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L'Eglise émasculée

Sur le site <Campari & de Maistre>, une analogie inattendue (et non dénuée de provocation) pour décrire la situation d'une Eglise désarmée et larmoyante qui a choisi de se rendre au monde (4/8/2017)

La première partie, qui n'a pas de rapport immédiat avec le titre, propose à propos de François et de son mode de gouvernement une liste d'options, quasi-exhaustive et très pertinente.

L'Eglise post-sexuelle

Marco Sambruno
www.campariedemaistre.com
3 août 2017
Ma traduction

* * *

Nous savons tous que les dirigeants catholiques actuels ont pris l'habitude de surprendre avec des déclarations 'limites', en apparence politiquement incorrectes en tant que novatrices par rapport à une tradition de pensée catholique. Cela couvre une variété de sujets allant des relations avec l'islam aux principes non négociables, et aux questions liées à la bioéthique.
Désormais, sur les «prises de position» des dirigeants catholiques et sur l'évêque de Rome, les hypothèses les plus variées ont été formulées, que l'on peut schématiquement résumer dans les écoles de pensée suivantes:

• Bergoglio est terriblement naïf et, par conséquent, ce qu'il dit provient d'une vision du monde trop optimiste. Ceci serait dû principalement à deux facteurs: à l'inexpérience curiale, qui conditionnerait même sa conduite politique d'une entité institutionnelle, puisque nous ne devons pas oublier que le pape est aussi un chef d'Etat; et au fait qu'il vient d'Argentine et se ressentirait donc d'une spiritualité latine viscérale, enthousiaste, qui devient facilement la proie d'une l'implication émotionnelle.
Les partisans de cette hypothèse ont cru qu'avec la juste dose d'expérience Bergoglio acquerrait ces caractères de diplomatie et de prudence qui lui faisaient encore défaut.

• Bergoglio est victime de la cour byzantine qui l'entoure, laquelle lui transmet des informations frelatées afin de l'inciter à prendre des décisions conformes aux intérêts de certains pouvoirs politico-économiques internationaux. Les partisans de cette hypothèse l'ont donc applaudi tandis qu'il s'efforçait de nettoyer le gouvernement du Vatican de ses éléments parasites qui en conditionnent l'action de gouvernement.

• Bergoglio est homme extrêmement rusé, renard et lion, comme dirait Messer Machiavel. Tellement rusé qu'il poursuit un plan de relance de l'Église et du christianisme connu de lui seul et de ses plus proches collaborateurs. Les laïcs n'ont donc pas à s'inquiéter s'ils ne comprennent pas où il dirige l'Eglise parce que dans un second temps, tout sera plus clair.

• Certains dirigeants catholiques sont incompétents ou ne connaissent pas les phénomènes dont ils discourent, à commencer par l'Islam, les flux migratoires, la politique internationale et un certain nombre d'autres questions, y compris théologiques. Du reste, Ludwig Muller lui-même dans son rôle de préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi a admis, par exemple, qu'il est nécessaire de «structurer théologiquement» la papauté dès lors que Bergoglio n'est pas un théologien professionnel. Pour compliquer les choses, selon certains témoignages, l'évêque de Rome aurait un caractère obstiné, peu enclin à la flexibilité de pensée et, pourrait-on dire, structuré de manière rigide, presque minéralisé.

• Plusieurs membres de la hiérarchie pâtissent de ce que certains existentialistes du siècle dernier, par exemple Sartre, appellent «fausse conscience» (*): cela signifie émettre des affirmations et opérer des actes en les motivant avec des raisons qui n'ont rien à voir avec leurs pensées les plus profondes, souvent obscures même pour celui qui exprime ces affirmations et ces actions. Ainsi, une personne peut décider de se déclarer en faveur du dialogue, de l'œcuménisme, du redimensionnement de l'Eglise, en invoquant le motif évangélique de vouloir contribuer à faire de l'humanité une fraternité universelle, valorisant, comme l'on dit, «ce qui nous unit plutôt que ce nous divise», alors qu'en réalité elle nourrit des sentiments, souvent inconscients, d'aversion profonde envers l'Occident injuste et inique qui selon elle, affame les pauvres et qui, par un sentiment de culpabilité, devant choisir entre un modèle capitaliste et un marxiste, a choisi le premier et écarté le second. En somme, c'est l'application du principe selon lequel si une certaine idéologie a été battue, ceux qui l'ont battue ne doivent pas l'emporter: nous sommes donc dans la logique du «que Samson meure avec tous les Philistins» (Juges 16:30). Si l'Occident ne peut pas être socialiste, il ne doit pas non plus être identitaire, même au prix de la destruction par le recours à une vision du monde empruntée à une autre culture.

A coup sûr, les propos des dirigeants catholiques actuels sont d'un conformisme si stupéfiant, sont si incroyablement alignés sur tous les sujets avec le courant dominant de la pensée relativiste, qu'on peut sans hésiter définir l'adhésion de leur pensée en utilisant les mots du thinktank international qui détermine le destin planétaire. Une adhésion telle qu'on se demande - et ceci est une autre hypothèse -, si certains membres du clergé, y compris à un niveau élevé, n'appartiennent pas à plein titre au thinktank en question.


HERMAPHRODISME CATHOLIQUE
Face à autant de doutes, nous pouvons tirer quelques conclusions: aux incertitudes, aux oscillations, aux ambiguïtés de l'action du gouvernement de la hiérarchie catholique correspond paradoxalement une évidence certaine: ces dernières années , le processus d'affaiblissement, mais on pourrait dire de désexualisation de l'Eglise catholique commencé au lendemain du Concile Vatican II a peut-être atteint son apogée. Nous sommes désormais en présence d'un clergé postsexuel ou plutôt asexué, autrement dit privé de pulsions vitales pour agir et incapable de ressentir du plaisir pour quoi que ce soit: un clergé que le Christ ennuie et qui est définitivement entré dans une sorte d'andropause spirituelle où tout ce qui est parcouru par la lymphe vitale de l'Evangile, l'eschatologie, la prophétie, la transcendance, est vécu avec le désenchantement et le professionnalisme aride typique de certains vieux fonctionnaires ayant déposé les armes, incapables de ressentir les impulsions vitales en mesure de secouer l'ennui poussiéreux de ceux qui vivent quotiddiennement les mêmes choses futiles.
Voilà: les déclarations de certains dirigeants catholiques semblent souffrir d'une langue si cléricalemente correcte et intellectuellement insipide qu'elles évoquent par analogie symbolique une forme d'impuissance sexuelle.

Une des conséquences de cet hermaphrodisme linguistique est l'avènement d'une longue saison caractérisée par de languissantes «suppliques filiales» ou autres «appels affligés» presque toujours inécoutés, que des groupes de fidèles adressent de plus en plus souvent à la hiérarchie. Ce type de langage se retrouve du reste en écho dans le ton larmoyant typique d'importants médias catholiques. D'ailleurs, une certaine affèterie dans l'expression n'est rien d'autre que le corrélatif objectif projeté par une partie de l'Église désexualisée.
(...)
Certains membres de la hiérarchie, de bonne foi, ont peut-être décidé de désamorcer l'Eglise pour la transformer en une entité inoffensive, dans l'illusion de la rendre plus acceptable pour ses adversaires; mais il leur a évidemment manqué la prudence d'imaginer que la vitalité islamique et le machiavélisme laïque ne se laisseraient pas attendrir par la capitulation languissante d'une Église sans défense. Reste par ailleurs le doute que de la part d'autres membres du clergé, le désarmement de l'Église a été froidement planifié dans l'espoir de conclure une capitulation plus honorable pour leur propre bénéfice .
Enfin, on croit même percevoir les râles excités de quelque leader catholique qui semble jouir de la perspective d'un Occident et d'une Église enfin privés de murs et sur le point d'être conquis: bref, l'écho d'une excitation un peu masochiste à l'idée d'être possédé et subjugué par ceux qui ont encore la vigueur pour jouer un rôle dominant.

NDT

(*) La référence à Sartre serait à vérifier....
L'expression "fausse conscience" est empruntée au vocabulaire de la lutte des classes, et est utilisée pour indiquer que certaines classes ou certains groupes opprimés (la classe ouvrière, par exemple) ont été ou sont persuadés d'accepter ou de ne pas remettre en cause le point de vue ou le mode de pensée de la classe dominante, en opposition à leurs propres intérêts.
Explication intéressante ici:

Les gens n’agissent pas toujours comme nous pensons qu’ils le devraient. Ils nous donnent souvent l’impression de suivre des comportements contraires à l’idée que nous nous faisons de leur propre intérêt. Cela semble absurde, ou ridicule. Nous les accusons alors d’obéir à la « fausse conscience ».
Le terme fut inventé par Friedrich Engels à la fin du XIXe siècle afin d’expliquer pourquoi les travailleurs (ou tout au moins certains d’entre eux) ne votaient pas pour les partis ouvriers ou refusaient de soutenir les appels à la grève des syndicats. Pour Engels, cela venait de ce que, pour une raison ou une autre, ces travailleurs avaient une perception erronée de leur propre intérêt : ils souffraient d’un état de « fausse conscience ».