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Le Pape, source de division

Un article de Phil Lawler, canoniste, directeur du site <Catholic Culture>, souvent croisé dans ces pages (30/1/2017)

Un pape ne devrait pas être l’homme « d’un seul camp » s’il y a des désaccords dans l’Eglise. Certes, le souverain pontife doit prendre des décisions et planifier une politique. Mais, contrairement à un homme politique, il ne doit pas poursuivre son propre agenda ni favoriser ses alliés ou punir ses opposants. Si nous trouvons normal que le président Trump inverse la politique du président Obama – tout comme Obama a inversé la politique du président Bush, – nous attendons du pape qu’il préserve les décisions de ses prédécesseurs. Parce que l’Eglise n’est pas, ou ne devrait pas être, divisée en partis rivaux.

Le pape François est devenu une source de division

Phil LAWLER
www.catholicculture.org
27 janvier 2017
Traduction d'Isabelle

* * *

Chaque jour, je prie pour le pape François. Et chaque jour (j’exagère, mais à peine) le pape se charge de me rappeler qu’il n’apprécie pas les catholiques comme moi.

Si le Saint-Père me faisait des remontrances pour mes péchés, je n’aurais aucune raison de me lamenter. Mais jour après jour, le pape ne cesse de me reprocher à moi – et à des milliers et des milliers d’autres catholiques – de rester attaché aux vérités que l’Eglise a toujours enseignées et parfois de souffrir pour elles. Nous sommes « rigides », nous dit-il. Nous sommes les « docteurs de la loi », les « pharisiens », désirant seulement « être à l’aise » avec la foi.

Le souverain pontife devrait être un foyer d’unité dans l’Eglise. Le pape François – et c’est regrettable – est devenu une source de division. Il y a deux raisons à ce phénomène malheureux: le style autocratique de gouvernement du pape et la nature radicale du programme qu’il met en œuvre d’une manière implacable.

Le mode autocratique (qui contraste terriblement avec les promesses de gouvernement collégial et synodal) n’a jamais été aussi évident que cette semaine, lorsqu’il a balayé d’un revers de main le statut d’indépendance et de souveraineté des Chevaliers de Malte. Dans le Wall Street Journal, Sohrab Ahmari a fait remarquer, à propos de ce coup d’éclat, « qu’il a divisé l’Eglise suivant les lignes de fracture habituelles ». Et Ahmari (récemment converti au catholicisme) de poursuivre : « Comme dans d’autres conflits récents – communion pour les divorcés remariés, statut de la messe en latin, politique du Vatican à l’égard du régime communiste chinois, – les conservateurs sont d’un côté et le pape François de l’autre ».

Mais un pape ne devrait pas être l’homme « d’un seul camp » s’il y a des désaccords dans l’Eglise. Certes, le souverain pontife doit prendre des décisions et planifier une politique. Mais, contrairement à un homme politique, il ne doit pas poursuivre son propre agenda ni favoriser ses alliés ou punir ses opposants. Si nous trouvons normal que le président Trump inverse la politique du président Obama – tout comme Obama a inversé la politique du président Bush, – nous attendons du pape qu’il préserve les décisions de ses prédécesseurs. Parce que l’Eglise n’est pas, ou ne devrait pas être, divisée en partis rivaux.

Chaque pape prend des décisions controversées ; et toute décision controversée fait des mécontents. Mais un pontife prudent évite jusqu’à l’apparence d’agir à sa guise. Bien conscient du fait qu’il exerce son ministère en tant que tête d’un collège d’évêques – et non pas comme un monarque isolé, – il fait de son mieux pour proposer plutôt qu’imposer des solutions à des problèmes pastoraux.

Bien qu’il dispose dans l’Eglise d’un pouvoir considérable, le pape agit aussi sous des contraintes énormes. Il est habilité à parler pour l’Eglise universelle, mais, d’une certaine manière, il doit renoncer à la possibilité de parler pour lui-même. Le pape ne peut être partisan. On attend de lui qu’il soit l’arbitre des conflits, pas leur instigateur. Au concile de Jérusalem, saint Pierre a montré la voie à ses successeurs en écoutant les arguments des deux parties, puis en rendant un jugement (dans ce cas précis, en décidant contre la position même qu’il avait tenue précédemment).

Par sa nature même, le rôle du pape est « conservateur », au meilleur sens du terme. Il est charger de préserver l’intégrité et la pureté de notre foi, une foi qui ne change pas. Puisque les bases de notre foi ont été posées par Jésus-Christ, aucun prélat ne peut les remettre en question sans saper l’autorité de l’Eglise fondée par notre Seigneur – la même Eglise qui lui donne son seul titre à l’autorité. Parce qu’il est le docteur suprême de la foi, le pape ne peut enseigner que ce que l’Eglise a toujours enseigné : le dépôt de la foi transmis jusqu’à lui depuis les apôtres. Il peut parler infailliblement, mais seulement lorsqu’il proclame et définit ce que les fidèles catholiques ont cru « partout et toujours ».

En bref, le pape ne peut rien enseigner de neuf. Il peut certes exprimer d’une manière nouvelle d’anciennes vérités. Si, toutefois, il introduit de véritables nouveautés, il abuse de son autorité. Et si cet enseignement « nouveau » est en conflit avec les doctrines établies, il mine sa propre autorité.

Beaucoup de catholiques croient qu’avec Amoris Laetitia, le pape François a encouragé des croyances et des pratiques qui sont incompatibles avec l’enseignement antérieur de l’Eglise. Si ce grief est exact, le pape a violé la charge sacrée confiée aux successeurs de Pierre. S’il est inexact, le Saint-Père nous doit au minimum des explications, pas des insultes.