La justice au Vatican, un cas emblématique (I)

Celui de la Fraternité des Saints Apôtres, à Bruxelles. Comment le Pape a signé son arrêt de mort. Article de Marco Tosatti (12/4/2018)

Isabelle

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On apprend aujourd’hui que le recours contre la dissolution de la Fraternité des Saints-Apôtres, introduit au Tribunal Suprême de la Signature Apostolique, a été court-circuité par une intervention directe du cardinal Stella auprès du Pape. Il s’agit là d’un acte d’une rare violence, privant les justiciables du droit d’appel qui est un droit fondamental.

Outre qu’elle consacre l’inexorable déclin de l’Eglise belge, endigué pour un temps par le grand archevêque Mgr Léonard, cette lamentable affaire met en lumière la ligne de fracture qui traverse et décrédibilise tout le pontificat bergoglien : l’antinomie totale entre les paroles et les actes, en l’occurrence ici dans le domaine de la justice et de la protection des plus faibles.

Cette ligne de fracture signe l’échec du pontificat en cours. La Belgique qu’Antonio Socci appelle le « laboratoire du bergoglisme », en paie le prix fort : nouvelle baisse dramatique des vocations, fermeture d’églises, départ de congrégations religieuses, lâcheté et transparence des évêques (cf. l’affaire du professeur Mercier), tout cela sous le regard passif d’un primat sans la moindre envergure, dont le seul acte de gouvernement notable est justement la destruction de la Fraternité.

BERGOGLIO ENTERRE LA FRATERNITÉ « DES MIRACLES »


Marco Tosatti
www.lanuovabq.it
12 avril 2018
Traduction d'Isabelle

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Le pape confirme par sa signature le décret de dissolution de la Fraternité des Saints Apôtres de Bruxelles, qui, dans le désert ecclésial de la Belgique, avait suscité un nombre considérable de prêtres et de séminaristes. Un coup fatal, porté sans attendre que la justice ecclésiastique suive son cours normal et se prononce sur le recours introduit par les paroissiens.


Vous rappelez-vous l’affaire de la Fraternité sacerdotale des Saints-Apôtres à Bruxelles ? Dans le paysage dévasté de l’Eglise belge et dans la capitale peut-être la plus déchristianisée d’Europe, Mgr André Léonard, alors archevêque de Malines-Bruxelles, avait créé, en 2013, une Fraternité sacerdotale inspirée du charisme du prêtre français Michel-Marie Zanotti-Sorkine. Elle comptait rapidement 23 séminaristes et 6 prêtres. Evénement extraordinaire dans une Eglise, qui, un an avant la nomination de Mgr Léonard à Malines-Bruxelles, n’avait enregistré, pour la partie francophone du diocèse, aucune entrée au séminaire. La Fraternité se vit confier une paroisse du centre de Bruxelles, Sainte-Catherine, et sa présence avait inauguré un renouveau de foi et d’activité.

Puis, l’archevêque Mgr André Léonard, véritable homme de foi, cible récurrente d’attaques (y compris physiques) et plusieurs fois humilié pour sa défense des valeurs de l’Eglise, non seulement se vit refuser la barrette cardinalice qui devait logiquement lui revenir mais, à l’échéance de ses 75 ans, fut aussitôt congédié par le pontife régnant. Il fut remplacé par Joseph De Kesel, grand protégé du controversé cardinal Danneels, impliqué dans une sinistre affaire d’abus sexuels pour avoir protégé un évêque coupable. Bien entendu, De Kesel fut fait cardinal. Et l’un de ses premiers actes de gouvernement fut la décision de ne plus accueillir, puis de dissoudre la Fraternité, qui, en plus de Sainte-Catherine, s’était vu confier une autre paroisse. Le motif officiel de la décision était que beaucoup de séminaristes étant français, il valait mieux qu’ils retournent dans leurs diocèses respectifs pour des raisons de « solidarité entre évêques ».

Naturellement, les paroissiens de Bruxelles n’ont pas cru une seule seconde à ce prétexte maladroit et ont demandé une rencontre avec l’archevêque pour lui exposer leurs arguments. « Mgr De Kesel ne désire plus accueillir la Fraternité au motif qu’elle compte trop de Français ». Et il est l’évêque de la capitale de l’Europe au XXIe siècle ? Le principe de la « solidarité avec les évêques français » invoqué dans le communiqué pour mettre fin à l’œuvre de Mgr Léonard en dépit des succès reconnus de la Fraternité, n’a aucun sens ; en fait, sur les 80 séminaristes en formation au Séminaire de Namur (qui regroupe les séminaristes de la partie francophone du pays), seulement 25 sont belges : Va-t-on renvoyer tous les autres chez eux ? Va-t-on renvoyer tous les prêtres africains et polonais qui viennent apporter leur aide pour annoncer le message du Christ en Belgique ? L’Eglise catholique n’est-elle plus universelle ? Ne dépasse-t-elle plus les frontières ?

Nous savons comment tout cela s’est terminé. Mais si nous écrivons aujourd’hui, c’est parce que, ces derniers jours, nous avons reçu une information importante sur un événement décisif dans la triste histoire de la Fraternité. Un événement qui s’est passé à Rome et qui, malheureusement, porte la signature du Pape.

Voici l’histoire, en bref. Tandis qu’à Bruxelles on discutait et qu’on cherchait une solution, quelques laïcs et un prêtre ont choisi la voie légale du recours – normal en ces cas – à Rome au Tribunal Suprême de la Signature Apostolique. Les laïcs avaient auparavant contesté la décision de J. De Kesel auprès de la Congrégation pour le Clergé, qui n’était plus dirigée par le cardinal Mauro Piacenza, mais par le cardinal Beniamino Stella, ancien diplomate nommé à ce poste par le Pontife régnant. En novembre 2016, la Congrégation pour le Clergé refusait aux laïcs, sans aucune motivation, le « ius standi », c’est-à-dire le droit des plaignants à présenter leur cause devant un tribunal, et, en même temps, confirmait le décret de dissolution de la Fraternité promulgué par l’archevêque de Bruxelles.

Dans un cas comme celui-ci, le dernier recours est la Signature Apostolique, le Tribunal Suprême de l’Eglise auquel peut s’adresser tout membre de l’Eglise, qu’il soit clerc ou laïc, s’il pense devoir défendre son droit. La Signature Apostolique n’est plus dirigée par le cardinal Raymond Burke, éminent canoniste et prêtre de caractère ; il a été remplacé par l’ancien « ministre des affaires étrangères » du pape, un diplomate lui aussi, Mgr Dominique Mamberti. En décembre 2016, les laïcs de Bruxelles introduisirent leur dossier à la Signature Apostolique. La cause fut considérée positivement par le Promoteur de justice et aurait dû être soumise au Collège des juges, au cours de l’automne 2017. Ainsi auraient pu triompher la vérité et la justice.

C’est alors que s’est produit un vilain coup de théâtre. Le 25 novembre 2017, une lettre de la Signature informait les intéressés que la cause était finie. Sans attendre que la justice suive son cours et rende son verdict, le préfet de la Congrégation pour le Clergé, le cardinal Stella, s’était adressé au pape pour qu’il signe et, par conséquent, fasse sien le décret contesté de dissolution de la Fraternité. Le pontife l’a signé : un acte d’autorité arbitraire, qui apparaît clairement comme un coup porté au droit des plus faibles dans l’Eglise. (En effet, contre un décret pontifical aucun recours n’est possible, NdT). Une histoire qui jette une lumière sinistre sur les manières d’agir des plus hautes sphères de la curie réformée et du pape lui-même. Une sale histoire.

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