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Malte: double jeu, avec le card. Burke?

Riccardo Cascioli a pu lire la lettre que le Pape avait adressée au cardinal en novembre (3/2/2017).

>>> Voir aussi:
Ordre de Malte: une autre pièce du puzzle

>>> Dossier Ordre de Malte

Le titre que j'ai choisi pose une question qui peut paraître irrévérencieuse, et qui le serait certainement si l'on ne savait pas comment tout cela a fini.
Mais il faut garder en mémoire ce qu'écrivait Marco Tosatti il y a quelques jours:

Il y a au moins un précédent. Pell quand il a été chargé de réformer l'économie et la gestion du Vatican, avait reçu [du Pape] une invitation à aller de l'avant sans regarder personne en face. Comme un bon joueur de football australien, il est allé de l'avant. Et il a découvert petit à petit que son Secrétariat pour l'économie avait été pelé, couche après couche, comme un oignon. Avec l'approbation du pape.

La conclusion de l'article de Riccardo Cascioli (je ne veux évidemment pas parler à sa place...) me semble aller dans le même sens.
Vu la contradiction flagrante entre le contenu - certes irréprochable - de la lettre du Pape et l'issue qui est sous les yeux de chacun, avec la démission du Grand Maître et la "remise en selle" de Booselager, il n'y a qu'une seule autre option (à vrai dire très peu vraisemblable): que le Pape soit de bonne foi, et qu'il soit manipulé.
Les deux alternatives ne laissent pas d'être inquiétantes.

Cette lettre du pape au cardinal Burke

Riccardo Cascioli
www.lanuovabq.it
2 février 2017
Ma traduction

* * *

Une invitation à la vigilance contre l'adhésion de membres de l'Ordre de Malte à la franc-maçonnerie, et des mesures résolues pour arrêter les responsables de la distribution de contraceptifs dans les programmes d'assistance dans les pays pauvres. Tel est le sens de la "fameuse" lettre envoyée le 1er Décembre dernier par François au cardinal Raymond Burke, patron de l'Ordre Souverain Militaire de Malte, et que la Nuova Bussola a pu voir.

Il s'agit de la lettre envoyée après l'entretien personnel que le cardinal Burke avait eu le 10 Novembre avec François, à qui il avait expliqué la situation délicate de l'Ordre concernant l'attitude d'Albrecht Boeselager (cf. Ordre de Malte: une autre pièce du puzzle). Cette lettre a également été communiquée à tous les membres du Conseil Souverain de l'Ordre, elle a jusqu'à présent été utilisée comme chef d'accusation (très grave) contre le cardinal Burke.

Le Secrétaire d'Etat, le cardinal Pietro Parolin, est en effet intervenu après la destitution de Boeselager pour reprocher au Cardinal patron de s'être réclamé du soutien de François pour son licenciement. Ce fut aussi la base de l'intervention ultérieure du Secrétaire d'Etat et du pape qui conduisit à la demande de démission au Grand Maître Matthew Festing et à la commission nommée pour contrôler l'Ordre. Burke, en réalité, a toujours nié être l'instigateur de ce torpillage ou avoir utilisé frauduleusement les paroles du Pape, mais la lettre a en réalité des tons bien moins conciliants que ceux évoqués par le cardinal Parolin.

Le pape, après avoir appelé le Cardinal Burke à la vigilance «dans l'accomplissement de sa tâche de "promouvoir les intérêts spirituels de l'Ordre et de ses membres et les relations entre le Saint-Siège et l'Ordre" (Constitution, article 4, §4)», affirme avant tout, qu'il «conviendra d'éviter que s'introduisent dans l'Ordre des manifestations de l'esprit mondain, ainsi que les adhésions à des associations, mouvements et organisations qui sont contraires à la foi catholique ou d'empreinte relativiste». C'est une référence à la présumée infiltration de la franc-maçonnerie parmi les Chevaliers de Malte que le pape, dans des conversations privées, a évoquée à plusieurs reprises. «Si cela devait se produire - dit François - il faudrait invitera les Chevaliers qui éventuellement sont membres de ces associations, mouvements et organisations à retirer leur adhésion, car elle est incompatible avec la foi catholique et l'appartenance à l'Ordre».

Le deuxième chapitre traite du problème de la diffusion des contraceptifs dans les pays pauvres: «On prendra particulièrement soin - énonce la lettre - que dans les initiatives de bienfaisance de l'Ordre, on n'autorise ni ne diffuse de méthodes et de moyens contraires à la loi morale. Si dans le passé, des problèmes dans ce domaine ont surgi, j'espère qu'ils seront complètement résolus. Je regretterais en effet sincèrement si certains hauts responsables - comme vous me l'avez dit - bien qu'informés de ces pratiques, en particulier en ce qui concerne la distribution de contraceptifs de toute nature, ne sont pas jusqu'à présent intervenus pour y mettre fin».

L'objectif fixé par le pape est donc clair. Mais comment affronter les auteurs du scandale? «Je ne doute pas - écrit François - que, suivant le principe paulinien d'"opérer la vérité dans la charité (Ep 4, 15), l'on réussira à entrer en dialogue avec eux et à obtenir les rectifications nécessaires».

Une indication claire, là aussi, mais surtout un souhait. Que se passe-t-il en effet, si les responsables n'ont pas l'intention de résoudre le problème? Comme nous l'avons expliqué ICI, en effet, il ne s'agit pas d'un petit problème isolé, mais de pratiques ayant cours au moins jusqu'à une époque très récente et surtout partagées idéologiquement par des responsables comme Boeselager qui jusqu'en 2014 était directement responsable de ces projets. D'après toutes les reconstitutions de l'affaire, il semble clair qu'il y a eu la tentative Grand Maître de rappeler Boeselager à ses responsabilités, chose qui a été rejetée, poussant alors le Grand Maître à la destitution de Boeselager et le Conseil souverain à élire son successeur comme grand Chancelier.

Ce qui s'est passé après est de l'histoire récente, mais à la lecture des indications claires de François, on ne peut que s'étonner du résultat final: le responsable objectif des projets condamnés par le pape est aujourd'hui réhabilitaté et s'avère être le vainqueur tandis que ceux qui ont essayé de suivre les indications du Pape ont été torpillés, humiliés et soumis au pilori médiatique.

La lettre confirme également qu'entre le pape et son secrétaire d'Etat émergent des positions différentes sur l'affaire Ordre de Malte, avec un cardinal Parolin très déterminé à soutenir Boeselager et à nommer purement et simplement une Commission pour l'Ordre. Un fait qui soulève la curiosité, complété par un autre détail pour l'instant non communiqué. Le Saint-Siège a en effet décidé d'annuler et d'invalider tous les actes du Grand Maître et du Souverain Conseil à compter du 6 Décembre dernier. De cette façon, la destitution de Boeselager est annulée, mais aussi - et là réside le détail - la nomination d'une Commission d'enquête interne voulue par le Grand Maître pour enquêter sur l'héritage mystérieux de 120 millions déposés en Suisse, dont on a tellement parlé au cours des dernières semaines et dont le Grand Maître était largement tenu dans l'ignorance. En revanche, quelqu'un qui était informé (et concerné), c'est Boeselager. A présent, cette commission d'enquête n'existe plus.