Benoit-et-moi 2017
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Une opposition qui touche les fondements de la foi

Celle entre le théologien Joseph Ratzinger, et le jésuite Bergoglio, notamment sur l'accès à l'Eucharistie. Les trouvailles de Sandro Magister dans les Opera Omnia du premier (4/2/2017)

Sur le "médicament" pour les pécheurs, les recettes opposées de Ratzinger et de Bergoglio

Sandro Magister
Settimo Cielo
3 février 2017
Ma traduction

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Compte-tenu des déclarations des évêques de la région de Buenos Aires - approuvées par écrit par François -, des évêques de Malte, d'autres évêques encore, et enfin de la Conférence épiscopale d'Allemagne, il est désormais évident que l'argument principal sur lequel les novateurs font levier pour justifier la communion pour les divorcés remariés, est celui évoqué dans cette phrase suggestive d' "Amoris laetitia", à son tour reprise dans "Evangelii Gaudium", le document programmatique de l'actuel pontificat:

«L'Eucharistie n'est pas une récompense pour les parfaits mais un remède généreux et un aliment pour les faibles»

C'est une affirmation qui est souvent associée - également dans la prédication de Jorge Mario Bergoglio - aux repas que Jésus consommait avec les pécheurs.
Mais c'est aussi une affirmation qui a été mise à nu et critiquée en profondeur par Benoît XVI.
Il suffit de confronter les textes des deux papes pour vérifier combien ils sont en désaccord entre eux.

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Chez François, l'association entre l'Eucharistie et les repas de Jésus avec les pécheurs est postulée sous forme d'allusion, et à l'aide de notes de bas de page étudiées.
Dans "Amoris laetitia", le passage-clé est au paragraphe 305:

«À cause des conditionnements ou des facteurs atténuants, il est possible que, dans une situation objective de péché – qui n’est pas subjectivement imputable ou qui ne l’est pas pleinement – l’on puisse vivre dans la grâce de Dieu, qu’on puisse aimer, et qu’on puisse également grandir dans la vie de la grâce et dans la charité, en recevant à cet effet l’aide de l’Église.»

Auquel est jointe la note n. 351:

«Dans certains cas, il peut s’agir aussi de l’aide des sacrements. Voilà pourquoi, "aux prêtres je rappelle que le confessionnal ne doit pas être une salle de torture mais un lieu de la miséricorde du Seigneur" [Evangelii gaudium, n. 44]. Je souligne également que l’Eucharistie "n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles" [Ibid., n. 47]»

Si on remonte ensuite jusqu'à "Evangelii gaudium", voilà ce qu'on lit au paragraphe 47:

«Tous peuvent participer de quelque manière à la vie ecclésiale, tous peuvent faire partie de la communauté, et même les portes des sacrements ne devraient pas se fermer pour n’importe quelle raison[...] L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles».

Avec, ici aussi, un renvoi à une note, la n.51:

«Cf. saint Ambroise, De sacramentis, IV, 6, 28: "Je dois toujours le recevoir pour que toujours il remette mes péchés. Moi qui pèche toujours, je dois avoir toujours un remède"; IV, 5, 24: "Celui qui a mangé la manne est mort; celui qui aura mangé ce corps obtiendra la rémission de ses péchés"; saint Cyrille d’Alexandrie, In Joh. Evang. IV, 2: "Je me suis examiné et je me suis reconnu indigne. À ceux qui parlent ainsi je dis: et quand serez-vous dignes? Quand vous présenterez-vous alors devant le Christ? Et si vos péchés vous empêchent de vous approcher et si vous ne cessez jamais de tomber – qui connaît ses délits?, dit le psaume – demeurerez-vous sans prendre part à la sanctification qui vivifie pour l’éternité?"»

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Chez Joseph Ratzinger, théologien et pape, au contraire, nous nous trouvons en présence d'une argumentation serrée, visant à prouver l'insoutenabilité de l'association entre l'Eucharistie et les repas de Jésus avec les pécheurs, avec les conséquences qui en découlent.

Voici comment il développe cet argument dans les pages 422-424 du tome XI de ses Opera Omnia, «Théologie de la liturgie», publié en 2008 par l'actuel préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, le cardinal Gerhard L. Müller:

«Dans de larges cercles, la thèse selon laquelle l'Eucharistie apostolique se relie à la communauté conviviale quotidienne de Jésus avec ses disciples [...] est radicalisée dans le sens qu'elle fait dériver l'Eucharistie plus ou moins exclusivement des repas que Jésus consommait avec les pécheurs.

«Dans ces positions, on fait coïncider l'Eucharistie selon l'intention de Jésus avec une doctrine de la justification strictement luthérienne, comme doctrine de la grâce concédée au pécheur. Enfin, si les repas avec les pécheurs sont admis comme unique élément sûr de la tradition du Jésus historique, le résultat est de réduire l'ensemble de la christologie et de la théologie à ce point.

«Mais il découle de cela une idée de l'Eucharistie qui n'a plus rien de commun avec la tradition de l'Église primitive. Alors que Paul compare l'accès à l'Eucharistie en état de péché avec le fait de "manger et boire sa propre condamnation" (cf. 1 Co 11, 29) et protège l'Eucharistie contre les abus par l'anathème (cf. 1 Co 16, 22), ici, le fait que l''Eucharistie devrait être offerte à tous sans aucune distinction ni condition préalable apparaît même comme son essence. Elle est interprétée comme le signe de la grâce sans condition de Dieu, qui en tant que telle est offerte immédiatement également aux pécheurs, et même aux non-croyants, une position qui, cependant, a désormais bien peu de choses en commun avec la conception que Luther avait de l'Eucharistie.

«L'opposition avec toute la tradition eucharistique du Nouveau Testament dans laquelle tombe la thèse radicalisée en réfute le point de départ: l'Eucharistie chrétienne n'a pas été comprise à partir des repas que Jésus avait avec les pécheurs [...] Un indice contre le fait que l'Eucharistie dérive du repas avec les pécheurs est son caractère fermé, qui en cela suit le rituel pascal: tout comme le repas pascal est célébré dans la communauté domestique rigoureusement circonscrite, de même il existait aussi pour l'Eucharistie depuis le début des conditions d'accès bien établies; elle était célébrée depuis le début, pour ainsi dire, dans la communauté domestique de Jésus-Christ, et de cette façon, a construit l''Eglise'».

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Il est évident que de cette argumentation de Ratzinger dérive l'interdiction de la communion pour les divorcé remariés, et pas seulement pour eux: interdiction qui a trouvé une expression claire dans son magistère de pape, comme dans le magistère de ses prédécesseurs.

Tout comme il n'est pas surprenant que des assertions allusives de François découlent des interprétations favorables à la communion pour les divorcés remariés: interprétations qu'il a non seulement consenties, mais explicitement approuvées.

Le contraste est bien là. Et à en juger par les arguments de Ratzinger, il est non seulement pratique, "pastoral", mais il touche les piliers de la foi chrétienne.