustration de ceux qui savent qu'ils ne peuvent pas attaquer directement un pape extrêmement populaire et respecté au niveau international [??]. Pourtant, c'est une vulgate répandue que les réformes économiques mises en chantier au début ont produit des résultats pour le moins controversés.

Le «congé» de Pell, et avant cela, la démission de Milone, ne peuvent être liquidés simplement comme le résultat d'un affrontement avec la Curie. «Sur Milone, demandez à la Gendarmerie» répond-on de manière sybilline à la police du Vatican. L'idée qu'il soit parti uniquement parce qu'on lui avait demandé de réduire son salaire, ne convainc pas totalement. En réalité, c'est un modèle de gouvernement et une impulsion réformiste que le pape avait fortement voulus qui sont entrés en crise. Et l'on devine une revanche de fait de la «vieille garde» de la Curie. Et pas parce qu'elle a sa propre force autonome: dans les années de Bergoglio, cette filière a été repoussée aux marges ou mise sur la défensive. Certains leviers, cependant, restent fermement entre les mains de personnages qui ne sont pas le moins du monde affectés par le nouveau cours. Et aujourd'hui, presque par inertie, ils réémergent avec la sortie de scène des «nouveaux».

D'ailleurs, c'est François qui a admis dans une interview avec le Corriere en février dernier que la situation par rapport au Conclave de 2013 a changé. «Dans les congrégations générales», raconta-t-il alors au directeur de la Civiltà Cattolica, le père Antonio Spadaro (cf. www.laciviltacattolica.it), «on parlait des problèmes du Vatican, on parlait de réformes. Tout le monde les voulait. Il y a de la corruption au Vatican. Mais je suis en paix. S'il y a un problème, j'écris un billet à Saint-Joseph et je le mets sous une statuette que j'ai dans ma chambre. C'est la statue du sommeil de saint Joseph. Et à présent, il dort sur un matelas de billets».

Au cours des dernières semaines, ce «matelas» symbolique doit s'être encore épaissi. Et depuis quelques mois, dans le restaurant de la Maison Sainte Marthe, la résidence papale dans les murs du Vatican, on a relevé une petite innovation, significative. La table de François n'est plus comme avant au centre de la salle. A présent, elle est dans un coin, et Bergoglio mange avec peu d'invités, sélectionnés, tournant le dos au reste de la salle.