Benoit-et-moi 2017
Vous êtes ici: Page d'accueil » Actualité

Les miséricordieux perdent leurs nerfs

Aldo Maria Valli revient sur des épisodes récents: la sortie de Maradiaga contre son confrère le cardinal Burke, l'agression verbale du théologien Grillo contre Benoît XVI... et l'homélie de François lui-même, conseillant aux pasteurs "d'apprendre à prendre congé". (1er/6/2017)

>>> Voir aussi:
¤ Le vrai pasteur sait prendre congé
¤ Les nerfs à vif
¤
Ceux qui veulent faire taire Benoît (Grillo)
¤ Comment se débarrasser du card. Sarah (Grillo)

(...) [Apprendre] à prendre congé? Pourquoi cette remarque? QUI, en particulier, aurait besoin d'apprendre à prendre congé?
Le pape François envisage la renonciation à la papauté, affirme quelque commentateur. L'auteur de ces lignes a au contraire l'impression que le message parti de Sainte Marthe est adressé à l'ancien monastère voisin de Mater Ecclesiae, la maison du pape émérite.

Peppone, don Camillo et la raclée des miséricordieux

www.aldomariavalli.it
31 mai 2017
Ma traduction

* * *

Il est toujours intéressant et instructif de voir comment les champions de la compassion et du dialogue appliquent cette ligne de conduite lorsqu'on quitte la sphère des principes pour entrer dans celle des cas concrets.

Cas numéro un. Un cardinal de la Sainte Église romaine, connu pour son soutien à la ligne miséricordieuse et grand défenseur d' «Amoris laetitia», interviewé dans un livre intitulé «Seul l'Evangile est révolutionnaire», à propos de son confrère le cardinal Raymond Burke qui, sur l'exhortation apostolique, a en revanche comme on le sait certains «dubia» et l'a même manifesté, déclare, sur un ton bien éloigné de la miséricorde: «Lui n'est pas le magistère: le Saint-Père est le magistère, et c'est lui qui enseigne à toute l'Eglise. L'autre dit seulement sa pensée, il ne mérite pas d'autres commentaires. Ce sont les paroles d'un pauvre homme».

Cas numéro deux. Un professeur de théologie d'une université pontificale de Rome, lui aussi pro-miséricordieux, interviewé au sujet de la préface écrite par le Pape émérite Benoît XVI pour le livre du Cardinal Robert Sarah «La force du silence» (où Ratzinger exprime gratitude et estime pour le cardinal en charge de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements), soutient, là encore pas vraiment miséricordieusement, que pour le pape émérite, il faut parvenir à la «mort institutionnelle», qu'entre les deux papes, «il ne peut pas y avoir de cohabitation» et que «la robe blanche et la possibilité de s'exprimer, en plus de la résidence [du pape émérite], doivent être réglementées de façon détaillée».

Diantre! Ce sont des affirmations fortes. Un éreintage en bonne et dûe forme. Ce n'est pas tous les jours qu'un cardinal attaque un autre cardinal, allant jusqu'à lui donner du «pauvre homme». Ce n'est pas non plus très normal qu'un professeur d'une université Pontificale affirme que pour le pape émérite il faut arriver à la «mort institutionnelle», ce qui signifie que pour lui il n'y a plus aucune liberté d'expression.

Ces prises de positions, venant de ceux qui normalement ruissellent la miséricorde par tous les pores de la peau et se présentent comme les porte-étendards de l'Eglise dialogante et anti-dogmatique, ne seraient-elles pas quelque peu contradictoires?

Alors, la confrontation, le respect? Et la parrhesia? Et la liberté d'expression? Et la collégialité? Et la synodalité? Ne s'agit-il pas de choses tellement chères aux champions en question? Alors, comment se fait-il que si un cardinal Burke se permet de dire que dans le magistère pontifical, il y a quelque chose qui ne tourne pas rond, immédiatement un autre cardinal lui saute dessus et lui rappelle que «c'est seulement sa pensée» (ce qui est manifestement faux) et l'insulte sur le plan personnel? Et comment se fait-il que, si le pape émérite a des mots d'estime et d'admiration pour un cardinal de l'Eglise catholique romaine qui n'est pas aligné avec le modernisme et prompt à réclamer que le sacré soit reconnu et respecté, un théologien des universités pontificales puisse lui sauter dessus et dise que le pape émérite doit être muselé et même, plus encore, qu'il faut l'exiler dans un lieu isolé, pour le rendre inoffensif?

Que dites-vous? Que je suis naïf? Que ce genre de choses, comme le dialogue, la collégialité, et tout l'attirail du politiquement correct, même les enfants le savent, sont bien aussi longtemps que l'on parle en général, et en théorie, mais quand au contraire on revient au concret, il faut frapper fort? Que dites-vous? Que les champions de la miséricorde et du dialogue, pour établir la Nouvelle Église, ne peuvent absolument pas attendre, ou faire des concessions? Qu'il n'est pas possible (comme l'affirmait un certain Staline) de faire une révolution avec des gants de soie?

J'ai compris: je dois être vraiment naïf. Pensez un peu: j'étais convaincu qu'au moins dans l'Eglise, la règle de la liberté d'idées avait cours.

Je remarque que les champions de la compassion et du dialogue, quand ils deviennent nerveux et sortent de leurs gonds, déplacent la discussion: du plan des idées, on passe à l'attaque personnelle. On n'entre pas dans le fond. Il y a seulement un adversaire à disqualifier. La distinction n'est pas entre le vrai et le faux, entre le juste et l'erroné. Non, la seule distinction qui importe est entre l'utile et le préjudiciable. Donc, on ne s'arrête pas à examiner si, par hasard, le cardinal Burke, en chicanant sur «Amoris laetitia», soutient une thèse absurde ou plausible. Non, on lui donne du «pauvre homme». De même, si le pape émérite fait l'éloge d'un cardinal comme Sarah, qui démontre qu'il a à cœur le sort de la liturgie et de la foi, on ne prend pas la peine d'analyser ce que Sarah dit sur le fond. Non: on demande simplement que le pape émérite soit neutralisé pour qu'il ne puisse plus interférer.

Je pensais justement au pape émérite et à l'idée, soutenue par les champions de la miséricorde, selon laquelle il devrait rester silencieux et bien sage et voilà que le mardi 30 mai, au cours de la messe du matin à Sainte Marthe, le pape régnant s'en sort avec cette réflexion: «Prions pour les pasteurs, pour nos pasteurs pour les curés, les évêques, le Pape; pour que leur vie soit une vie sans compromis, une vie en chemin, et une vie où ils ne se croient pas au centre de l'histoire et ainsi apprennent à prendre congé».

Apprennent à prendre congé? Pourquoi cette remarque? QUI, en particulier, aurait besoin d'apprendre à prendre congé?

Le pape François envisage la renonciation à la papauté, affirme quelque commentateur. L'auteur de ces lignes a au contraire l'impression que le message parti de Sainte Marthe est adressé à l'ancien monastère voisin de Mater Ecclesiae, la maison du pape émérite.

Impression qui devient encore plus claire lorsque le pape régnant, de but en blanc, après avoir dit que «[nous] tous les pasteurs devons prendre un congé», explique: «Il arrive un moment où le Seigneur nous dit: va ailleurs, va au-delà, va là-bas, viens chez moi. Et l'un des pas que doit faire un pasteur est aussi de se préparer à bien prendre congé, à ne pas prendre congé à moitié».

Ne pas prendre congé à moitié? Qui devrait apprendre à le faire?

Je ne sais pas pourquoi, mais devant les allusions du pape régnant, ainsi que les déclarations du cardinal qui donne du «pauvre homme» à son confrère Burke et les thèses du théologien selon lequel le pape émérite devrait être réduit à un état de «mort institutionnelle», il m'est venu à l'esprit Peppone quand il s'en prend aux poulets de don Camillo: «J'ai dit élimination! élimination physique!».

A quoi don Camillo, j'en suis convaincu, répondrait: «Jésus, tenez-vous fort, il va y avoir une raclée»

Aldo Maria Valli