François n'a pas dit qu'il n'y a pas d'enfer

... du moins pas formellement, mais il ne l'a pas démenti non plus; et il a semé une fois de plus, la confusion parmi les fidèles - sous les sourires narquois du monde. Commentaire de Phil Lawler, l'auteur de "The lost sheperd" (31/3/2018)


>>> Sur le même sujet:
¤ Il n'y a pas d'enfer
¤ Scandale: le Pape et Scalfari parlent de l'enfer.. (R. Cascioli)
¤ Skandalon (P Hunwicke)

>>> Et aussi
¤
Le berger égaré
¤ Le pasteur perdu

 
La confusion est la marque de ce pontificat: pas un bug mais une caractéristique.

La confusion - cette fois à propos de l'enfer - est la marque de ce pontificat


Phil Lawler
www.catholicculture.org
Jeudi 29 mars 2018
Ma traduction

* * *

Ok, le Pape François n'a probablement pas dit: «Il n'y a pas d'enfer». Mais ce sont les gros titres de ce Jeudi Saint. Et si l'intervieweur est peut-être responsable d'une citation inexacte, le Pape lui-même est responsable de la confusion qui s'ensuit.

Le Vatican, naturellement, s'est empressé d'apporter une nouvelle "clarification". Notez, cependant, que la déclaration du Vatican ne nie pas vraiment que le Pape François ait prononcé ces mots. Parce que la vérité, c'est que personne ne sait exactement ce qu'il a dit.

Voici la déclaration attribuée au Souverain Pontife, dans un article paru dans La Repubblica, à propos du sort des pécheurs non repentis:

Ils ne sont pas punis. Ceux qui se repentent obtiennent le pardon de Dieu et rejoignent les rangs des âmes qui Le contemplent. Mais ceux qui ne se repentent pas, et ne peuvent donc pas être pardonnés, disparaissent. Il n'y a pas d'enfer, il y a la disparition des âmes pécheresses.


Cette citation figurait dans un article d'Eugenio Scalfari, qui a interviewé [il serait plus exact de dire: "qui a rencontré une fois de plus, et a conversé avec lui à bâtons rompus", ndt] le Saint-Père plus tôt dans la semaine. Suivant sa pratique habituelle, Scalfari n'a pas enregistré la séance et n'a même pas pris de notes. Le journaliste chevronné - qui, soit dit en passant, approche de son 94e anniversaire - s'est appuyé sur sa mémoire pour reconstituer la conversation. Ainsi, les mots qui étaient entre guillemets dans son article peuvent ou non être les mots du Pape François.

La déclaration d'aujourd'hui du Vatican est donc certainement vraie: «Aucune citation de l'article précité ne peut donc être considérée comme une transcription fidèle des paroles du Saint-Père».

Mais ce non-démenti laisse deux questions sans réponse :

1. Le Pape a-t-il dit ces mots - ou a-t-il dit quelque chose d'assez proche pour que la citation de Scalfari ne soit pas totalement inexacte?
3. Pourquoi le Pape s'est-il soumis à une interview avec un journaliste qui ne le citerait pas correctement ?

Il faut garder présent à l'esprit que ce n'est pas la première fois que Scalfari interviewe le Souverain Pontife, ni la première fois que ses articles donnent lieu à des titres sensationnels, basés sur des "citations" choquantes du Souverain Pontife. En fait, il s'agit de la cinquième interview de Scalfari, et la machine-de-relations-publiques du Vatican a apporté des éclaircissements, rappelant aux catholiques déconcertés que les citations n'étaient peut-être pas exactes.

Mais cette fois encore, il se peut que les citations soient exactes. En 2015, dans un compte-rendu similaire, Scalfari avait rapporté que le Pape niait la réalité de l'enfer. Si ce compte-rendu était inexact, pourquoi le pape François ne l'a-t-il pas corrigé dans les conversations ultérieures, afin qu'il ne refasse pas la même erreur? D'ailleurs, pourquoi le Souverain Pontife ne fait-il pas sa propre déclaration, en ce moment même, affirmant qu'il croit en l'enfer? A ce stade, il est difficile de nier que soit Scalfari déforme délibérément les déclarations du Pape - auquel cas il ne devrait certainement pas se voir accorder d'interviews - soit le Pape fait des déclarations qui justifient la couverture médiatique.

Le pape François considère évidemment Scalfari comme un ami, et il a certainement le droit de parler librement avec ses amis. Mais pourquoi parlerait-il 'on the record' [càd publiquement], s'il sait que le compte-rendu sera déformé? Je ne peux que conclure que le pape François - le pape qui a encouragé les jeunes catholiques à «faire le bazar (fare casino)» - crée délibérément la confusion.

Dans The Lost Shepherd, j'ai écrit: «La confusion dans Amoris Laetitia n'est pas un bug; c'est une caractéristique».
Le Pape François s'est rendu compte qu'il ne pouvait pas directement contredire l'enseignement de toujours de l'Église, mis si clairement en avant par saint Jean Paul II [et Benoît XVI!]. Mais il peut créer la confusion au sujet de cet enseignement, et il l'a fait, offrant ainsi une nouvelle marge de manœuvre à ceux qui ne sont pas satisfaits de la position de l'Église.

Selon la même logique, le Pape François ne peut nier l'existence de l'enfer sans contredire directement l'enseignement de l'Église. Mais il peut créer de la confusion, et il l'a fait encore une fois. A-t-il nié, ou du moins remis en question, l'existence de l'enfer? Nous ne le savons pas.

Des milliers et des milliers de personnes perplexes ont maintenant entendu que le Pape croit qu'il n'y a pas d'enfer. Peut-être a-t-il été mal cité; peut-être avait-il l'intention de faire passer un message différent.
Mais nous savons QUEL message il n'a PAS envoyé. Alors que le monde chrétien entre dans le Triduum Pascal, commémorant la Passion du Christ, les titres NE DISENT PAS: «Le Pape dit que Jésus est mort pour nous sauver de nos péchés».

A quoi cet entretien avec Scalfari pourrait-il servir sinon à semer la confusion à propos de la foi catholique?

La confusion est la marque de ce pontificat: pas un bug mais une caractéristique.

Tous droits réservés.
La reproduction, uniquement partielle, des articles de ce site doit mentionner le nom "Benoît et moi" et renvoyer à l'article d'origine par un lien.