Benoit-et-moi 2017
Vous êtes ici: Page d'accueil » Actualité

Quand les prêtres divaguent...

et parlent de tout, sauf de Dieu. Leur maladie, qu'AM Valli, dans une très belle réflexion, nomme "divaguérite" a un traitement efficace: l'Adoration Eucharistique (23/3/2017)

Les prêtres qui divaguent, n'y en a-t-il pas jusqu'aux plus hauts sommets de l'Eglise?

A Cologne (...) je fus le témoin d'un profond, inoubliable silence d'un million de jeunes, au moment de l'adoration du Très Saint Sacrement! Ce silence orant nous unit, nous apportant un grand réconfort. Dans un monde où il y a tant de bruit, tant d'égarement, nous avons besoin de l'adoration silencieuse de Jésus caché dans l'Hostie. Soyez assidus dans la prière d'adoration et enseignez-la aux fidèles. Dans celle-ci, les personnes éprouvées trouveront en particulier le réconfort et la lumière.
Les fidèles n'attendent qu'une chose des prêtres: qu'ils soient des spécialistes de la promotion de la rencontre de l'homme avec Dieu. On ne demande pas au prêtre d'être expert en économie, en construction ou en politique. On attend de lui qu'il soit expert dans la vie spirituelle. Dans ce but, lorsqu'un jeune prêtre accomplit ses premiers pas, il faut qu'il puisse faire référence à un maître expérimenté, qui l'aide à ne pas s'égarer face aux nombreuses propositions de la culture du moment. Face aux tentations du relativisme ou du permissivisme, il n'est pas du tout nécessaire que le prêtre connaisse tous les courants de pensée actuels et changeants; ce que les fidèles attendent de lui est qu'il soit le témoin de la sagesse éternelle, contenue dans la parole révélée.

(Benoît XVI, 25 mai 2006, rencontre avec le clergé dans la Cathédrale Saint-Jean à Varsovie)
w2.vatican.va

Le "divaguérite" et le traitement pour en guérir

Aldo Maria Valli
21 mars 2017
Ma traduction

* * *

De plus en plus souvent, en écoutant les discours des hommes d'Eglise ou en lisant leurs textes, je m'aperçois qu'ils ne parlent pas des choses essentielles liées à la foi et au salut des âmes, mais s'occupent d'autre chose. Ils le font même bien, montrant une certaine préparation. Mais ils ne parlent pas ou parlent très peu, ou pas en premier lieu, de Dieu et de la révélation divine. Ils ne s'occupent pas de ce qu'autrefois on appelait les "choses dernières / novissimes" (la mort, le jugement, l'enfer, le ciel), mais préfèrent parler d'autres choses, des choses terrestres.

Je qualifierais cette attitude de "divaguérite". Cela signifie que ces personnes divaguent. Par exemple, ils font de la sociologie, ils dissertent de thèmes écologiques, ils affrontent certaines questions économiques, descendant dans l'arène en termes de droits de l'homme.

Je ne dis pas que ce sont des questions de peu d'importance, ni que l'Eglise ne devrait pas s'en occuper. Je dis qu'en privilégiant ces thèmes, et en négligeant Dieu, la Trinité, la révélation, le jugement divin et le destin de l'homme après la mort, ce qui est effectivement mis en œuvre est une sorte d'auto-censure. Qui peut être consciente ou inconsciente. Mais elle existe.

Pourquoi cela?

Certains considèrent que le phénomène est dû à l'entrée de l'idéologie politique dans le cœur et dans l'esprit des hommes d'Église, de sorte que leur prédication s'adresse de préférence aux problèmes d'ici-bas, et non aux mystères d'au-dessus. C'est une explication. Mais peut-être y a-t-il aussi des raisons plus profondes.

On sait qu'aujourd'hui, en pleine postmodernité, il est considéré comme inconcevable que quelqu'un prétende être porteur et témoin d'une vérité absolue. Et pire encore, si cette vérité est une vérité religieuse. Et si ensuite, comme dans le cas du christianisme, la religion se présente même comme la religion du «Logos», synthèse de la raison et de la foi, son contenu est considéré comme tout à fait improposable.

L'homme moderne, imprégné de subjectivisme et de relativisme, est en grande partie un vagabond. Il l'est dans le sens littéral du terme, parce que non seulement il ne possède pas une orientation sûre, mais il exclut que ce soit possible en dehors de son propre sentiment à l'égard d'une situation particulière. Toutefois, il possède quelques certitudes qui, paradoxalement, sont précisément le fruit de sa condition de vagabond. La première est qu'aucune pensée et aucune religion ne peut avoir une prétention à la vérité. La seconde est qu'entre la foi et la raison, il ne peut pas y avoir de synthèse, mais seulement divergence et opposition. Ainsi, au moment même où le christianisme revendique pour lui-même le double rôle de vraie religion, en mesure de répondre aux grandes questions de la vie, s'érigeant au-dessus toutes les autres philosophies et religions, et de religion rationnelle, qui ne sépare pas, mais intègre la physique et la métaphysique, le rejet est immédiat: tout cela, dit la mentalité soumise à la domination du subjectivisme et du relativisme, est tout simplement absurde. Pour l'homme contemporain, une expérience religieuse aujourd'hui ne peut revendiquer aucune prétention ni à la vérité ni à la rationalité; la seule chose qu'elle peut faire est de se placer humblement aux côtés de toutes les autres, au même niveau, au nom du pluralisme.

Un autre principe aujourd'hui diffus, authentique dogme laïque, est que toute obligation morale découlant de l'expérience religieuse est impossible. Si une telle expérience ne peut pas revendiquer pour elle-même le statut de rationnelle et de vraie, l'obligation morale qui en résulte est nécessairement infondée et arbitraire, fruit de dispositions institutionnelles qui remplacent la liberté de choix.

Il s'agit de convictions si profondément enracinées, et si omniprésentes qu'elles ont atteint jusqu'aux catholiques. Lesquels sont souvent les premiers à réduire la prétention de rationalité et de vérité dont ils devraient être les porteurs. Voici que la figure même de Jésus est relativisée et historicisée, jusqu'à éclipser sa divinité; voici que l'origine divine de l'Eglise en Jésus et sa prétention d'être la seule véritable Eglise ne sont plus réaffirmées par certains. Et voici aussi que se propage la "divaguérite".

Si, comme les disciples le dirent à Jésus, «cette parole est rude [qui peut l'entendre]» (Jean, 6, 60-69), difficile à saisir pour le monde, pourquoi rester à se battre? Mieux vaut s'adapter. Et un moyen comode et rapide de s'adapter est de parler d'autre chose. C'est une voie de fuite, qui atteint le double objectif d'éviter des arguments trop «durs» pour la mentalité laïque et de s'assurer les applaudissements du monde.

Mais, si la "divaguérite" est si répandue, comment se fait-il que la foi résiste encore? Y a-t-il un remède? Et, si oui, comment fonctionne-t-il?

Oui, il existe un remède. Il ne faut pas le chercher n'importe où (par exemple, même si quelqu'un [le Pape en personne, ndt] a dit que Luther était un médicament pour l'Eglise, il ne faut pas se tourner vers la pharmacie des frères luthériens). Le médicament numéro un, en fait, est un vieux remède de la pharmacie catholique et s'appelle adoration. Pour être précis, l'adoration eucharistique. La plupart du temps silencieuse.

Il me revient en mémoire les Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne, en 2005. J'y étais comme envoyé spécial et je me souviens de la nuit de l'adoration eucharistique par des milliers et des milliers de jeunes à Marienfeld. Quel moment! Il n'y avait pas de mots, mais la puissance de cette prière pouvait être touchée.

Je sais que partout dans le monde, y compris en Italie, il y a de plus en plus de groupes d'adoration. Ma femme Serena, dite Santa subito (!!) et catéchiste de longue date, n'y renoncerait pour rien au monde.

J'écris ces quelques notes après avoir été dans une église dans laquelle il y a un espace réservé à l'adoration perpétuelle. Pas de discours, pas de proclamations, pas d'activisme. Seulement le tabernacle et le Saint-Sacrement. Quelle merveille.

Voilà. Pratiquée régulièrement, par de nombreuses personnes cachées, l'adoration combat la "divaguérite" et beaucoup d'autres maladies. Et il est significatif qu'elle le fasse à travers le silence.

«La force du silence» est le titre d'un beau livre du cardinal Robert Sarah. Et chez saint Jean de la Croix, nous trouvons cette pensée fulgurante: «Le Père prononça une parole, qui fut son Fils, et toujours il la répète dans un silence éternel; c'est pourquoi, en silence, elle doit être écoutée par l'âme».

Pouvant compter sur un tel remède, notre foi est en sûreté. Même si certains pasteurs, en proie à des attaques de "divaguérite", montrent une tendance à se transformer en sociologues, économistes ou politologues, la contemplation silencieuse nous ramène continuellement à l'essentiel.

Aldo Maria Valli