Benoit-et-moi 2017
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Une histoire de crèches

La crèche de la Place Saint-Pierre vue par Aldo Maria Valli. A comparer avec celle du dernier Noël de Benoît XVI comme Pape, en 2012 (18/12/2017).

>>> Une crèche des ténèbres...

>>> Photos en très grand format sur le compte twitter d'Edward Pentin (et nombreuses réactions):

François lui-même a "expliqué" la crèche le 7 décembre, en remerciant une délégation des donateurs (w2.vatican.va):

Chaque année, la crèche et l'arbre de Noël nous parlent dans leur langage symbolique. Ils rendent plus visible ce que l'on perçoit dans l'expérience de la naissance du Fils de Dieu. Ce sont les signes de la compassion du Père Céleste, de sa participation et de sa proximité avec l'humanité, qui expérimente qu'elle n'est pas abandonné dans les brumes du temps, mais visité et accompagné dans ses propres difficultés. (...) Dans la simplicité de la crèche, nous rencontrons et contemplons la tendresse de Dieu, manifestée dans celle de l'Enfant Jésus.

La crèche de cette année, réalisée dans l'expression typique de l'art napolitain, est inspirée par des œuvres de miséricorde. Celles-ci nous rappellent que le Seigneur nous a dit: «Tout ce que tu veux que les hommes te fassent, toi aussi fais-le» (Mt 7,12). La crèche est le lieu suggestif où nous contemplons Jésus qui, prenant sur lui les misères de l'homme, nous invite à faire de même par des actions de miséricorde.

Tout cela est parfait... mais les images que l'on a sous les yeux ne me semblent pas vraiment représenter "le lieu suggestif où nous contemplons Jésus" dont parle le Pape.
En tout cas, la crèche ne fait pas l'unanimité, c'est le moins que l'on puisse dire.

L'avis d'Aldo Maria Valli est à ce titre particulièrement intéressant car il vit à Rome, il est allé voir la crèche en personne (apparemment plus par devoir professionnel que par conviction), et il a pu en discuter avec des gens "simples" (représentés par un pizzaiolo du Borgo Pio) qui en ont été perplexes, voire choqués. Sans doute qu'elle ne s'adresse pas à eux, et encore moins aux enfants, mais à des intellectuels (il vaudrait mieux dire des intellos) très occupés à désacraliser Noël, et pas du tout à porter au monde la Bonne Nouvelle de la naissance de Jésus.
Il est intéressant de comparer avec la crèche de 2012, du temps de Benoît XVI. Les commentaires sont superflus...

Quand l'Enfant Jésus semble un intrus dans la crèche

Ado Maria Valli
18 décembre 2017
Ma traduction

* * *

Finalement, j'y suis allé. Voir la crèche de la place Saint-Pierre. Hier, c'est mon ami pizzaiolo du Borgo Pio qui m'a poussé: «Allez-y. Allez-y, et après vous me direz».
Je lui ai demandé: Elle ne vous a pas plu?
- Pas du tout».
Et pourquoi?
- Elle m'a mis mal à l'aise. Avec cet homme nu au premier plan, le gymnaste. Mais qu'est-ce que c'est que ça? C'est un pauvre, celui-là? Allons donc! On dirait qu'il sort tout juste d'une salle de gym. Et puis Marie et Joseph sont perdus au milieu, presque cachés par les autres personnages. Allez-y, et on en parle après».

Alors j'y suis allé. Et en fait, je dois dire que l'homme nu s'impose sur tout. Il est juste là devant, au premier plan, rose, bien tourné, épilé, avec tous les muscles dessinés. L'ami pizzaiolo a raison: il ne semble pas être pauvre du tout, quelqu'un qui a besoin d'être vêtu. Il ressemble plutôt à un modèle qui se complaît de son physique.
Ensuite, j'ai été frappé par le mort. Il se tient un peu à l'écart, sur une table. Il est recouvert d'un linceul blanc, de lui, on ne voit qu'un bras, cadavérique, naturellement, qui pend, inerte. A côté de lui, il y a un gros homme: on ne sait pas très bien ce qu'il fait, mais il semble plutôt menaçant, avec une main levée au-dessus du cadavre et le regard un peu torve.

La crèche de cette année a été donnée par l'abbaye territoriale de Montevergine et, comme nous l'apprend Radio Vatican, il s'agit d'«une œuvre d'art réalisée dans le style du XVIIIe siècle selon la plus ancienne tradition napolitaine». Fruit du travail d'un «atelier artisanal napolitain», la crèche occupe «une vaste surface d'environ quatre-vingts mètres carrés, avec une hauteur maximale d'à peu près sept mètres». L'ensemble s'inspire «des œuvres de miséricorde, représentées par une vingtaine de personnages, d'une hauteur variable d'environ deux mètres et composées de terre cuite polychrome, d'yeux de cristal et de vêtements en tissu».

L'auteur de ces lignes n'a aucune compétence artistique. Les statues, en tant que statues individuelles, sont certainement remarquables. Mais l'impression, en tant que béotien, est celle de se trouver non pas tant devant une crèche, ou la représentation de la naissance de Jésus, que devant un groupe de personnages très affairés, au point qu'ils sont indifférents au miracle de la Nativité.

Les œuvres de miséricorde sont représentées par des personnages occupés à les mettre en pratique: Un homme rend visite à un prisonnier (dont seule la tête est visible, avec un effet horrible parce qu'elle semble coupée); une femme avec un pichet à la main donne à boire à un assoiffé; un jeune homme assiste une infirme; un monsieur regarde l'homme nu et lui tend un vêtement (qui toutefois pend de sa main et n'a pas encore été utilisé pour couvrir au moins un peu le nécessiteux), et puis il y a celui qui loge les pèlerins, et il y a le gros homme qui, probablement, est sur le point d'enterrer le cadavre couché sur la table.

Au milieu de tout cet activisme et de cet enchevêtrement d'yeux et de membres humains, Joseph et Marie semblent presque deux intrus, arrivés là par hasard. Je ne sais pas, peut-être que quand l'Enfant Jésus arrivera, la Sainte Famille réussira à reconquérir un peu d'espace, mais pour l'instant la crèche ressemble plutôt à une coopérative sociale assez désordonnée.

Je le répète, je n'ai pas de compétences artistiques et ce que je dis horrifiera certainement les experts, mais je ne peux pas cacher ma perplexité. Même les rois mages semblent plus impressionnés par l'activité qui se déroule devant eux que par la naissance de notre Seigneur. Et puis il y a l'absence totale de la cabane, ou de la grotte ou de de l'abri - quel que soit le nom qu'on lui donne -, réduit à une esquisse de coupole, comme si l'Enfant Jésus avait décidé de venir au monde dans une église détruite par un tremblement de terre, dont seule une petite partie branlante est resté debout.

J'ai lu quelque part que Facebook a refusé la photo de la crèche de la place Saint-Pierre comme étant «sexuellement allusive et provocante» [ndt: voir le site <www.breitbart.com>] . A cause de celui que mon ami le pizzaiolo appelle «le gymnaste», bien sûr. Je ne sais pas comment ces choses fonctionnent, et je ne veux pas les explorer. Je me limite à observer ce que pourra être la réaction d'un enfant ammené pour voir la crèche

- Je m'excuse, papa, maman, mais où est la Sainte Vierge? Et l'Enfant Jésus? Et Saint Joseph?
- Regarde bien, mon fils.
- Mais où?.
- Là, derrière l'homme... euh... peu vêtu. Tu les vois?
- Non papa, je ne vois rien.
- Ok, on va se déplacer. Alors maintenant, tu vois?
- Non, je vois la tête d'un monsieur avec la peau sombre, à travers la fenêtre. Ils l'ont coupée?
- Non, mon fils, ils ne l'ont pas coupée. C'est un prisonnier et on voit sa tête dans la prison. Ils l'aident.
- Oui, mais où est l'Enfant Jésus?
- Ok, on se déplace. Maintenant tu le vois?
- Non, je vois eulement un monsieur allongé sur la table. Dessus, ils ont mis un drap blanc. Mais pourquoi?
- Parce qu'il est mort.
- Mort? Mais comment? Qui l'a tué? Qu'est-ce qu'ils lui ont fait?
- Rien, rien, mon fils. Il est mort, c'est tout, et maintenant ils doivent l'enterrer.
- Et l'Enfant Jésus?
- Ok, on change de place. Ou plutôt, je vais te porter. Maintenant tu le vois?
- Non, je ne vois qu'un roi mage avec un grand turban sur la tête. Je ne l'aime pas.
- Mais non, allons mon fils, ne dis pas ça.
- Papa, maman, j'ai peur! Allons-nous-en!
- Mais pourquoi? Tu n'es pas content? La crèche ne te plaît pas?
- Non, je n'aime pas cette crèche, elle me fait peur. Rentrons à la maison.

* * *

Voilà.
Maintenant je vais rendre visite à mon ami pizzaiolo. J'ai l'impression que nous aurons de quoi parler.