François et les médias (suite)

Après AM Valli, c'est au tour de l'influent blogueur britannique Damian Thompson de dénoncer l'attitude du pape, et surtout la scandaleuse couverture médiatique du Mémorandum de Vigano. Tout cela afin de préserver la fiction de "François, le grand réformateur" - qui ne l'est pas (3/9/2018)

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Les médias, Benoît XVI et François

 

Comment les médias couvrent le pape François.


Damian Thompson
spectator.us
29 août 2018
Ma traduction

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Si le chef de n'importe quelle autre organisation était coupable d'une telle complicité, non seulement il serait contraint de démissionner, mais il pourrait aussi finir sur le banc des accusés.


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Il est déprimant de voir les médias - tant catholiques que laïques - protéger le pape François contre l'accusation explosive de son ancien nonce aux États-Unis, d'avoir sciemment couvert et relancé la carrière du serial prédateur gay, le cardinal Theodore McCarrick.

L'archevêque Carlo Maria Viganò, dans un témoignage publié samedi, affirme qu'en 2013, il a personnellement dit à François que McCarrick, archevêque en retraite de Washington, avait «corrompu des générations de séminaristes et de prêtres».

Le Pape a haussé les épaules, dit Viganò, et a levé les sanctions canoniques imposées à McCarrick par Benoît XVI. McCarrick était son proche allié - tout comme le cardinal à la retraite Danneels de Belgique, qui avait dissimulé des abus incestueux de la part d'un de ses évêques. En parfaite connaissance de cause, François a invité Danneels à un synode sur la famille - chose qui n'a pas dérangé les partisans les plus fanatiques du Pape dans les médias, connus sous le nom de «Team Francis» (Équipe François) et ne les dérange toujours pas.

Confrontés à ces nouvelles accusations graves et crédibles contre le Pape, les membres de l'Équipe François, écrivant dans le National Catholic Reporter (progressiste), The Tablet et le magazine America ont désespérément cherché à discréditer Viganò.

Ils n'ont eu qu'un succès très limité. Oui, l'ancien nonce est un opposant idéologique de François; aidé par d'autres conservateurs, il a programmé sa déclaration afin de causer le maximum d'embarras au pontife. De plus, il semble que les sanctions de Benoît contre McCarrick aient été différées, inopérantes et ignorées.

Mais nous savons que le vieux cardinal a été chassé du séminaire où il vivait, et sur ordre de Benoît XVI. C'est peut-être le plus loin où sont allées les sanctions. Je ne serais pas surpris si l'insubordination persistance de McCarrick - soutenue par d'autres cardinaux au courant de sa mauvaise réputation - avait joué un rôle dans la décision de Benoît de démissionner de la papauté.

La couverture évasive de ce scandale par les partisans de la ligne dure de l'Equipe François est injustifiable. Certains «journalistes» devraient se demander s'ils sont devenus complices de dissimulation d'abus sexuels.

Pendant ce temps, la plupart des médias laïques - aujourd'hui presque dépourvus de spécialistes de la religion - s'accrochent paresseusement à la fable de François «Grand Réformateur».

Il n'est rien de la sorte. C'est un homme dont le modus operandi impitoyable et cynique était bien connu en Argentine avant qu'il soit élu pape. (J'exhorte tout le monde à lire le livre The Dictator Pope de Henry Sire, qui donne de nombreux détails). Notons que François n'a pas mis les pieds dans son pays d'origine depuis son départ pour le conclave de 2013. Il n'ose pas: il y a trop d'ennemis.

Particulièrement décevante, la couverture biaisée de l'affaire Viganò par le New York Times, qui démolit le récit de McCarrick. Pourquoi le respecté Jason Horowitz a-t-il cette semaine commencé un long article par ces lignes?

Depuis le début de sa papauté, Francis a exaspéré les traditionalistes catholiques alors qu'il tente d'encourager une église plus accueillante, l'éloignant des sujets de guerre culturelle, qu'il s'agisse de l'avortement ou de l'homosexualité. «Qui suis-je pour juger?», a répondu le pape en réponse à une question sur les prêtres gays.

La colère de ses ennemis politiques et doctrinaux est devenue évidente ce week-end, quand une lettre caustique publiée par l'ex-diplomate en chef du Vatican aux États-Unis a rendu responsable des abus sexuels un «courant homosexuel» dans la hiérarchie du Vatican. Il a appelé à la démission de François, l'accusant de couvrir un cardinal en disgrâce, Theodore McCarrick.

Avec la lettre - publiée au beau milieu de la visite du pape en Irlande - une opposition idéologiquement motivée a fait de la crise des abus sexuels de l'Eglise une arme pour menacer non seulement l'agenda de François, mais aussi son pontificat tout entier. À tout le moins, il a remis au centre du débat la question de l'homosexualité dans l'Église catholique romaine, dont de nombreux conservateurs sont convaincus qu'elle est à l'origine de la crise des abus.


Rien de tout cela n'est faux, bien qu'il interprète peut-être mal la phrase «qui suis-je pour juger?» François répondait à une question sur Mgr Battista Ricca, un diplomate du Vatican pris dans un pittoresque scandale gay, que le Pape a néanmoins nommé pour contribuer à réformer la banque du Vatican. Mais une grande partie de l'article d'Horowitz se lit comme s'il avait été dicté par l'Équipe François.

Les catholiques libéraux et les grands médias nous induisent en erreur sur deux points cruciaux :

1. Les motifs qui poussent Viganò à publier le témoignage sont fondamentalement hors-sujet. Ce que nous devons savoir, c'est si ses affirmations sont vraies. François ignorait-il ce que Viganò lui a dit à propos de McCarrick - ce qui, ne l'oublions pas, était la vérité? Je pense que oui, mais je suis depuis longtemps convaincu que ce pape est prêt à négliger toutes sortes d'infractions tant que le délinquant lui est utile. Lisez sur mon blog mon billet sur le ténébreux confident papal, le cardinal hondurien Oscar Maradiaga, que François a déclaré innocent avant même que l'enquête sur les allégations d'irrégularités financières n'ait commencé.

2. Les réputations de Jean-Paul II, Benoît XVI et François ont toutes été endommagées par le scandale McCarrick. Jean-Paul II a fait McCarrick archevêque de Washington et cardinal même si on murmurait déjà qu'il était un prédateur - et son ancien archidiocèse de Newark avait versé de l'argent à des adultes qui prétendaient avoir été agressés sexuellement. Benoît a agi très tardivement contre McCarrick, après le retrait de ce dernier, et ses discrètes sanctions canoniques s'élevaient à très peu de choses (à ce sujet, voir Sanctions contre McCarrick: Vigano persiste). Mais François est accusé de manière crédible d'un degré de complicité bien supérieur dans les crimes de McCarrick. Si le chef d'une autre organisation était coupable d'une telle complicité, non seulement il serait contraint de démissionner, mais il pourrait aussi se retrouver sur le banc des accusés. C'est ce que l'équipe de François doit comprendre. A leur déshonneur éternel, et aidés par des médias laïques ignorants, ils veulent s'assurer que le public continue à croire en François le Réformateur. Qui n'existe pas.

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